JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 9 3780. 37me année L'hiver et son cortège de maux font sen tir autour de nous, leurs pénibles atteintes. Une couche épaisse de neige couvre nos champs et nos chemins. Aux rigeurs de la saison, se joint cette année, une cala mité plus triste encore, la cherté du pain et des denrées alimentaires de première nécessité pour la classe ouvrière. En proie ce double fléau, la ville d'Ypres, jadis si florissante, endure les souffrances les plus aiguës, dépourvuequ'ellese trouve aujour d'hui, des ressources qu'elle puisa constam ment dans le séjour d'une garnison belle etforte. L'élément commercial, autrefoissi puissant dans notre cité,s'il se fulconservé, eût tempéré dans ce momentl'intensité de la crise que nous endurons. Veuve de ces avantages industriels dont notre ville ne sut conserver le précieux héritage légué par nos ancêtres, la misère sévit sur nos populations dans toute sa violence. Représentons-nous en cette époque de l'année deux trois mille ouvriers établis l'étranger par besoin de famille, et mur murant avec chagrin le nom de leur ville natale, dont les vastes bâtiments attestent l'opulence et la richesse d'autrefois! Re présentons-nous audedans, de centaines d'ouvriers pauvres, dont les foibles moyens d'existence ont disparu avec le travail! Fi gurons nous leurs chélives maisonnettes, où lèvent souffle sur un foyer presqu'éleinl: entrons plus avant, dans ces pauvres ca banes et jetons un regard examinateur sur ces réduits de l'infortune et de la misère: pas de pain, pas de couchage, quelques haillons! ici une petite créature pleuranlde faim, là une mère n'ayant lui offrir que des larmes, tel est l'aspect affligeant que présente mainte famille de notre ville. FEUILLETON. Mais, indépendamment des indigents se courus par les administrations publiques, il est une autre classe de pauvres qui mé rite des égards et de la pitié spéciale, ce sont ces personnes laborieuses et braves dont le cœur honnête autant que timide lient la bouche et les lèvres fermées au milieu des privations les plus complètes; et qui se résolvent périr de faim et de détresse plutôt que de demander une au mône. Eh bien, les pauvres de celte espèce, existent chez nous en nombre considé rable, et beaucoup de familles qui, au dehors dénotent une aisance médiocre, ca chent cependant intérieurement des plaies de la plus cruelle misère. Hommes de bien, qui la Providence a donné la for tune en partage, c'est vous d'étendre sur ces malheureux, une main propice et se- courahle. Dans la plupart des villes du royaume, compter de la capitale jus- qu'aux cités de moindre importance il existe des sociétés privées qui se dévouent, dans la mesure de leurs moyens au gemenldeces familles. Adéfauldesht si multipliées que répandent ailleu institutions charitables, que chaciu force, dans le rayon de ses connaisse apporter quelque consolation la pau vreté honnête et honteuse. Et. qu'on n'aille point nous dire que les misères de cette nature, par cela qu'elles sont secrètes doi vent conséquemmenl échapper la con naissance. Qu'on interroge le clergé si charitable de nos différentes paroisses, et nous sommes persuadés, qu'en dehors des familles que nous connaissons souf frantes sans oser se plaindre, il est même d'en indiquer une foule d'autres, qui ne reçoivent peut-être d'autre soutien, que la part que leur fait le prêtre de sa modique pension, voire même de ses dernières res sources. 0 vous qui avez des entrailles de père et de inère! vous qui vivez dans l'aisance, et qui rien ne fait défaut, soyez donc compatissants plus que jamais la vue de tant de misère! et montrez vous la provi dence de quelque famille éplorée en lui payant le tribut de votre générosité. Au nom de ceux qui souffrent sans oser récla mer votre appui, nous venons implorer une aumône, et prononcer vos oreilles le mot qui coûte tant un cœur honnête! Pilié, pitié. Cet appel, nous en avons l'as surance, ne sera point fait en vain. Il n'est personne qui refusera l'écouler: il n'est personne qui ne voudra retrancher de son superflu, une part destinée pour le soulagement des malheureux, en se pénétrant de la réalité extrême des be soins, et en se rappelant la promesse du divin Sauveur, qui pour perpétuer une vertu dont il nous a légué tant d'exemples, nous a laissé sa parole éternelle, qu'un verre d'eau donné en son nom aux pauvres ne serait point laissé sans récompense. VÉRITÉ ET JVgTICE. On s'abonne Y près, rue de Lille, 10, près la Grand Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX RE L'ABOINEMENT, par trimestre, Ypres fr. 3, Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c. Le Propagateur paraît le gAIMF.DI et le MERCREDI de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.) 