JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3,924.
38me année
ÈdiE LITTTiag
7FF.33S, 9 Mai.
Dimanche dernier, 6 du mois, notre
ville a célébré son tour une fête que ses
pieux habitants appelaient depuis long
temps de leurs vœux, la promulgation
solennelle du dogme de l'Immaculée Con
ception.
L'avant-veille et la veille même, la
suite d'une longue période de sécheresse,
le tèmpsavait tourné subitement la pluie,
bien qu'un vent glacial du nord continuât
souffler. Déjà l'on'redoutait,' non sans
motif, que le temps ne nuisit considéra
blement la fêle qui se préparait, lorsque,
dans la soirée du samedi, ie ciel redevenu
serein dissipa la préoccupation générale.
En effet, le soleil se leva radieux sur la
journée du 6, et bientôt un air de fêle se
répandit sur la ville entière. Déjà nous
avons dit quelque chose de l'animation ex
traordinaire qui, l'approche du grand
jour, se manifesta au sein de la religieuse
cité. Nous nous bornerons ici remarquer,
que tout dans Ces préparatifs avait été
laissé l'initiative libre et spontanée des
habitants. Toutefois nos principales rùes
étaient fort bien décorées: la rue de Lille,
notamment, et la rue au Beurre ne sem
blaient former qu'une voûte continue de
drapeaux et de gonfanons.
Mais, ainsi qu'on le conçoit, nos églises
surtout avaient revêtu leurs plus beaux
atours. Force nous est ici d'être brefs; car
il est de ces choses que la plume ne sau-.
rait décrire, et qu'il faut avoir vu de ses
propres yeux. Bornons-nous signaler l'é
glise de S' Nicolas où la nouvelle statue de
la Vierge immaculée resplenditsurun trône
élégant. Signalons l'église de S' Pierre et
celle de S' Jacques, toutes ornées de grà-
cieuses guirlandes, dont les brillants fes
tons, appendus aux ogives d'une travée
Ijautre, et enlacées autour des massives
colonnes, donnent ces antiques et véné
rables édifices un air de jeunesse et ré
jouissent les yeux. Demagnifiquesbouquets
de fleurs, suspendus aux guirlandes et au
tour du trône de la Vierge, ajoutent encore
aux èharmes de cette décoration printa-
nière et emblématique. Dûs la muni
ficence chrétienne de quelques familles
notables confectionnés,en parlieau moins,
par les mains des donatrices même, ils té
moignent la fois et d'un talent remar
quable et de la piété héréditaire de nos
familles patriciennes envers la patronne
immaculée de la cité.
A S' Martin, un autre genre de décora
tion enlève pareillement tous les suffrages.
Là un autel grandiose, construit d'après
les plans et sous la direction de l'artiste
Debruck, et disposé eu amphithéâtre au
centre du transept, présente un aspect des
plus imposants. Entouré de verdure, tout
resplendissant de pourpre et d'or, il porte
son faîte l'antiqtie et vénérable image de
N. D. deThuyne, surmontée elle-même
d'un dais aussi remarquable par ses heu
reuses proportions que par le riche dessin
de son dôme.
Mais ce n'est pas aux quatre églises pa
roissiales que se restreint la brillante ma
nifestation de dimanche dernier. Chaque
chapeRe, chaque oratoire a voulu s'asso
cier au triomphe de la Vierge.
Constatons le avec bonheur, l'empres
sement des fidèles n'a point fait défaut
ce qu'il était permis d'en attendre. Tout le
long du jour des flots de peuple ont visité
les églises et fréquenté les offices divins.
Les communions ont été également fort
nombreuses.
Vers 4-i/a h. la procession sortie de l'é
glise S' Nicolas a parcouru une portion
notable de la ville. Elle n'est rentrée qu'à
7 fa. environ. On remarquait autour des
splendides images de Marie des groupes
Inombreux de jeunes vierges aux attributs
symboliques, aux costumes les plus frais
et les plus élégants. Des détachements de
cavalerie ouvraient et fermaient la marche
du cortège que suivait une foule compacte
et innombrable de fidèles.
Le soir enfin, une illumination générale
a clôturé cette belle journée. Bienque con
trariée par un vent assez fort d'ouest, elle
n'en a pas moins été, sans contredit, digne
de la piété publique. Des transparents par
centaine, des rosaces étincelantes, les fe
nêtres d'un nombre infini de maisons illu
minées en verres de couleur, nos grandes
rues enfin inondées d'un torrent de lu
mière, et la fouley circulant flots pressés
telle est l'esquisse décolorée d'un spectacle
Iqui se conçoit mais ne se décrit pas.
