JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
4,035.
Samedi, 31 Mai, 1856.
annee.
]\'o
39me
PRIX D'ABONNEMENT.
Y près, 3 mois fr. 3
Par la poite3 5o
On s'abonne Ypres chex D. LAMBIN
MORTIER, Éditeur Propriétaire, rue
de Lille, io, près la Grand'-Place.
Le Propagateur parait le MERCREDI
et le SAMEDI, 7 heures do soir.
Les lettres et envois doivent être
affrauchis.
Insertions des annonce* '7 centimes
la ligne; on traite forfait.
LE PROPAGATEUR
CHEMINS DE FER
VÉRITÉ ÉT JUSTICE.
d'Ypres Courtrai, 5,3o, 9.35, 3,4»,
5,4o, de Poperinghe 20 miuules plus tôt.
De Courtrai Ypres et Poperinghe,
7,35, io,55, 3,s5, 9,20.
De Courtrai Mouscron et Lille
7i3°» >o,5o, i,5o, 5,oo, 9,t5.
De Courtrai pour Gand, 7,00, 10,45,
12,5o, 5,00, 6,45.
De Courtrai pour Bruges 7,4o, 11,00,
2,00, 6,55.
7PP.3S, 51 MAI.
^1
L'incident Walewsli a fourni aux amis de
l'ordre une heureuse opportunité d'imposer
silence h d'injustes accusations, en les mettant
même d'exprimer catégoriquement qu'ils re
gardent, aujourd'hui comme en i83i,/rz Con
stitution belge comme la meilleure possible,
pour un pays, pour un temps comme le notre:
le temps a ses nécessités qui expliquent pourquoi
nous n abandonnons pas un bien relatif pour
poursuivre un mieux impossible atteindre le
pays a tout son passé pour répondre que la
pratique du gouvernement constitutionnel n est
pas nouvelle dans nos provinces, et que, pré
cisément parce que, conservateurs, nous avons
le culte des traditionsc'est nous qui aimons,
vénérons et défendrons au besoin contre toute
attaque le gouvernement du pays par le pays.
Cette Constitution nous est chère un double
titre Faite et acceptée par nous, elle donne
nos adversaires des droits dont nous ne voulons
pas user, nous, dans leur complète extension
mais qu ils regardenteux .comme de précieuses
libertés grâce la Constitution, nous laissons
donc, nos adversaires, dans la tulle qui est le
propre de toute vie ici basl'avantage du ter
rain. Celte concession donne la mesure de notre
force et de notre libéralité, de notre libéralisme
si l'on veut. D'un autre coté, tout en nous res
treignant volontairement dans l'usage de la
liberté de conscience, de la liberté des cultes, de
la liberté de la presse, nous profilons assez de
ce qui nous semble licite dans L'exercice de ces
droits dont nos adversaires usent sans bornes,
pour être certains d'assurer le triomphe de la
vérité, car l'erreur est, de sa nature, caduque,
impérissable, est la vérité. La Constitution
permet donc aux catholiques de se montrer ce
qu'ils sont condescendants la Jaiblesse d'au
trui et sobres dans leur propre sagesse. La loi
fondamentale de la Belgique est, dans l'état
actuel des esprits, un monument achevé de
prudence et de justice elle garantit contre tout
despotisme quelqu'il soit, contre toute domina
tion absolue d'où qu elle vienne. Libéraux et
Chrétiens, vrais Belges, en un mot, nous pro
fessons pour le pacte de 1 83 1 le culte du respect
et de la loyale obéissance: et sans regarder
comme bonnes en soi, comme bonnes absolu-
YPRES DANS VINGT ANS.
1.
YPRES, l#r JUIN 1877.
Mon vieil ami,
XTous souvient-il encore qu'un Parisien et un
Cosmopolite se rencontrèrent dans un petit coin
des Flandres, il y a de cela quelque vingt ans?
