0 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. >0 3803. 37me année TÉRITK ET JIHTICF. On l'aboutie Yj>rest rue de Lille, io, |»rès la GrauJ Place, et chei (es Percepteurs <l»-s Poslrs (l« Royaume. PRIX BR EV%BO\XE«IP.IVT, par Irlmeatre, Yprea fr. 3. Le* aulrea localités fr. 3-5o. Un u° a5 c. I* Propagateur |wmit le N%Vli:lH et le tlt:KrHi:i)l Je chaque semaine. (InMcrtion* U centime* la ligne.) T??.2S. H Mars. LA CHARITÉ AT XVIe SIECLE A YPRES. Au moment où s'agite la grande ques tion de la bienfaisance, nous croyons que nos lecteurs liront avec plaisir les extraits suivants d'un article qu'un écrivain de mé rite, M. Segrelain, publia, il y a quelque temps déjà, dans l'Univers. Les faits qu'il relate, démontrent l'évidence, d'une part, que la charité civile n'est point comme certains hommes affectent de le proclamer, éclose au soleil de 89et de 93, et de l'autre, que nos pieux ancêtres, que les Yprois même du 16°"' siècle, n'étaient rien moins que les précurseurs d'un libéralisme men teur et d'une philanthropie anticatholique, ainsi que des sophistes du parti s'effor çaient dernièrement de les dépeindre. Au surplus, le travail de M. Segrelain et les extraits que nous en donnons ic i, doivent avoir aux yeux de nos concitoyens un at trait tout particulier, puisque ce sont no9 propres annales qui ont fourni l'écrivain français le texte de sa savante dissertation, et que pour honorer la bienfaisance des «âges antérieurs il a choisi de préférence l'histoire et les exemples de nos pères. Aussi regrettons-nous vivement que le cadre de notre journal ne nous permette d'insérer ici que quelques fragments du travail de M. Segrelain. Après avoir constaté que le moyen-âge, s'il avait aussi ses pauvres, ne connaissait ni la mendicité ni le paupérisme, l'auteur continue en ces termes: Avançous dans le temps. Arrivons:, celte époque désastreuse où Luther, eotraiuaut une partie de l'Europe dans sa révolte, allèche surtout les siens par l'espoir du pillage de ces biens de l'Église, qui étaient le patrimoine inaliénable de l'indigence De toutes parts les monastères sont pillés ou volés par les priuces ses complices. Les prédictions d'E- rasrne commencent se réaliser. Effrayé des pro diges de cupidité et de luxure de ces hommes, ses amis d'hier, qui n'ont, écrit-il Mélanchton, d'é- vaogélique que la gueuserie, il avait annoncé, avec une perspicacité que uous sommes en mesure d apprécier aujourd'hui, que la rage avide avec laquelle ils convoitaient les biens ecclésiastiques atteignait profondément et dans sa base le droit de propriété des princes et des citoyens. La gnerre des paysans avait justifié cette seconde vue du philosophe de Rotterdam. Alors, par l'organe du premier pouvoir public de ce temps, la société s alarme du flot de mendicité qui s'apprête dé border sur l'Europe. L'empereur Charles-Quint tôag) rend une ordonnance qui la supprime dans ac» Etats, sous peine du fouet et de la prison. A ce trait, nous pouvons nous écrier hardiment Le monde moderne est enfanté. Au lieu de ces princes amis de la pauvreté, depuis le bon roi Robert jusqu'à sainte Elisabeth de Hongrie, saint Louis et tant d'autres, qui pansent, de leurs mains quelquefois, de leurs trésors toujours, les ulcères de l'humanité dénuée, apparaît une autorité me naçante, vengeresse, pour qui l'indigent est un ennemi public, et qui, au lieu de le consoler et de le soutenir, le supprime. Voilà, dans son berceau, la charité de l'État. Les philosophes l'aideront se développer plus tard. Elle agira sur le monde par la taxe des pauvres et par les maisons de force et de travail, où elle poussera sous les verroux le troupeau des misérables. Mais toujours elle gar dera, comme un caractère ineffaçable le long cor tège de ses lois de répression, qui ont fait des gendarmes les principaux ministres de ses bienfaits. C'est qu'à partir de cet instant de l'histoire, l'é quilibre du chiistianisme est rompu en Europe, et avec lui le lien de la vraie charité. Les pauvres ne sont plus les frères des riches; il n'y a plus que des plébéiens et des patriciens. Lazare ressuscité par Jésus vient d'être replongé dans le tombeau par l'hérésie. A sa place le nouveau paganisme a ra mené de nouveaux Spartacus. Et l'État, celte abstraction sans cœur, quand on l'a séparé de l'É glise, l'Etat se jette an milieu de cette mêlée qui commence, pour imposer ia loi de la force là où l'esprit de Dieu, là où l'esprit de liberté a disparu. Mais, ainsi que l'observe M. Segretain, les scrupules des consciences catholiques ne devaient pas, dès cette époque déjà, s'accommoder de cette façon brutale et ex- pédilive d'en finir