JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N« 3,937.
Samedi, 23 Juin, 1855.
38me année.
VÉRITÉ ET JIÉVlCE.
7FB.SS, 23 Juin.
Après les épreuves pénibles que l'Eu
rope a traversé en ces derniers temps,
la suite d'une expérience acquise au prix
de tant d'amères déceptions, il est une
vérité, serable-t-il, désormais hors de
contestation, une maxime politique passée
l'état d'axiôme pour quiconque n'a
point déposé l'usage de la raison. A savoir,
que les excès de l'esprit de parti sont
cause de la ruine des institutions consti
tutionnelles dans la plupart des états qui,
avant comme depuis 1848, s'en trouvèrent
dotés. Ainsi, l'Autriche, presque tous les
états d'Italie, la France ont-ils vu dispa
raître de leur sein la liberté politique;
ainsi l'Espagne et le Piémont usent-ils
rapidement les ressorts du système con
stitutionnel, et dans l'un et l'autre pays se
manifeste dans l'opinion publique une
double tendance vers l'absolutisme; car
tandis que les prétentions démesurément
croissantes des soi-disant libéraux font
dégénérer de plus en plus leur puissance
en un despotisme effréné; ces mêmes
excès de pouvoir induisent forcément bon
nombre d'hommes d'ordre et de modéra
tion regretter le sceptre tutélaire de la
royauté absolue.
Les faits s'accordent donc avec la raison
pour renverser ce sophisme audacieux et
incroyable de la nécessité des luttes et des
gouvernements de parti. De plus, l'exem
ple de certains pays où le régime constitu
tionnel, malgré les déchirements intérieurs,
s'est encore conservé, ne prouve rien en
faveur d'une maxime aussi opposée aux
notions les plus élémentaires du sens
commun. Quelques-uns, en effet, ne doi
vent le maintien de leurs institutions
libérales qu'à l'intervention des puissances
étrangères; ainsi en est-il pour le Portugal
et la Grèce; d'autres, tels que la Prusse et
le Danemarck, en sont encore leurs
premiers essais, et jusqu'à présent l'épreuve
n'a guère répondu l'attente de tous. Mais
l'Angleterre, dira-t-on peut-être, l'Angle
terre où la maxime des gouvernements de
parti est mise en pratique, sans que la
constitution, sans que la nationalité en
éprouvent de dommage. Objection spé
cieuse en apparence; en réalité, bien
futile. Nous répondons avec la Revue des
Revues
L'Angleterre est une grande nation
dont les préoccupations sont aussi graves
que multiples; les questions qui s'agitent
dans son Parlement et y amènent très
souvent des luttes bien fortes, sont pres
que toutes des questions ayant trait aux
affaires extérieures. On comprend parfai
tement l'existence des partis sur ce terrain.
Les questions de politique intérieure, qui
agitentles parlissontencore presque toutes
des questions d'intérêt matériel. La lutte
ne s'y établit jamais sur le terrain consti
tutionnel proprement dit. Tous les partis,
tous les ministères respectent le pacte
fondamental c'est là même une de. "îuses
qui ont rendu si stable en Angleterre le
régime parlementaire. Chez nous, où les
questions extérieures sont devenues de
plus en plus rares depuis la solution de la
question Hollandaise, il ne peut guère être
question de ces luttes parlementaires qui
ont le privilège d'émouvoir sérieusement
la nation. A moins d'entamer les principes
constitutionnels, la lutte chez nous doit
être restreinte aux intérêts matériels
c'est sur ce terrain, joint celui de la
politique extérieure, qu'elle s'engage en
Angleterre.
On le voit, la position de l'Angleterre
est toute différente de la nôtre; quelque
soit le parti qui y fasse prévaloir son in
fluence, il respecte toujours et la liberté
et les droits de ses adversaires; la Consti
tution et dans son texte et dans son esprit,
reste debout et intact. Qui vous parle en
Angleterre de la liberté d'enseignement,
de la liberté de la charité? Chacun se
prévaut de la liberté que consacre ses
sujets les Constitutions de ce pays; chez
nous, au contraire, on ne se contente pas
de ces libertés; on voudrait qu'un parti
les confisque aux dépens de l'autre, et tout
cela sous prétexte que la domination du
clergé dépasse les bornes.
Déjà on a pu comprendre notre manière
de voir. Nous ne prétendons nullement
extirper les luttes des partis; nous savons
qu'elles sont de l'essence, du gouvernement
constitutionnel. Nous les croyons néces
saires sur toutes les questions qui n'ont
pas trait aux libertés constitutionnelles;
mais sur ces questions nous voudrions
que tous les amis du pays s'unissent et
s'entendent. Ce ne sera pas trop de l'union
de tous pour maintenir debout au milieu
des difficultés qui tourmentent l'Europe
l'édifice que l'union de tous a élevé.
n Après l'Évangile, M. B. Van Hove, professeur
de rhétorique au petit séminaire de Roulera, désigné
k cet effet par S. G. Mgr. l'évêque de Bruges, a
prononcé eu langue flamande l'oraison funèbre de
M. Darras. L'orateur sacré a décrit toute la vie de
l'estimable défunt avec la plus grande éloquence,
avec beaucoup de sentiment et avec la plus exquise
délicatesse. L'attention la plus religieuse a con
stamment suivi M. Van Hove, dont l'allocution,
nous l'apprenons avec plaisir, va être publiée.