C'est eu 1806 je crois, que nous faisions ensemble
de longues promenades travers champs dans tous
les alentours de la ville d'Ypres. Nous e'tions l'un
et I antre enchantés de la situation pittoresque de
I antique cité flamande. Si, comme l'attestent les
géologues, la chaîne des modestes montagnes qui
s étend du Mont de la 1 riuité au dessus de Tournai
au Mout de \X atten au delà de Cassel est le rivage
de la mer du Nord, telle qu'elle étaitavant que les
lays-llis s élevassent au-dessus des eaux, Ypres
serait assise, comme sur la grève, au pied de la
côte montueuse. Desceodus des hauteurs que nous
appelons maintenant les Monts de Kemmelde
ment, quelques unes des libertés qu'il admet,
nous nous glorifions d'avoir, en les introduisant
nous mêmes dans la Constitution, opéré le
plus grand bien relatif possible. S'il fallait,
dit te Père Lacordairedétruire tout ce qui
engendre des maux et des abus, il ne resterait
rien de bout sur la terre, pas même la religion.
Dans une lettre adressée au journal l'Univers
par M. le chanoine De tiaerne, membre de la
Chambre des Représentants, l'honorable député
fait l'histoire sommaire de la révolution de i83o
et de la part qu'y prirent les catholiques belges.
Celte lettre confirme notre article de mercredi elle
justifie les catholiques des sentiments qu'on leur
attribue l'égard de la Constitution qu'ils ont
faite et des libertés qui y sout inscrites. M. le
chanoine De Haerneest plus que personne même
de donner ces explications et de parler avec auto
rité sur ce sujet. Voici quelques passages de sa lettre:
La violation par le roi Guillaume des droits plus
ou moins clairement établis dans la loi fondamen
tale constituait les griefs dont on demandait le
redresseineut.
Peu peu, les libéraux se rapprochèrent des
catholiques eu reconnaissant les droits de ceux-ci,
et les catholiques, de leur côté, donnèrent la main
aux libéraux dans le même esprit. Ce compromis
était évidemment favorable aux catholiques, puis
qu'il n'y avait rieu espérer pour eux tant que les
libéraux resteraient unis aux protestants, qui
coinposaieut presque exclusivement la représeuta-
tiou hollandaise. Ou forma donc ce qu'on appelia
Vunion des catholiques et des libéiaux, lion pas,
notez le bien, dans uii but révolutionnaire, but qui
fut coustammeut désavoué par les patriotes, lorsqu'il
leur fut reproché, et qui eu réalité n'existait pas;
mais dans l'intenliou d'obtenu Je redressement des
griefs qu'on avait reprocher au Gouvernement.
Au milieu de l'effervescence qui 1 ésuliait natu
rellement de l'obstiuatiou avec laquelle le Roi
Guillaume et sou intuisire Van Maaneu refusaient
toute espèce de satisfactioo l'opinion publique,
éclata Paris la révolution de Juillet, qui eut pour
contre coup celle de septembre Bruxelles.
Jamais peut - être révolution ne fut plus populaire
que celle-ci. Le peuple en masse, comme poussé
par uu pressentiment de son avenir, la commença
et la maintint contre tous les efforts de la maisou
d'Orange et de la diplomatie.
Les hommes sages virent dans cet événement la
substitution d'un fait un autre, une révolulioo
spontanée la place d'un ordre de choses imposé,
Bailleul, de Boescheppe et le Catsberg, des Galls
ou Celtes intrépides tâtèrent du pied, là où devait
s'étendre plus tard la grande ville industrielle du
Moyeu-âge, pour s'assurer si la terre était assez
ferme pour y planter quelques cabanes de bran
chages, aux bords de l'Yperlée (Yperen-geleid)
alors large comme un fleuve. Ce fut la première
étape des Celto-Belges dans la conquête pas pas
d'un sol surgi nouvellement du sein des eaux. La
tribu germanique des Ménapiens en chassa, vers
380, av. J.-C., les premiers habitants. Le culte
d'Odin s'abrita sous les yepen de la contrée qui
leur dut sou nom; les esprits des bois, dans leur
tendresse passionnée pour les femmes germaines,
leur inspirèrent le génie de la divination; tandis
que les nikhers, ou esprits des eaux, se jouaient
sous la forme de feux-follets au-dessus des maré
cages. Les Romains n'étaient pas encore venus
gagner pied, victoires après défaites, sur le terrain
effondré où résista la dernière la tribu la plus
rebelle la fortune de César. Le temps vint
d'un régime odieux qu'on n'avait jamais envisagé
comme légitime dans le sens politique du mot. Le
peuple se montra juste et religieux, de sorte que la
contre-révolutiou que méditaient les orangistes
avait tons les caractères d'une révolution et en
offrait tous les dangers. La révolution belge de
i83o, qui n'avait été qu'une évolution, représen
tait l'ordre, et la contre-révolution le désordre.
