JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
]\o 3.855. Samedi, 9 Septembre, 1854. 38me année.
7PS.3S, 9 Septembre.
Le sort des classes ouvrières est digne
au plus haut point de la sollicitude et de
l'attention des gouvernements. Dans ces
tristes circonstances plus que jamais, il
est de toute nécessité que les administra
tions supérieures prennent les mesures
nécessaires pour porter remède la si
tuation pénible où l'ouvrier se trouve
placé.
Le malheur des temps n'est inconnu
personne une cherté extraordinaire des
denrées alimentaires; une augmentation
de prix sur tout ce qui est le plus indis-
pensablement besoin la classe nécessi
teuse, se joint un manque de travail que
l'approche de la saison rigoureuse géné
ralisera inévitablement. Ce qui ajoute en
core la gravité des souffrances publiques,
c'est qu'affaibli, épuisé la suite de lon
gues et de cruelles épreuves, l'ouvrier avait
vécu de la douce espérance que la récolte
de cette année, par son abondance, dimi
nuerait incessamment sa gène et ses mal
heurs, et que par des causes dont il est
difficile de se rendre compte, cet espoir,
fondé sur les apparences les plus légitimes
tarde jusqu'ici se réaliser. Il est vrai,
grâce en soit rendu la divine Providence,
la récolte de celle année, de l'avis de tout
le monde, a été bonne et abondante. Il
semblait donc naturel de s'attendre voir
les prix du grain baisser d'une manière
sensible; cette baisse s'est opérée, il est
vrai; mais la hausse a de nouveau com
mencé se faire sentir.
Ce sont là, des faits étranges qui doivent
fixer particulièrement l'attention des au
torités administratives et des chambres.
Selon les préceptes les plus vulgaires de
l'économie politique, une récolle abon
dante doit inévitablement faire baisser le
prix des denrées et le ramener au taux
ordinaire. Ln vain, nous dira-t-on, pour
expliquer le contraire, qu'il est peu de
grains de la présente récolle qui puissent
être livrés la consommation, que les
travaux des champs ne permettent pas
aux fermiers de battre leurs blés et de les
exposer en vente: il est évident que la
certitude aujourd'hui acquise que le grain
se trouve en quantité supérieure aux be
soins, devrait exercer une inlluence favo
rable sur le prix de nos marchés; et
d'ailleurs les renseignements que nous
avons recueillis de plusieurs points de nos
campagnes, nous feraient croire difficile
ment qu'il ne se trouve déjà assez de grains
battus pour pourvoir abondamment aux
besoins du commerce et de la consomma
tion intérieure.
A quoi faut-il donc attribuer la hausse
du prix de nos céréales. Est-ce l'agiotage?
Est-ce des menées ténébreuses, déloyales,
révolutionnaires? Est-ce la spéculation
étrangère qui s'empare de la plus précieuse
de nos ressources? Quoi qu'il en soit, il
devient nécessaire que le gouvernement
porte une attention sérieusesur la question
alimentaire et qu'il veille ce que le pau
vre ne mange point le pain un prix qui
dépasse les prévisions et les calculs du
reudage. Pour amener ce résultat, plu
sieurs mesures méritent d'être prises en
considération. Parmi celles-ci, il en est
une qui circule dans bien des bouches, qui
a rencontré déjà beaucoup d'appui la
chambre c'est la défense des blés la
sortie. Bien que nous reconnaissions notre
incompétence en celle matière et que pour
ce motif, nous abandonnions d'autres le
soin de se prononcer sur l'opportunité de
celle mesure, il paraîtra toujours étrange
de nous voir conlrainls de laisser les mar
chands de pays voisins s'approvisionner
sur nos marchés, alors que ces mêmes
pays ferment leurs propres frontières au
commerce Belge. Une autre remarque que
nous nous sentons obligés de faire, c'est
que s'il a paru nécessaire de prohiber la
sortie, les pommes de terre, les lentilles,
les poix et les fèves, pourquoi cette mesure
ne s'est-elle point appliquée au froment
et au seigle, qui sont des aliments tout
aussi importants, et que nous avons par
conséquent un égal intérêt conserver
pour l'alimentation des classes ouvrières
auxquelles leurs ressources ne permettent
plus l'usage de la viande? Si nos grains
continuent sortir du pays comme ils en
sortent déjà, en quantités considérables,
pouvons-nous compter qu'il nous en arri
vera assez de pays étrangers, pour com
penser les exportations, qui préjudicie-
raient aux besoins de la consommation
intérieure?
