JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
LE
ï\o 3,875.
Samedi, 18 Novembre, 1854.
38me année.
PROPAGATEUR,
TKRITl: ET JUSTICE.
On l'aboatie Ypres, rue de Lille, io, près la Grand
Place, et chez 'es Percepteurs rie# Postes du Royaume.
PRIX l»F. L'ABOIXKMm, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n* a5 c.
La Propagateur parait le UI IM RMH rt le *%RF.I>I
de chaque semaine. (InarrltonM H centime» In ligne
7PP.330, 18 Novembre.
Certains journaux clubistes sont vraiment plai
sants. A propos de la double de'oision que vient de
prendre la Chambre sur les élections de Marche et
d'Anvers, ils se mettent a aligner des phrases
perte de vue sur les rancunes du parti conserva
teur. A les entendre, l'élection de M. Orban-
Fraocntte, d'abord, aurait dû être, sillon validée
(ils n'osent pas le dire), du moins soumise une
enquête. Pourquoi cela demanderons-nous
pour éclaircir les faits? Mais l'art. 3i de la loi
électorale porte que Les bulletins dans lesquels
le votant se ferait connaître sont nuls. Le
législateur a inscrit ce principe dans notre droit
public a6n de ne pas exposer l'électeur h la haine
et aux réactions des partis. Or la seule inspection
des bulletios déposés dans l'urne, h Marche, a
constaté que plus de deux cents portaient des
signes évidents de reconnaissance. En préseuce de
ces faits, le jugement de la Chambre pouvait-il
être douteux? Encore une fois, quoi bon une
enquête, lorsqu'on avait sous les yeux la preuve
matérielle que le principe fondamental de notre
système électoral, le secret du vote, avait été
méconnu, violé d'une manière aussi scandaleuse?
Mais l'élection de M. Délia Faille "a Anvers,
celle-là du moins aurait aussi dû être annulée,
soumise une enquête! et pourtant la Chambre a
statué que cette élection est valide! Là-dessus, le
Journal de Bruxelles répond fort propos
Il est remarquer, dit-il, que M. Délia Faille
a été élu au scrutin de ballotage et que nulle
critique n'a été articulée contre ce scrutin. Les
opposants aux conclusions de la commission de
vérification des pouvoits disaient Il n'est pas
certain que M. Délia Faille devait être balloté
avec M. Rogier. M. Délia Faille a, il est vrai,
obtenu au premier scrutin deux voix de pins
que M. De Cock mais comme il y a eu, au
premier scrutinune irrégularité dans deux
bulletins, il se peut que ces deux bulletios irré-
guliers aient été erronnément attribués M.
Délia Faille. Or, dès qu'il y a incertitude, il faut
annuler.
Examinons.
L'art. 56 (de la loi électorale) est aiosi conçu
Si tous les députés élire n'ont pas été
nommés au premier tour de scrutin, le bureau
fait une liste des personnes qui ont obtenu le
plus de voix.
n Cette liste contient deux fois autant de
noms qu'il y a encore de députés élire.
Les suffrages ne peuvent être donnés qu'à
ces candidats, a
Voyons ce qui s'est passé Anvers.
Au premier tour de scrutin, quatre candidats
obtiennent la majorité absolue; viennent ensuite
M. Rogier, M. Délia Faille et M. De Cock; mais
M. Délia Faille n'a que deux voix de plus que M.
De Cock. Aucune réclamation n'est faite. Le
bureau proclame les quatre membres qrri ont
obtenu la majorité absolue et ordonne le ballotage
entre M. Rogier et M. Délia Faille.
En présence des termes de l'art. 36, le bureau
évidemment ne pouvait, sans violer la loi, procéder
autrement. Le dépouillement du scrutin ayant
constaté que M. Délia Faille avait obtenu plus de
voix que M. DcCnck, il fallait que M. Délia Faille
fût balloté avec M. Rogier.
Si (dans le premier scrutin) il y avait deux
bulletins irréguliers, il fallait les déduire de
chacun des candidats et alms la proportion entre
M. Délia Faille et M. De Cock restait la même.
En vertu de quoi les aurait-nu déduits de M.
Délia Faille seul? a
Puisque M. Délia Faille devait être balloté avec
M. Rogier; puisque, d'un autre côté, on n'a for
mulé, on ne pouvait formuler aucttne critique
contre le scrutin de ballotage en lui-même, il est
bien clair que la Chambre devait prendre la
décision qu'elle a émise au sujet des élections
d'Anvers.
De plus, tout ce qui vient d'être dit démontre
qu'il n'y a aucune comparaison 'a établir entre les
élecrions de Marche et celles d'Anvers; les deux
cas ne comportent pas la moindre analogie, et si
les folliculaires libéralisies semblent les confondre
et les ranger sur la même ligne, c'est uniquement
dans le but de jeter l'odieux sur les conservateurs.
