JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3,893.
38me année.
X2B.SS, 20 Janvier.
REVUE POLITIQUE.
Il y a longtemps que nous l'avons dit, la
masse du parti libéral ignore où on l'a
mène; beaucoup d'entre les meneurs même
se font illusion sur la portée de leurs actes
et ne s'arrêtent pas aux conséquences lo
giques de leurs doctrines.
Ainsi conçoit-on aisément comme quoi
tant d'honnêtes gens prêtent au parti l'au
torité de leur nom et de leur exemple.
Parmi eux, les uns, désabusés tôt ou tard,
ont compris la faveur des événements ce
que c'étaient que ces utopies tant prônées,
que ces grands mots dont ils s'étaient laissé
éblouir. De là ces défections éclatantes,
qui de tout temps se sont renouvelées au
sein du parti libéral, et dont notre histoire
parlementaire présente d'aussi frappants
exemples. D'autres, et c'est le plus grand
nombre, qu'aveugle la vanité ou dont une
déplorable inertie paralyse l'intelligence
et la volonté, s'obstinent ne point com
prendre où leurs doctrines doivent falale-
mentaboutir.Ceux-là suivent donc, tantôt
l'étourdi, tantôt contre cœur, entraînés
par faiblesse et par habitude plus loin
qu'ils n'eussent jamais osé croire, leur
docile servilisme se mesurant sur les exi
gences des meneurs et celles-ci s'élendant
en proportion decescomplaisances même.
Jusqu'à ce qu'enfin il ne leur reste plus,
pour éviter l'écueil de la licence qu'à se
précjpiter dans les bas-fonds du pouvoir
absolu. Chose remarquable, pn effet, c'est
entre ces deux points extrêmes, c'est entre
la démagogie et le despotisme, que les
peuples, sujets du libéralisme, sont con
damnés comme par une loi fatale os
ciller sans cesse.
Nous l'avons dit, les libéraux n'ont pas
l'intelligence de leurs actes. Et de tout
temps il en fut ainsi des factions que l'es
prit de désordre conviait une œuvre de
ruine.
Il y a trois siècles, le protestantisme, en
brisant la houlette pastorale de l'Église,
ne se doutait pas qu'il inaugurait le règne
de l'absolutisme monarchique.
11 y a soixante ans les féroces admi
rateurs de l'antiquité républicaine et les
ineptes disciples du philosophisme voltai-
rien ne songeaient pas qu'ils préparaient
les voies au despotisme militaire; encore
moins pensaient-ilsouvrirau catholicisme,
retrempé dans la lutte et les persécutions,
une ère nouvelle de gloire et de triom
phes.
Le libéralismede même marche les yeux
bandés. Parti d'autant plus dangereux que
lui-même ne se rend pas compte de la
puissance logique de ses principes et de
ses actes, que lui-même ignore complète
ment ce dont il est capable. Ici, plus mo
déré, où l'esprit public le tient encore en
échec. Ailleurs, plus exigeant, plus outré
de jour en jour, où les circonstances lui
sont propices, où la majorité lui est ac
quise. Les spoliations récentes dont il
frappa les couvents de la Suisse après
l'affaire du Sonderbund; celles qu'au dé
triment du clergé il renouvelle en Es
pagne; celles qu'il médite en Piémont,
sont des faitsde celle nature. Mais aveugle
en ses préventions, illogique et irrationnel
en ses doctrines, il n'a point l'air de se
douter que, porter au nom de l'Etat at
teinte une première fois au droit de pro
priété, c'est fournir aux antagonistes de
l'ordre social un argument terrible dont
ils auront bien l'art un jour de se préva
loir, et que, fouler aux pieds les droits
séculaires d'une fraction importante de
citoyens, c'est frayer résolument la voie
l'arbitraire et au despotisme.
PROPAGATEUR,
Vl nm: ET JUSTICE.
On s'a lionne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grand
Place, et cliei les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX ut: par trimestre,
*P res fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° a5 c.
Le Propagateur paraît le MERCREDI et le SAMEDI
de chaque semaine. (Insertion* 13 centimes la ligne.)
Aurons-nous la paix ou la guerre? Voilà la
question sur laquelle on écrit perte de vue de
puis une quinzaine de jours. Il y a pourtant des
faits qui setubletit indiquer une tentative de paix
- sérieuse, malgré la défiance que l'acceptation de la
Russie a rencontrée et rencontre encore en ce mo
ment. Entre autres, on attache une grande impor
tance certaines paroles adressées par l'Empereur
d'Autriche une déptitation de la Banque natio
nale. Voici comment s'exprime ce sujet une
correspondance de Vienne du i5 janvier Une
députatiou de la Banque nationale a eu l'honneur
d'être reçue aujourd'hui par S. M. L'Empereur a
déclaré qu'il n'abandonne pas absolument l'espé
rance de conserver la paix l'Autriche; et son
tour, le Ministre des affaires étrangères, comte
Buol, a assuré la députatiou que la paix n'avait
jamais été plus prochaine que maintenaut.
