JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
T\o 3,872. Mercredi, 8 Novembre, 1854. 38me annee.
7PP.SS, 8 Novembre.
PROPAGATEUR,
VÉRITÉ ET JTSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Graud
Place, et che* les Percepteurs des Postes du Royaume.
PKI\ ni: L'ABONNEMENT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu u° a5 c.
Le Propagateur parait le nt:Rt'Rt:»l et le R.tHEDI
de chaque semaine. (iuNertioiiw lî centimes In ligne.)
Le résultat de la dernière élection com
munale en celte ville a été ce qu'il devait
nécessairementêtre. Depuisquelque temps
surtout l'opinion publique s'est profonde
ment dégoûtée de ces luttes stériles des
partis, où s'épuisent pure perte les forces
et l'activité de la nation, et qui, entravant
chaque pas les inspirations les plus
généreuses, les actes les plus salutaires au
bien-être général, compromettent sérieu
sement la prospérité publique et l'avenir
même de notre belle patrie. Les comices
de f847 et de 1848 ont plus que toute
autre cause produit ce revirement de
l'opinion. Antipathique au caractère de la
nation, le système d'intolérance absurde
que les vainqueurs du 8 juin inaugurèrent
cette époque; devait tomber sous la ré
probation générale; et, en effet, une réac
tion n'a point tardé se faire jour, d'autant
plus énergique qu'elle se développe et
mûrit lentement.
Toutefois, dès avant que les hommes
d'État de La politique nouvelle, répudiant les
nobles traditions de leurs devanciers,
eussent inauguré en fait aussi bien qu'en
principe le régime des gouvernements de
parti, les déplorables errements qui triom
phèrent alors dans les régions gouverne
mentales, avaient trouvé de tristes inter
prêles au sein du conseil communal de
cette ville. Nous n'avons point revenir
aujourd'hui sur les actes et les tendances
auxquelles nous faisons ici allusion.
Ailleurs ce système de compression,
d'imprévoyance et d'arbitraire ont abouti
fatalement une prompte et vigoureuse
réaction. Chez nous, (il faut bien le recon
naître,) habitués que nous sommes porter
ce joug inflexible que quelques meneurs,
toujours les mêmes, ont eu l'art jusqu'ici
d'imposer la majorité bénigne des élec
teurs, chez nous, disons-nous, avant que
ce revirement prévu de l'opinion se tra
duise en actes formels, il faudra d'abord
que le dégoût, que la lassitude et l'ennui
aient graduellement détendu les ressorts
dont les puissants seigneurs du club
pseudo-libéral font mouvoir leur gré les
licelles. Là en sommes-nous arrivés. Las
situde et ennui, tel est le caractère incon
testable qu'ont revêtu parmi nous les
comices électoraux du 51 octobre.
Il est vrai, il n'a point dépendu delà
coterie dominante d'assigner une portée
plus haute, une signification toute autre
la réélection des candidats de son choix.
Chacun se rappelle, en effet, que l'an
passé, nos mandataires communaux pri
rent leur démission eu masse, rattachant
celle démarche, sous forme de protesta
tion, au retrait presque absolu de la gar
nison et au démantèlement de la place.
Tel ne fut point, on s'en souvient, l'avis
de tout le monde, et la retraite de nos
édiles, au moment où le mauvais état des
finances communales menaçait d'empirer
encore, reçut par autrui une interprétation
moins satisfaisante pour eux. Au reste les
démissionnaires du conseil, corroborant
en quelque sorte eux-mêmes ces légitimes
soupçons, ne tardèrent pas enlever
leur démarche toute la portée qu'elle
pouvait avoir, alors qu'en s'abstenant de
convoquer les électeurs, ainsi qu'il leur
incombait de faire, ils trouvèrent plus
simple de rester en place, sans donner
plus de suite leur beau projet de retraite,
malgré la circulaire qui en faisait foi.
Ainsi le simple narré des faits, réduit
sa juste valeur la superbe prétention de
quelques folliculaires et de leur chef-de-file
du club du Grand-Sultan, qui, pour parer
la torpeur et l'indifférence générale,
imaginèrent de rattacher la réélection des
ancieus conseillers aux trop justes griefs
que la ville d'Ypres, si longtemps favorisée
au point de vue militaire sous le régime
des cabinets conservateurs, formule
charge du déparlement de la guerre, et
qui remontent la gestion de .M. Kogier et
de ses collègues.
