JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. No 3,952. 3Qme année. 7FE.ES, 16 Août. La Religion catholique est admirable dans ses pompes comme dans ses œuvres, dans ses cérémonies et son culte public comme dans sa morale et sa doctrine. Pour l'homme, condamné avant que de naître au travail et la douleur, elle a le baume de ses consolations ineffables, elle a le stimulant de ses promesses éternelles; et enfin pour le reposer de ses fatigues quant au corps et quant l'âme dans l'âpre sentier de la vie, elle a des fêtes toutes belles et toutes splendides, elle a des réjouissances pures qui satisfont le cœur sans l'épuiser et dont la salutaire impression ne laisse que des souvenirs sans mélange de peine. C'étaient des fêtes de cette nature que nous avons vu se célébrer par tout l'uni vers catholique, lors de la promulgation du dogme de l'Immaculée Conception; c'en est encore une que ce jubilé semi- séculaire, que célèbre en ce moment la ville d'Ypres, en l'honneur de N.-D. du Rosaire. Aussi depuis quelque temps déjà le clergé de S'-Jacques, où se trouve établie l'archiconfrérie du Rosaire, puis samment secondé d'ailleurs par le clergé des autres paroisses, n'a rien négligé pour correspondre la dévotion publique et l'attente générale. L'antique église de S'-Jacques s'est donc parée de ses atours de fêle, et sous sa brillante ornementation le sombre vais seau du vaste édifice a déposé son aspect de sévérité et repris un air de jeunesse. Des deux côtés de la nef des guirlandes de fleurs embrassent les colonnes et vont se rattacher en ferions printaniers au sommet des travées ogivales. Ici sont appendues des corbeilles de fleurs aussi remarquables par le fini du travail que par le bon goût artistique de leurs formes et leurs exquises proportions. Au fond de l'abside enfin, s'élève en amphithéâtre un gràcieux bosquet de verdure. Devant, se dresse le maître-autel dont les dorures élincelantes se dessinent sur le feuillage sombre qui l'entoure. A son faîte il porte l'image de la Reine du Ciel et de la terre. Un dais splendide et élégant couronne le tout; des guirlandes de fleurs s'en déta chent et forment l'entour du trône de Marie une douce et grâcieuse tenture. t Ce fut hier, jour de l'Assomption, que s ouvrit l'octave du jubilé; la foule se pressait aux offices divins, de même qu'à la Table Sainte. Durant la grand'messe, le R. P. Rossier, ancien recteur du collège de Fribourg, a prononcé un sermon fran çais en présence d un auditoire nombreux et choisi. Ce qui dislingue l'éloquence du P. Rossier, c'est un langage véhément et un enthousiasme vrai chez luirien de factice, rien de préparé; tout y est naturel; c'est le cœur qui surabonde. Il nous reste parler de la grande pro cession du jour. Toutefois confessons ici notre impuissance. Pour dépeindre cette fêle grandiose il faut autre chose qu'une sèche analyse, qu'une description froide et décolorée; pour s'en rendre compte, il faut avoir vu de ses propres yeux le saint cortège défiler avec toutes ses pompes travers les rues de la Cité; il faut avoir assisté au spectacle de l'allégresse géné rale; il faut avoir vu celte foule de fidèles prendre part au triomphe préparé en ce jour sa céleste Mère. La gendarmerie et les lanciers marchent en tète. La musique des orphelins qui les suit, ouvre la première partie du cortège. Voici venir le groupe de S1 Jacques. Une garde d'honneur précède l'image du vénéré patron de la paroisse. Ce sont les chevaliers de l'Ordre religieux et militaire de S'-Jacques de l'Épée, en Espagne, qui en 1652 s'engagèrent défendre contre tous le dogme de l'Immaculée Conception. Ils portent leur costume d'apparat; leur tête marche le grand-maître de l'Ordre, le Roi Philippe