JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
3$me année
7PB.ES, 21 Mars.
Nous regrettons de devoir le constater
ici, une idée fatale commence se faire
jour dans le pays: on semble croire que
tout gouvernement est devenu ou sur le
point de devenir impossible chez nous. Et
de là il arrive qu'un certain nombre de
personnes, bien pensantes d'ailleurs, se
laissent aller au découragement.
Nous engageons les conservateurs y
réfléchir: si jamais ils se laissent prendre
cette funeste idée accréditée par les en
nemis de nos institutions, la Belgique est
perdue: car qu'est-ce qui doit empêcher
désormais le triomphe de l'anarchie, si les
amis de l'ordre n'ont plus opposer que
leur découragement et la croyance de leur
propre faiblesse. Alors il faut dire que la
révolution est certaine; l'anarchie, le nau
frage de nos libertés, puis enfin, le despo
tisme énervant qui dégrade les nations en
dégradant laconscience publique, voilà les
tristes éventualités auxquelles dans ce cas,
nous devons nous préparer; il ne reste
plus qu'à nous tenir prêts les accepter
tous les jours avec la plus entière résigna-
lion. La perspective de telles extrémités
nous semble faite pour retremper les cou
rages plutôt que pour les abattre.
Tout gouvernement est devenu impos
sible!
Donc il n'y a rien faire; il faut rester
les bras croisés et se laisser écraser par
l'anarchie. C'est ainsi du moins qu'on peut
raisonner.
On demandait un jour un militaire
expérimenté: Qu'est ce qu'une bataille
perdue? Après un moment d'hésitation,
le général répondit: Mais c'est une ba
taille qu'on croit avoir perdue. Le comte
de Maistre, qui nous empruntons cette
anecdote vraie ou supposée, ajoute que
rien n'est plus incontestable, du moins en
général. La raison qu'il en donne est digne
de remarque: Il y a, dit-il, une peur plus
terrible que la peur ordinaire; elle des-
cend dans le cœur le plus mâle, le glace,
et lui persuade qu'il est vaincu. C'est là le
fléau épouvantable toujours suspendu sur
les armées même les plus braves, et qui
fait perdre les batailles.
Eh! bien, voilà précisément aussi de
quelle manière viennent se perdre les
institutions et les peuples. A certain mo
ment donné, on croit qu'il n'y a plus rien
faire pour les sauver, et l'on ne fait rien.
Alors les ennemis de l'ordre social pren
nent courage et redoublent d'efforts; leur
contenance et leur audace font reculer les
conservateurs. Bientôt la bataille est per
due et la révolution triomphe sur toute la
ligne.
Du reste, nous ne voyons pas en quoi
nos affaires sont aussi désespérées que
quelques-uns semblent vouloir l'insinuer.
Un fait certain, c'est que l'opinion conser
vatrice a constamment gagné du terrain
pendant ces cinq ou six dernières années;
le pays ne veut plus du libéralisme ex
clusif et il s'en sépare tous les jours da
vantage; de leur côté, tous les libéraux
modérés un instant égarés, sont bien vile
revenus sur leurs pas quand ils ont vu
dans quelles voies on voulait les entraîner
sous prétexte de libéralisme. Enfin, il y a
dans l'opinion un revirement tel, que dans
les trois circonstances décisives, solen
nelles, où les exaltés du parti clubisle
avaient crû pouvoir tenter la lutte, ils ont
été battus plate couture; c'est avec grande
peine qu'ils sont parvenus rallier une
douzaine de voix dans la Chambre des
Représentants!
Il nous parait que de tels résultats sont
de nature inspirer quelque confiance.
Non! tout gouvernement n'est pas devenu
impossible chez nous. Rien n'est perdu,
rien ne sera perdu si ce n'est par l'iuerlie
du parti conservateur. La peur, le décou
ragement des amis de l'ordre, voilà ce qui
depuis 60 ans a fait la foi lune des révolu
tionnaires dans les contrées de l'Europe.
REVUE POLITIQUE.
No 3,9i«.
LE PROPAGATEUR
- TÉHITÉ ET JUSTICE.
I (U) SU 15$ H LUTTAI
DU R. P. DE DAMAS,
AUMONIER DE L'ARMÉE D'ORIENT.
au directeur DF.s Précis historiques
Armée cl1 Orient.
Devant Sébastopolde la baîe de
Kamiesb, le 8 février.
Vous me demandez de nouveaux détails sur
notre position en Crime'e et sur l'aumônerie en
particulier. Me voici prêt vous satisfaire, autant
du moins que je le pourrai. C'est un bonheur pour
moi d être admisa payer, d'une manière quelconque,
un tribut d'affectueuse reconnaissance nos Pères
de Belgique, parmi lesquels j'ai passé deux années
de si bonne souvenance.