7PB.ES, 21 Décembre. APPEL A LA CHARITÉ. Voici une histoire de revenant qui .se trouve dans les Mé moires de la baronne d'Oherkirch C'est le grand-duc de Russie Paul Petrowitz, qui plus tard régna sous le nom de Paul lfr, qui la raconte et J'étais un soir, ou plutôt une nuit, dans les rues de Saint- Pétersbourg avec Kourakin et deux valets. Au détour d'une rue, dans l'eufoucement d'une portej'aperçus un homme .grand et maigre, enveloppé d'un manteau comme un Espa gnol, avec un chapeau militaire très-rabat tu sur ses yeux. II paraissait attendre, et, dès que nous passâmes devant lui il soi lit de sa retraite et se mit ma gauche sans dire un mot, saus faire un geste. II était impossible de distinguer ses traits seulement ses pas, en heurtant les dalles, rendaient un son étrange comme celui d'une pierre qui en frappe une autre. Je A la vue d'un spectacle si sombre, nous croyons remplir un devoir qui incombe la presse catholique, en appelant sur ces faits, l'attention bienveillante et particu lière de tout homme de bien. La crise que traversent un grand nombre de nos conci toyens est effrayante, et personne ne peut prédire si la cherté des subsistances ne se maintiendra pas, ou ne prendra peut-être, des proportions pluscriliques encore. Pour cela, il est de toute nécessité de subvenir aux besoins de nos pauvres qui souffrent de la faim et de la misère! A cet effet, nous faisons appel la commisération et la sollicitude toute spéciale des adminis trations charitables, afin qu'elles prennent les mesures que réclament les circonstances affligeantes. Déjà, nous aimons le dire, les Hospices de noire ville, ont pris l'ini tiative d'une mesure tendante procurer aux indigents du pain prix réduit. Que cette administration continue ouvrir les trésors de charité dont elle dispose, et qu'elle fasse coulerdans le sein de la classe souffrante ses ressources abondantes dont le montant croyons-fictif doit dépasser les deux cent mille francs. Jamais que nous sa chions, le pauvre n'excita tant de pitié qu'à celte époque calamiieuse! fus d'abord éinuué de celle rencontre; puis il me parut que tout le côté qu'il touchait presque se refroidissait peu peu. Un frisson glacial pénétrait, agitait mes membres; mon sang se figeait dans mes veines. Tout-à-coup, une voix creuse et mélancolique sortit de ce manteau qui cachait sa bouche, et m'appela par mon nom Paul Je répondis, machi nalement, poussé par je ne sais quelle puissance Que me veux-tu? Paul! répéla-t-il. Et cette fois l'accent était plus affectueux et plus triste encore. Je ne répliquai rien; j'atten dis, il m'appela de nouveau^et ensuite il s'arrêta tout court. Je fus contraiut d'eu faire autant. Paul, pauvre Paul! pauvre prince! Je me tournai vers Kourakin, qui s'était arrêté aussi. Entends-tu lui dis-je. Rien absolument, monseigneur et vous? Quant moi, j'entendais; la piaiute résonnait encore mon oreille. Je lis un effort immense, et je demandai cet être mystérieux qui il était et ce qu'il me voulait, Paul, qui je suis? Je suis celui qui s'iutéresse loi. Ce que je veux? Je veux que tu ne t'at taches pas trop ce monde, car tu n'y restera pas loug-temps. Vis en juste si tu désires mourir eu paix, et ne méprise pas le remords; c'est le supplice le plus poiguant des grandes âmes. Dans la séance du conseil communal du i5, le Bourgmestre de Courtrai, M. le chevalier de Be- thune, poussé par un mouvement de générosité 11 reprit sou chemin en me regardant toujours de cet œil qui semblait se détacher de sa tête, et, de même que j'avais été forcé de m'arreter comme lui, je fus forcé de mar cher comme lui. Il ne me parla plus, et je me sentis plus le désir de lui adresser la parole. Je le suivais, car c'était lui qui dirigeait la marche, et cette course dura plus d'une heure encore, sans que je puisse dire où j'ai passé. Kourakin et les laquais n'eu revenaient point. Enfin nous approchâmes de la grand'place, entre le pont de la Newa et le palais des sénateurs. L'homme alla droit vers un endroit de cette place, et là il s'arrêta encore. Paul, tu me reverras ici et ailleurs encore. Puis, comme s'il l'eût touché, sou chapeau se souleva légère ment tout seul je distinguai alors très-facilement sou visage. Je reculai malgré moi c'était l'œil d'aigle, c'était le front basané, le sourire sévère de mon aïeul Pierre-le-Grand. Avant que je fusse revenu de ma surprise, de ma terreur, il avait disparu. Ce priuce régnace priuce mourut scus le nom fatal de Paul 1er.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1853 | | pagina 1