Les greniers d'abondance, l'Egypte
et les ports de la mer ISoire, sont épui
sés pour fournir l'approvisionnement
des nombreuses armées belligérantes. 11
ne nous reste que la ressource des Etals-
Unis, et la hausse continuelle du fret rend
les arrivages de plus en plus onéreux.
A côté de cette mesure, il en est une
autre que nous voyons émettre par le
Courrier de Louvain, ce serait de prescrire,
par uneloi, que tous les marchés de grains,
seraient tenus dans le pays entier, le même
jour et la même heure, pour empêcher
que le prix d'un marché n'exerce la même
influence fatale sur le prix de toutes les
au très places, et que les spéculateurs n'achè
tent aujourd'hui les grains dans telle ville,
pour les revendre le lendemain dans une
localité différente.
On le voit, ces différentes mesures sont
dignes de fixer l'attention des chambres,
et du gouvernement. Espérons que nos
mandataires, et nos autorités aviseront
ce qu'ils ont faire cet égard, et que,
comprenant l'intensité des misères publi
ques, ils sauront par des mesures sages
et protectrices, prévenir dans notre pays,
une disette en présence d'une récolle riche
et abondante.
PROPAGATEUR,
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Au marché aux grains d'aujourd'hui, il n'y avait
qu'environ 200 sacs, cotés en moyenne 'a 33 fr.
Grâce l'active surveillance delà force publique,
l'ordre et la tranquillité la plus parfaite n'ont pas
cessé de régner.
Au moment de mettre sous presse, nous appre
nons que cet après diner le nommé Deleu, garçon
de ferme, en quittant le marché a en le malheur
de tomber de son chariot, près le cabaret la Cita
delle hors la porte de Menin, les roues lui ont
traversé sur le corps et il est mort sur place.
BEVUE POLITIQUE.
Des nouvelles importantes sont arrivées du
théâtre de la guerre sur la mer Noire. L'expédition
de la Cr imée est aujourd'hui un fait certain. D'après
une dépêche de Constantinople du 28 août, le
maréchal de Saint-Arnaud a publié un ordre de
jour dans lequel il annonce h l'armée le départ de
la grande expédition pour la Crimée et Sébastopol.
C'est là, dit-il, que nous trouverons les gages de
paix qui doivent rendre possible le retour dans
notre patrie.
Quel sera maintenant le résultat de la double
attaque des forces alliées contre cette place réputée
l'une des plus fortes de l'Europe? Si ce qui a été
publié par le Journal des Débats est exact, il
résulterait que l'expédition a beaucoup de chances
de réussite: Car Sébastopol invulnérable du côté
de la mer, ne l'est pas, dit-on, du côté de la terre;
il paraît que cette place a été fortifiée dans la pré
vision d'une attaque par mer, et non pas dans celle
qu'on viendrait l'assiéger avec une armée de terre.
Si donc 1 armee expéditionnaire parvient a opérer
sou débarquement en Crimée, on pourra juste
litre espérer que l'entreprise dirigée contre Sébas
topol par les puissances occidentales sera couron
née d'un plein succès. Mais dans tous les cas,
connue dit le Journal de Druxellesla prise de
cette place ne s'accomplira pas sans une grande
effusion de sang; les préparatifs de défense comme
les préparatifs d'attaque, sont formidables de part
et d'autre. Tous les moyens de destruction seront
employés.
La bravoure des alliés surmontera peut-être
la ténacité du soldat russe; mais nous le répétons
bien des hommes morderont la poussière dans cette
lutte gigantesque, où tous les moyens paraissent
assurés pour couronner l'entreprise de succès,
comme pour la rendre vaine.
D'après des lettres de Varna mentionnées par
la Patrie de Bruges, la flotte et les transports qui
fout actuellement voile pour la Crimée forment
un ensemble des plus imposants.
Cent bâtiments vapeur de toute force, trois
cents transports et trente-six vaisseaux de ligne
composent la flotte. 70,000 hommes et un matériel
considérable sont embarqués. La flotte, dès que le
débarquement sera opéré, reviendra Varna pour
y embarquer le complément de l'armée expédi
tionnaire, qui, d'après des dépêches de Constanti
nople, est portée 80,000 hommes. D'autres
disent qu'elle est forte d'environ 70,000 hommrs,
dont 55,ooo Français, a5,ooo Anglais et environ
10,000 Ottomans. Toutes ces troupes montrent le
plus grand enthousiasme, les marins ont obtenu