LE PROPAGATEUR
Mercredi d* a été' célébré k Thielt le service
funèbre pour le repos de l'âme de M. le Curé-
Doyen Darras. La cérémonie a élé belle comme
l'âme du défunt, imposante comme toutes celles de
l'Eglise. C'était le véritable triomphe de l'homme
de bieo que Thielt déplore. Le deuil était dans tous
les cœurs, mais aux prières qui s'élevaient vers le
Ciel pour le vénérable prêtre, se mêlaient aussi des
actions de grâces pour le bien immense que Dieu
lui avait permis de faire. C'était un hommage reodu
k la fois aox vertus du défunt et k l'admirable
puissance de la Religion.
Tous les travaux étaient suspendus k Thielt;
chacun avait hâte de se rendre de bonne heure k
l'église, afio de rendre un dernier devoir au pasteur
qui, pendant environ cinq lustres, avait dirigé son
troupeau dans les voies de Dieu et avait su arracher,
en faveur des pauvres, k la charité ses secrets les
plus ingénieux. Et en tnême temps Thielt vit
accourir deux véuérables prélats, des anciens mem
bres du conseil du Roi, des sénateurs, des repré
sentants, des membres de la noblesse, la moitié du
chapitre de Bruges, plusieurs doyens et un grand
nombre de prêtres, tous empressés d'offrir au
Tout-Puissant une prière fervente pour l'estimable
ecclésiastique, trop tôt enlevé k ses paroissiens et
aux œuvres charitables qu'il avait su fonder. Aussi,
bieo longtemps avant lè commencement do Service
funèbre, la vaste église de Thielt était-elle comble.
Le chœur du temple divin était entièrement
tendu de draperies noires les quatre Colonnes les
plus rapprochées étaient également tapissées, et au
milieu s'élevait un catafalque magnifique, entouré
d'un riche luminaire. De part et d'autre étaient les
estrades préparées pour NN. SS. les Ëvêques de
Bruges et de Gand.
a Mgr. Malou a officié, assisté de ses deux vicaires
généraux, MM. Scherpereel et Brootyo, de M.
Bruneel, président du séminaire, et de M. le cha
noine Faict, supérieur du petit Séminaire de
Roulers.
On remarquait parmi les assistants Mgr. l'évê-
que de Gand M. le baroo d'Anethan, sénateur du
district de Thielt; M. le sénateur de Bethune; MM.
le comte de Mueleoaere et Le Bailly de Tilleghem,
représentants du district de Thielt; MM. les
représentants De Haerne, Du Mortier èlThienpont
M. le comte de Lemingbe, MM. les bourgmestre,
échevios et membres du conseil communal de
Thielt; M. le chanoine Tangbe, curé-doyen de
Notre-Dame k Bruges; M. le chanoine Maes; MM.
les doyens de S*-Gilles, de Bruges et de Dixmude,
tous les curés du doyenné de Thielt et un très-
grand nombre d'ecclésiastiques venus de tous les
poiots du diocèse.
Après la inesse, ont été chantées les absoutes,
dont une a été faite par S. G. Mgr. l'Êvéque de
Gand. Le service divin terminé, une société de
chœurs a chanté devant le catafalque un morceau
funèbre qni a beaucoup ému les assistants.
Au dîner qui a eu lieu ensuite, Mgr, Malou,
évêque de Bruges, a pris la parole: Aux premiers
siècles de l'Eglise, a dit S. G., lés fidèles se
réunissaient autour des tombeaux des martyrs;
aujourd'hui, une circonstance douloureuse nous
réunit près de la tombe d'un confesseur. Qu'il me
soit permis, dans ces agapes, de reodre un dernier
hommage k la mémoire vénérée de l'homme chari
table, qui sut allier l'amour de la religion k celui de
la patrie, a la mémoire du prêtre accompli dont
tous nous déplorons la perte. Ces paroles que
nous ne pouvons rendre que d'une manière très-
incomplète, ont élé accueillies par les marques de
l'approbation la plus chaleureuse.
La liste de la souscription ouverte pour ériger
Un monument k M. Darras, a été couverte de
nombreuses et importantes signatures; mais le plos
beau monument sera toujours celui que cet borome
de bien, ce modèle des prêtres, possède déjk dans
le cœur de ses paroissiens et de ses nombreux
amis, Patrie de Bruges.)