Mais pourquoi donc tout cet énorme fracas
propos des éleclions de Marche et d'Anvers?
Pourquoi les gazeliers de la gauche ne parlent-ils
pas aussi de l'élection de M. Lambin, qui vient
d'être soumise une enquête, et cela par l'unique
motif que M. Lambin n'a obtenir que trois voix de
majorité, et que, parmi les électeurs inscrits ayant
pris part au vote, il s'en trouve denx qui l'on
conteste l'indigénat. Et cependant cette décision
de la Chambre est contraire au principe de la
permanence des listes électorales, en vertu duquel
tout iudividu inscrit a le droit d'être admis au
scrutin. Il y a plus, elle est contraire la décision
que la Chambre elle-même a prise, en i85o,
lorsque l'élection de M. D'Hoflschmidl fut préci
sément contestée pour la même raison. Alors, M.
D'Hoflschmidl n'avait obtenu non plus que trois
voix de majorité alors, les deux persounages
qui l'on conteste l'iodigéuat avaient aussi pris part
au vole; alors, eu outre, les meneurs libéraux de
l'arrondissement de Bastogne avaient eu recours
aux plus indignes violences l'égard des électeurs,
et une corruption honteuse avait été pratiquée sur
la plus vaste échelle ce qui seule suffisait ample
ment déjà pour faire annuler l'élection de M.
D'Hoflschmidl pourquoi donc et en vertu de
quel principe les libéraux volèrent-ils en i85o
contre l'enquête, lorsqu'il s'agissait de M. D'Hofl
schmidl; et pourquoi voleot-ils aujourd'hui pour
l'enquête, lorsqu'il s'agit de M. Lambin? Vrai
ment nous serions curieux de les entendre raison
ner sur cette thèse.
Le l'rogrès est heureux et content comme
un coq en pâte: il trouve du jésuite mâ
cher, et de plus, c'est le journal le Siècle
qui lui sert le mets favori, ce qui est assez
dire qu'il doit être éminemment délicat.
A ce qu'il paraît donc (car c'est de cela
qu'il s'agit) le cabinet de Madrid aurait ré
solu d'expulser les jésuites delà Péninsule
hispanique. Pourquoi non? Est ce qu'aux
yeux des libéraux avancés de tous les pays,
les ordres religieux en général, et la Com
pagnie de Jésus en particulier, ne sont pas
une lèpre dont il devient nécessaire que les
peuples se guérissent, même en recourant
la force
Quant aux motifs de cette expulsion
décréter par le gouvernement espagnol,
ils sont, comme 011 le pense bien, graves et
nombreux. MM. les rédacteurs du Siècle
ainsi que MM. les rédacteurs du Progrès
les précisent et entrent, ce sujet, dans
des détails qui indiquent qu'ils ont observé
les choses de près. Ecoutez et jugez: C'est
vraiment faire frémir: Les jésuites sont
universellement délestés en Espagne; les jé
suites sèment la discorde dans le pays ISasco-
iMavarrais; les jésuites trament des conspira-
lions Carlistes. Maisoequi devienttout-à-fait
sérieux, c'est que les hôtels des jésuites
sont devenus des arsenaux, amplement
pourvus, sans doute, de munitions de
guerre de toute espèce! Il paraît aussi que
depuisquelque temps, les Révérends Pères
s'exercent tous les jours au maniement des
armes et qu'ils faisaient dans le métier des
ptogrès étonnants. Nous avons peine le
croire, mais on assure que déjà tout était
prêt, et qu'ils allaient juste entrer en cam
pagne contre les troupes de la Reine Isa
belle, lorsque le cabinet espagnol a heu
reusement découvert leur projet. On ne dit
rien jusqu'ici du plan de campagne adopté
par la Révérende Compagnie. Brusquant
les choses devait-elle marcher directement
sur Madrid et lâcher de s'emparer de la
capitale pour terminer ainsi la guerre
d'un trait? Ou bien, s'arrêtant 3 une stra
tégie moins brillante, mais plus sûre peut-
être, voulait-elle d'abord s'établir fortement
dans quelque province et en faire la base
de ses opérations ultérieures?
Le Progrès, sans doute, ne tardera pas
donner sur ce point des détails intéres
sants.
Il paraît que c'est sur la Convention
d'Anvers que le.Ministère va poser la ques
tion de cabinet ou de confiance devant les
Chambres.
On le voit, c'est sur des principes d'une
importance majeure que la lutte se trou
vera prochainement engagée. Si les li
béraux exclusifs dit la Patrie de Bruges,
sont battus sur ce terrain; si l'infime mi
norité d'il y a huit mois reste ce qu'elle fut
alors, ou ne s'accroît que de quelques re
négats sansconviction et sans valeur, ce sera
un grand pas de fait vers la politique con
ciliante el modérée qui seule peut sauver