Ce n'est pas tout le télégraphe a transmis aux
ambassadeurs de France et d'Angleterre Vienne
l'autorisation d'ouvrir des négociations avec le
prince Gorlschakoff, et des instructions complètes
leur ont été immédiatement envoyées. Ce dernier
fait, rapproché des paroles de l'Empereur d'Au
triche, donne un caractère plus significatif la
nouvelle phase diplomatique.
La Prusse reste toujours dans une position équi
voque. On assure qu'elle refuse d'adhérer au traité
du 2 Décembre, et qu'elle proteste contre l'exclu
sion dont veulent la frapper les puissaur.es signa
taires de ce pacte aussi longtemps qu'elle ne s'est
pas alliée avec elles.
M. De Bruck, internonce d'Autriche, a pro
noncé Cottstatttiuople, dans un banquet offert
aux Ministres du Sultan, un discours qui fera
sensation. C'ési une sorte de manifeste anti-russe
dans lequel il annonce que Us armes de l'Autriche
se joindront h celles des puissances occidentales
pour la cause du droit et de la justice, et que
la Russie, quel que soit l'avenir, ue sera plus
craindre.
Une dépêche de Varna, publiée par le Morning-
Advertisserannonce que le 8 les Français ont
rouvert le feu contre Sébastopol. Le fait n'est pas
impossible, mais il a besoin de confirmation. La
dernière dépêche russe, datée du 8, ne mentionne
ri*i de semblable, mais elle peut avoir été ex
pédiée le matin.
Des nouvelles reçues par la Gazelle militaire
de Vienne jusqu'au 1" janvier, annoncent que le
temps froid et humide continue en Crimée et que
la pluie et la neige empêchent l'embarquement et
le débarquement des troupes et des approvision
nements de guerre.
Les Russes fortifient Pérékop et leur camp
Baklschi-Saraï. Ils ont également construit, le long
de la tner Putride, une nouvelle route beaucoup
plus sûre et plus commode que celle qui traverse
l'isthme de Pérékop, et qui les dispensera de passer
par ce col pour ravitailler la presqu'île. La mer
Putride est une espèce de lac allongé qu'une flèche
de terre sépare de la mer d'Azoff et touche au
territoire russe un endroit nommé le défilé de
Geuisch.
Omer-Pacha s'est rendu Eupatoria, pour
inspecter les troupes débarquées, et est immédia
tement retourné Varna pour presser l'embarque
ment de cet les qui doivent compléter son contingent.
On annonce que pour la fin de janvier les Turcs,
en Crimée, seront portés 65,ooo hommes.
D'après des nouvelles reçues le t5 janvier
Vienne, par Bucharesl et Galatz, l'invasion des
Russes dans la Dobrutscha se serait bornée une
simple reconnaissance, dans laquelle les troupes
moscovites seraient parvenues s'emparer d'une
batterie turque de six canons et de quelques pri
sonniers. Il n'y avait pas eu de tués de côté ni
d'autre; et Babadagh ne serait pas tombé au pou
voir des Russes.
La discussion du budget de l'intérieur continue
devant la Chambre des Représentants. L'ensemble
de ce budget pour 1855 s'élève, on le sait, U
somme de 7,312,590 francs. C'est le double du
budget des premières années de notre indépen
dance nationale. L'augmentation est de 700,000 fr.
depuis 1848. C'est peu de chose, comme ou voit.
Il y a des gens, pourtant, qui croient que cette
progression continuelle de nos dépenses nous mène
peu peu la banqueroute; d'autres pensent que
l'État ne peut jamais trop dépenser, attendu que
ces dépenses, quelles qu'elles soient, profilent
toujours quelqu'un. Nous laissons nos lecteurs
de prendre leur parti sur cette grave question.
D'après la section centrale, la cause de cette
augmentation des dépenses réside principalement
dans l'interveu 1 ion de l'État en toutes choses, qui
est pour ainsi dire passée en système chez nous.
Le gouvernement s'immiscie tous les jours dans
une foule d'affaires qui sont étrangères son ac
tion naturelle, et qui devraient, dès-lors, rester
exclusivement abandonnées la prévoyance et
l'activité individuelles.
Il ne faut pas le méconnaître, ajoute le rap
port de la section centrale, ce système de centrali
sation administrative a grété le trésor public de