Telles étaient les dispositions des esprits, lorsque le
Congrès national se rénnit pour fondre les institu
tions constitutionnelles.
La Charte avait été, pour ainsi dire, formulée
d'avance dans les pétitions. L'union existait toujours
et promettait les plus heureux résultats; jamais la
religion n'avait joui de plus de liberté, jamais les
droits de la nation et ceux des individus, part
quelques excès produits par la réaction n'avaient
été plus respectés. Il ne venait l'idée de personne,
parmi les patriotes, tant catholiques que libéraux,
qu'un meilleur régime politique fût possible pour
la Belgique. Vouloir changer ce régime, c'eût été
tout compromettre. Les faits dominaient la situa
tion, et, comme il arrive presque toujours en
politique, les faits furent consacrés par la loi. Voilà
toute la Constitution belge, en ce qui concerne les
libertés publiques; elle est, comme ou voit le
contre-pied de celte proclamation des Droits de
l'homme qui inaugura la révolution de 1 789 et qui
fut une source de calamités pour la France et pour
l'Europe.
Les catholiques belges se résignèrent aux incon
vénients des diverses libertés, parce qu'ils étaient
persuadés que le bon usage des unes devait
neutraliser les mauvais effets des antres, et ameDer
un bien re'el, qui s'est produit en effet. Ils compri
rent qu'eu entrant dans ce système ils pouvaient
compter qu'on en ferait une application tout aussi
large en ce qui concerne la nomination des ministres
des cultes, l'érection des associations religieuses, etc.
C'est ce qu'on vit se réaliser lorsque les vœux
des pétitionnaires furent formulés en dispositions
constitutionnelles.
Quel pays catholique aurait pu se promettre uu
pareil résultat en i83o?
Pour bien comprendre la Constitution belge, il
faut l'envisager dans son ensemble. C'est un
enchaînement d'idées résultant de l'histoire, et
fondées principalement sur les faits qui se sont
passés dans l'ancien royaume des Pays-Bas.
Théoriquement parlant on peut désirer un
régime plus parfait. Mais dans l'état actuel de la
société, on croit fermement en Belgique que les
innovations qu'on voudrait apporter la Constitn-
pourtant où jusque dans ces solitudes ombreuses
resonna l'écho du bruit que faisait en passant entre
Belgiolum et Castelli focus, entre Bailleul et
Cassel, le lourd plaustrum roulant sur le pavé de
la voie romaioe de Bavai Mardick. Quelque
souffle de l'esprit chrétien passa sur ces lagunes,
mais sans les pénétrer; quelques lueurs de la
civilisation romaine brillèrent sur les hauteurs,
mais ne percèrent point les ténèbres des bas- fonds,
du pagus menapsicus. La fraokisque des Saliens
chevelus vint d'ailleurs bientôt faire replier les
forces de l'Empire vers leur centre. Les chênes
prophétiques se reprirent rendre plus librement
encore leurs oracles incontestés. Échappant au
contrôle de la politesse méridionale, la sauvage
indépendance germanique se sentit l'aise cette
extrémité du monde connu extremi hominum
morini. Ces tribus indomptables allaient pourtant
être soumises. Le Sicambre avait baissé sa tête
sous la bénédiction de Remy. La nation fille aînée
de l'Église était Dée dans les fonts baptismaux de