avec les misères d'ici- bas. C'est ici que notre auteur cite l'appui de cette proposition une lettre en date du 28 décembre 1530, adressée de la part des magistrats de la ville d'Ypres la Faculté de théologie de Paris. Une sorte de service ou de ministère des pauvres (armenkamer) venait d'être établi dans la cité, et le magistrat était désireux de voir cette innovation importante, munie de l'approbation de la Sorbonne si justement vénérée au sein de l'univers catholique. iNous regrettons que le défaut d'espace ne nous permet point d'insérer ici cette pièce d'un grand prix, cependant, pour juger sainement ces mœurs que la Réforme ve nait si profondément entamer. Nous tâ cherons au moins d'en faire comprendre et l'esprit et le contenu, en observant avec M. Segrelain, qu'à chaque ligne de la sup plique, de nos magistrats éclate le senti ment intime du devoir, le respect des lois de la conscience. Ajoutons que celle con sultation familière d'un municipe flamand, portée devant la Sorbonne de Paris, prouve ia communion des idées et des croyances effaçant les distinctions de races, les fron tières des empires, les susceptibilités na tionales, pour relier tous les hommes dans l'esprit d'une même morale et d'une même foi. Enfin, se demande l'écrivain que nous citons, qu'est-ce donc que celte société dans laquelle la question de la pauvreté se pose naturellement de vant les pouvoirs civils comme une question de conscience? La pauvreté y est donc une chose sacrée? Elle y a donc un droit positif, reconnu de Ions, puisqu'on soumet les actes publics qui l'in téressent la discussion des universités préposées l'étude des lois qui régissent le for intérieur?... L'empereur la proscrit par uu édit. Cependant la sainteté du malheur, les droits de l'indigence sont si avant gravés dans l'opinion, que des magistrats n'osent attenter la liberté du pauvre sans être bien certains qu'ils lui rendront plus qu'ils ne lui veulent ôler.... L'illustre sénat d'Ypres expose ensuite la Sot bonne les raisons qui l'ont porté prohiber la mendicité daos son ressort. Il rappelle le devoir impérieux imposé aux priuces ecclésiastiques ou laïques de prendre soin des pauvres, que la reli gion chrétienne ordonne tous de secourir. II dénonce les vices des vagabonds, qui vivent sans loi, sans foi, sans patrie, sans liens réels avec l'Église qui les nourrit. Il rapporte enfin l'ordon nance impériale qui les place sous le coup de la loi. Puis il raconte qu'il a établi, avec le concours du curé de Saint Martin d'Ypres et des principaux membres du clergéune sorte de service ou ministère des pauvres minislerium pauperum) composé de quatre notables, choisis par les magis trats. Ils devront s'adjoindre un certain nombre de coopérateurs. Chaque paroisse de la ville leur en donnera quatre. Ils s'assembleront chaque semaine afin de recevoir les plaintes des indigents et de faire, autant que possible, je cite l'exposé, qu'au- cun d'eux ne les quitte avec tristesse et sans avoir vu son vœu satisfait. Ils auront pour mission de nourrir, de vêtir, de loger les pauvres, de fournir du travail aux mendiants valides, de former les adolescents l'étude des arts mécani ques ou libéraux, suivant les dispositions dont ils feront preuve. Une bourse commune sera fondée pour l'entre tien des nécessiteux. Chaque semestre, devant le sénat et les magistrats assemblés, des syndics ren dront compte des recettes et des dépenses dans la forme usitée pour le contrôle des deniers publics. Un chapitre spécial est consacré aux pauvres honteux. Les curés de la ville sont tout particuliè rement chargés de les rechercher et de les consoler, afin, disent les échevins dans ce doux langage chrétien dont les pouvoirs modernes nous ont si bien déshabitués, qu'on aille frapper aux portes de ceux qui n'osent frapper aux nôtres; que la nourriture prévienne la faim, et que l'aumône soit plutôt accordée que demandée. Mais les pauvres étrangers la ville qu'en Le savant abbé Carton de Brugesmembre de 1 Académie royale de Bruxelles, dans un mémoire sur l état de la mendicité dans la Flandre-Occidentalefait connaitre que le règlement d'Ypres est P œuvre du prévôt de l-JHartin grand-vicaire de réglise de Térouanne et de tout le clergé du diocèse, qui s'étaient concertés avec le magistrat pour le rédiger et surtout pour en assurer Texécution[Bull, de la comm. cent, de statistique 1851 Il est également remarquer que Pun des deux porteurs de la missive de nos magistrats appartenait un ordre mendiant, cétait le R. P. frère Jean Crocuis, lecteur en théologie des frères prêcheurs

HISTORISCHE KRANTEN

Le Propagateur (1818-1871) | 1854 | | pagina 1