IV, revêtu de ses habits royaux. C'est au collège de S'-Vincent de Paul que revient la réalisation de cette partie du cortège. Heureuse conception, qui rappelle avec un touchant à-propos la récente promulgation d'un dogme si cher dans tous les temps la piété catholique, et se rattache si bien aux nouveaux hon neurs rendus en ce jour même la Reine Immaculée. Au groupe de S'-Jacques d'autres grou pes succèdent la file. Mous n'entrepren drons pas de les décrire. Contentons-nous de faire celle remarque, que tous se distinguent également par la fraîcheur et le bon goût de leur costume, et par la parfaite entente qui a présidé leur com position. Parmi eux règne d'ailleurs une heureuse diversité. Ainsi nous voyons dé filer tour tour S'-Roch et son cortège de pèlerins, les Vierges prudentes aux lampes symboliques et le groupe deS"-Philomène, auquel succèdent les chasseurs de S'-Hu- bert et le chœur de vierges qui environnent S,c-Apolline. Au-devant du groupe de S'-Louis de Conzague marchent en un gracieux costu me et chantant des hymnes, les élèves du cour de musique du collège S' Vincent. Mais voici un nouveau groupe qui s'avance; il représente l'œuvre de la S* Enfance et celle de la Propagation de la Foi. Sublimes et saisissants témoignages des bienfaits d'une Religion toute d'amour et toute de dévouement. Ici encore une fois, il nous faut renoncer entrer dans des détails: le temps et l'espace nous forcent de nous restreindre. Mentionnons encore avec éloge et le groupe si remarquable de S" Barbe et celui de S" Anne, où cette vénérable mère est représentée instruisant sa fille bien- aimée. A cette touchante figure succède en dernier lieu celle dece guerrier-martyr, de S'-Adrien, qui marche entouré de ses compagnons d'armes, bardés de fer, et dont nos Sapeurs-Pompiers portent le buste sur leurs épaules. C'est ici quecommence la seconde partie du cortège, plus particulièrement consa crée l'honneur de Marie. Ce sont d'abord de symboliques figures. C'est l'Etoile de la Mer; c'est la Rose mystique; c'est la Tour d'ivoire. Puis voici venir N.-D. des Sept- Douleurs et N.-D. de la Salelte que précède un essaim de petites bergères. C'est bien là, la Mère de douleur, telle qu'elle a vécu et telle qu'en ces derniers temps elle est encore apparue sur cette terre; c'est bien la Mère de douleur, qui a pris avec tant d'amour sa large part d'expiation pour les iniquités de ce monde. Maintenant la voici, élevée en gloire et en puissanceau-dessps de toutes les autres créatures. Quatre groupes, desmieuxchoi- sis et des plus riches, la représentent successivement comme Reine des Anges, comme Reine des Martyrs, comme Reine des Vierges, comme Reine conçue sans péché. Enfin voici legroupede N.-D. du Rosaire qui paraît. Un chœur nombreux de jeunes filles de la congrégation, en robe et en voile blancs, marche en tête, chantant des hymnes en son honneur. A leur suite se presseencoreun nombreux corlèged'aulres jeunes vierges, et au sein de ce flot mou vant et comme portée par lui, l'image de Marie s'avance elle-même enfin. A une légère distance, M. le chanoine Scherpereel porte leTrès-SaintSacremçnt. Un groupe nombreux de thuriféraires font monter en cadence des flots d'encens vers les cieux, tandis que de tout jeunesenfants sèment de fleurs la route par oùdoit passer le Très-Haut. Une foule de fidèles suivait recueillie le S'-Sacrement. Ajoutons qu'outre le corps et la musique des Sapeurs-Pompiers, un fort détachement de gardes civiques, mu sique en tête, s'était joint volontairement la procession. Les artilleurs occupaient leur poste accoutumé autour du buste de S,#-Barbe. LE PROPAGATEUR VÉRITÉ ET JUSTICE.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1855 | | pagina 1