Nous le disons avec bonheur, le jour de
dimanche a été un beau jour pour nos ca
tholiques populations. Elles ont prouvé
quel point leur foi est vive encore, et leuP
piété ardente et sincère. Malgré les exci
tations incessantes du mal, auxquelles, de
puis si longtemps déjà, elles sont en butte
de toute part; la voix du successeur de
Pierre a trouvé un écho puissant dans
leur sein. Quoique courbées sous le poids
des misères et des besoins matériels, elles
ont levé le front, elles ont ouvert leur
cœur la joie, en entendant proclamer,
par l'infaillible organe du Chef de l'Eglise,
l'un des litres de gloire de la Reine du ciel
et de la terre.
Ici les réflexions se présentent d'elles-
mêmes tout le monde: devant l'éloquence
des faits il serait superflu de nous étendre
en commentaires.
LE PROPAGATEUR
- tÉBITÉ ET JMtlH- -
DU R. p. DE DAMAS,
AUMONIER DE L'ARMÉE D'ORIENT,
AU DIRECTEUR DBS Précis historiquesA BRUXELLES.
(suite et fin.)
Mieux que cela encore. Pour multiplier davan
tage les moyens de subsistance, on nous a envoyé'
uo ou plusieurs navires charge's de vins et de pro
visions de bouche achete'es en bloc par l'État et
taxés par lui des prix modiques. Des vêtements
aussi nous sont arrivés par la même voie; et si
vous ajoutez cela les radeaux de vin expédiés
deux fois de la part de l'Empereur et le supplé
ment de solde du mois de jaovier, vous conclurez
que si I armée a souffertelle a été puissamment,
et paternellement secourue. Une seconde réflexion
vous fera dire aussi que de telles conditions de
bien-etre ajoutées h la valeur française doivent
doubler nos forces et uous garantir la victoire.
Je voudrais, pour un instant, vous faire traverser
un de nos camps au moment du repos. Aux propos
joyeux du soldat, la manière dont il envisage et
dépeint sa situation présente, vous ne vous doute
riez pas qu'il vient de traverser un hiver rigoureux
en pays étranger et que chaque heure nouvelle le
menace d'un nouveau danger. Fait-il beau temps,
ce sont des chants, des propos joyeux, des plai
santeries de toutes sortes. Je me promenais un
jour sur le bord d'une petite baie non loin de la
ville ennemie. Sur l'autre rive, un bataillon de
chasseurs était campé. Je m'amusais a entendre le
brouhaha et les éclats de rire de tous ces jeunes
gens occupés a manger leur soupe au soleil. Tout
coup, il prend fantaisie aux Russes de diriger vers
nous leurs batteries. Au bruit de l'obus, silence
complet. On n'entendait plus que le sifflement
aigu du terrible projectile. A peine était-il-tombé
qu'un bruit confus d'éclats de rire et de paroles
vivement échangées annonçait la fin du danger.
Plusieurs fois la même scène se renouvela. La
Providence permit que les obus tombassent entre
nous dans la mer sans aucun accident. Les jeunes
D'après les renseignements que nous recevons
de Messines, la fête de dimanche dernier a été cé
lébrée dans cette petite ville avec tin entrain'
extraordinaire. On savait, nous écrit notre cor
respondant, que tout le monde se préparait depuis
troupiers en furent quittes pour entremêler leurs
propos joyeux de quelques moments de silence;
et moi je me retirai tout heureux de cette nouvelle
preuve du calme de la valeur française en face du'
danger.
Savez-vous k qui s'en prennent nos soldats,,
lorsqu'une fâcheuse bourrasque, une tempête, au
froid glacial ou une pluie torrentielle essaient de
lutter avec leur courage? Ils murmurent, pensea
vous, coDtre la cruelle nécessité de la guerre, contre
les chefs qui les font marcher Oh ne leur sup
posez pas cette méchanceté. En voilà un qui va
traduire la pensée commune dans son langage ori
ginal de troupier. Il vous dira qne saint Nicolas,
patron de la Russie, est de garde sans doute
pour ce jour-là dans le Ciel, que c'est sort
tour présider aux éléments, et qu'il profite
du moment pour favoriser les Russes aux dé
pens des Français, De grands éclats de rire ac
cueilleront la réflexion du caporal; et le soir, si
l'excès de la fatigue rend les mines un peu sombres
et semble couper la parole aux plus gais, passez
dans les rangs et dites - leur Courage, mes enfauti,