Toutefois, si nous signalons, bon
droit sans doute, l'indifférence qui s'atta
che l'administration communale, si nous
osons prédire, dès aujourd'hui, que cette
indifférence n'est que la première phase
d'une réaction inévitable tôt ou tard, il
n'entre point dans nos intentions d'enve
lopper en un blâme formel tous les rnern-
bresindistinctement du conseilcommuiial.
Nous aimons au contraire rendre hom
mage la droiture d'intentions, au carac
tère conciliant de beaucoup d'entr'eux.
Aux anciens conseillers un nouveau
mandataire est venu s'adjoindre, et, son
égard encore, nous n'avons aucun grief
formel articuler. Qu'il nous soit permis
cependant de nous demander, avec la
masse des électeurs, ce que signifie la
préférence accordée par le club du Grand-
Sultan M. Auguste Maieur-Vergeelsoone?
Ét ranger la ville, où depuis peu d'an
nées il est venu s'établir, n'ayant jamais
fait preuve, que nous sachions, de talents
administratifs, ni de quelque aptitude que
ce soit dans la gestion des affaires, le
nouvel élu ne semblait pas, sous plus
d'un rapport, réunir les titres qui dussent
lui assurer la préférence entre tous les
adhérents du parti libéral. Mais s'il en est
ainsi, au premier abord, le choix de M.
Maieur est bien simple dans ses motifs
pour peu qu'on y réfléchisse un instant.
Homme paisible, d'un caractère facile,
libéral par ostentation et par faiblesse,
M. Maieur, convenons-en, était de trempe
plaire au comité du club, dont M. Carton
père dirige les travaux, et dont M. Er
nest Merghelynck est secrétaire. En consé
quence, la majorité servile du dit club,
prétendu libéral, (une trentaine de mem
bres, électeurs ou non,) obtempérant com
me toujours au vœu du maître, a désigné le
candidatà élire au publicélectoral d'Ypres.
Constatons néanmoins que celte fois une
protestation timide encore, mais bien signi
ficative, protestation dont le scrutin élec
toral fait foi, a surgi du sein même d'un
parti, de trop longue date habitué au ser
vage pour recouvrer d'un seul coup sa
liberté, mais chez qui cette velléité d'indé
pendance révèle encore un reste d'énergie,
capable de grandir tôt ou tard, et féconde
peut-être en conséquences pour l'avenir.
Le réveil récent de l'opinion publique, tel
qu'il s'est manifesté Gand, la journée
du 50 octobre et dès avant cette époque,
est un fait qu'il ne serait guère surprenant
de voir se renouveler ailleurs.
Par suite de la démission prise collecti
vement, le 5 novembre 1855, par les mem
bres du conseil communal, les électeurs
sont de nouveau convoqués pour le 14 du
mois l'effet de pourvoir la réélection
des membres dont le mandat n'expirait
point cette année. Ce sont MM. Van-
denbogaerde, Merghelynck, Legraverand,
Smaelen, Cardinael et Becuwe. Peut-être
remarquera-t-on que le nom de M. Van-
denpeereboom, qui ne s'est point trouvé
du nombre des membres réélus le 51 oc
tobre, ne figure également point parmi
celte seconde catégorie de démissionnaires.
C'est qu'en effet sa démission comme éche-
vin n'ayant point été acceptée, M. Vanden-
peereboom n'a pas déposé son mandat de
conseiller.
Holvoet et Bnyse, deux pâtres Cominois, sont
loin de s'entendre, quoique chrétiens, comme
autrefois les païens Tytire et Mélibée. Aussi l'af
fection mutuelle de ces derniers a t elle été chantée
par un des plus grands poètes de la terre, tandis
que les dissensions de nos deux concitoyens furent
constatées prosaïquement jeudi au banc correc
tionnel. Il ne s'agit ni de politique ni d'élections,
ni de maçoouerie. Ils avaient permission de faire
paître leurs troupeaux aux mêmes champs mais
ne voulaient ni prendre chacun son tour, ni faire
place l'un pour l'autre. Il s'ensuivit une mêlée,
mêlée de moutons d'abord, avec bêlements et dé
sordre calme, comme il arrive entre brebis; mêlée
de furieuxensuite, se lançant des coups de poing et
de houlette jusqu'au sang. On accourut du voisi
nage sur le vacarme pour séparer les combattants
écloppés. Les chiens, plus sages que leurs maîtres,
regardaient tristement faire, craignant sans doute
de faire une trop rude police, s'ils étaient inter
venus. Le tribunalprenant en considération la
correction qu'ils s'étaient infligée eux-mêmes, n'a
prononcé contre chacun que seize francs d'amende