Je m'étonne de vos questions sur l'aumônerie.
Je ne conçois pas bien que le public religieux et
chrétien ne soil pas convenablement renseigné sur
cet article. Le décret de l'Empereur est formel, et
ses iuteDtious, au point de vue religieux, y sont
parfaitemeut exprimées. Le gouvernement s'est
proposé d'offrir aux soldats et aux officiers de
l'armée d'Orient les secours spirituels dont ils
devaient avoir un double besoin sur la terre enne
mie, et il a parfaitement atteint sou but. Si quelques
personnes trouveut étonnant de voir le nombre des
auntôuiers de l'armée limité comme il l'est, c'est
qu'elles n'ont pas une juste idée de la situation.
Le gouvernement a été sincère dans la création
de l'aumônerie. Il a donné une parole, et il la tient.
Je dirai presqu'à force d'être loyal, il nous traite
en enfants gâtés. Il a pensé que la position de
quelques prêtres, lancés au milieu du brouhaha de
l'armée, serait quelque peu hasardée, et il a donué
des ordres si précis, que rieo n'est épargné pour
nous rendre la situation moins dure. Je dirai mieux
M. de Decker a été reçu par le Roi avant-hier b
une heure. Nous apprenons que l'honorable repré
sentant de Termonde a déclaré renoncer b la mis
sion dont S. M. avait bieo voulu le charger pour la
formation d'un ministère. Émancipation
Une dépêche du général Osten-Sackeu, succes
seur du prince Mentschikoff, donne des nouvelles
de la Crimée jusqu'au 8. Elle annonce que huit
escadrons de cavalerie turque oolélé complètement
défaits par les Russes devant Eupatoria. Quoi qu'il
eD soit de cette victoire remportée par les Mosco
vites, toujours est-il qu'une action importante
semble se préparer autour d'Eupatoria; on prétend
même que le général Osten-Sacken a reçu de
S'-Pétersbonrg l'ordre d'enlever cette place b tout
prix. Il va de soi que c'est là une supposition toute
gratuite. De pareils ordres se tiennent secrets jus
qu'au moment venu de les exécuter.
Sous les murs de Sébastopolrien d'important
ne s'est produit depuis l'affaire du 24 février. De
part et d'autre on fait des préparatifs on exécute
des travaux de défense et d'attaque. Les arrivages
d'hommes, de chevaux et de munitions en tout
genre continuent dans des proportions assez con
sidérables.
A propos d'ouvrages et de mesures de défense,
nous devons mentionner une dépêche du 3 mars,
adressée par lord Raglan au gouvernement de la
Grande-Bretagne. Elle annonce que les Russes
ont encore coulé b l'entrée du port de Sébastopol
plusieurs vaisseaux qui leur restaient; qu'ils ont,
en outre, établi de nouveaux ouvrages assez forts
en avant de la place, et plus rapprochés des bat
teries françaises que ceux que les zouaves ont
attaqués dans la nuit du 24 février. Lord Raglan
ajoute que l'ennemi paraît rassembler ses forces au
nord de Sébastopol et sur la Tcbernaïa. Le temps
était très-froid.
Nous voyons dans la Gazette militaire de
Vienne que le général du génie français Niel,
chargé de diriger les travaux du siège de Sébas
topol aurait considérablement modifié le plan
encore. Noo-seulemeot je n'ai en personnellement
b me plaindre de personne, mais encore j'ai trouvé
dans tous les officiers avec lesquels j'ai eu l'hon
neur d'être en rapport,"Une courtoisie et une pré
venance dont je suis infiniment touché; et tons les
aumôniers, je pense, peuvent tenir le même langage.
Ainsi est constituée l'aumônerie un aumônier
supérieur est attaché b l'e'iat-major général de
l'armée; un prêtre lui est adjoint pour le suppléer
au besoin et remplir sous ses ordres uu certain^
nombre de fonctions auxquelles il ne pourrait pas
suffire. Eu outre, chaque division militaire a son
aumônier; et puis, selon les exigences du temps,
de nouveaux prêtres doiveDt etre préposés au
service religieux des hôpitaux qui se formeront et
se multiplieront avec le nombre des blesses ou des
malades. Ainsi établi, le service religieux est par
faitement assuré dans notre armée d'Orieot.
Les RR. PP. Lazaristes, depuis longtemps fixés
b Consiantinople, ont accepté un surcroît de Ira-