JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENToSftïtr G""1
]\o 4.037.
Samedi, 7 Juin, 1856.
39me
annee.
PRIX D'ABONNEMENT.
fr. 3
3 5o
Ypri-s, 3 mois
Piir la poste.
On s'.lionne a Yprès chez D. LAMBIN
MORTIER, ÉRilcur-Propriétairerue
de Lille, 10, pris la Grand -Place.
Le Propagateur parait le MERCREDI
et le SAMEDI, 7 heures du soir.
Les lettres et envois doivent etre
affranchis.
Insertions des annonces 17 centimes
la ligne; on traite a forfait.
CHEMINS DE FER
d'Ypres Courtrai, 5,3o, 9,35, 3,40
5,4o, de Poperinghe 20 minutes plus tôt.
De Conrtrai Ypres et Poperinghe,
7,35, io,55, 3,25, 9,20.
LE PROPAGATEUR
De Courtrai Mouscron
7,3o, 10,5O, i,5O, 5,OO, g,i5.
et Lille
30, io,45,
VRItlTR RT JCSTICE.
De Courtrai pour Bruges, 7,40, 11,00,
2,00, 6,55.
7??.ES, 7 JUIN.
Mercredi, samedi encore, nous soutenions que les
libertés modernes ne sont point bonnes, Di en
elles-mêmes ni dans leur origine, et nous affirmions
cependant que la Constitution belge qui assure et
maintient ces liberle's est excellente. Nous procla
mions que les catholiques qui, en conscience, ne
peuvent que flétrir comme un mal et subir comme
une servitude oppressive la liberté de conscience,
la liberté de la presse, la liberté des cultes, telles
qu'on les préconise, c'est-b-dire comme un droit
absolu a tout faire, a tout dire, b ne rien croire, sont
cependant non-seulement tenus en conscience
d'observer la Constitution, mais que dans l'intérêt
de la religion, de la vérité, de l'Église, ils doivent
être, comme ils le sont d'ailleurs, ardents b défen
dre contre tonte agression l'intégrité du Pacte
fondamental. Tout esprit sans prévention qui aura
su lire notre pensée aura également bien saisi la
raison logique de cette apparente contradiction. Les
principes sont éternels, immuables, imprescripti
bles; de toujours et b jamais il n'a été, il n'est, il ne
sera licite b un chrétien, par esprit de justice et
surtout par esprit de charité, de laisser croire a ses
frères qu'ils peuvent user du droit de se faire une
morale b leur guise, de choisir un culte entre mille
ou de n'en point avoir, de propager par l'euseigne-
ment oral ou par la voie de la presse tout ce qui
leur passera par l'esprit, en se fondant sur ce qu'une
loi humaine leur reconnaît la faculté d'agir ainsi,
s'il leur plait. Aucun chrétienne nedis passeulement
aucun catholique; je vais plus loin, aucun croyant
b une morale, b une religion, b un ordre d'idées
quelconque, ne peut user de ce bénéfice de la loi,
ni approuver qu'on en use: car quiconque a foi en
un seul principe, qu'il professe être un principe de
salut pour la société comme pour lui-même, aspire
nécessairement au jour ou ce bénéfice de la loi
YPRES DANS N INGT ANS.
ii.
YPRES, 8 JUIN 1877.
Mon vieil ami,
Je vois b votre réponse que, par le souvenir au
moins, vous ne resserrez pas votre horison, en bon
Parisien que vous devriez être, entre les longitudes
de la rue Royale b la rue VivienDe, et les latitudes
de la rue de Rivoli au Boulevard des Italiens. C'est
louable a vous de vous rappeler encore nos prome
nades de 1856. La constance, si rare, d'une amitié
de plus de vingt ans n'est-elle pas pour beaucoup
dans la fraîcheur de vos souvenirs? Laissez-moi le
croire et, puisque vous voyez encore par la pensée,
me dites-vous, Ypres se détachant de l'ancienne
terre-ferme par la pente douce qui s'abaisse des
monticules voisins, pour se baigner dans la mer de
verdure qui a nom Flandre maritime, permettez-
moi de raviver encore, pour vous, le charme du
paysage,où la vieille cité flamande trône en reine
douairière, veuve, il est vrai, de la puissance, mais
toujours Doble et majestueuse.
Par les belles soirées de mai 1866,... les soirées
d'il y a vingt ans étaient toujours belles; est-ce
qu'il pleuvait froid au printemps; est-ce que tout
n'était pas azur au ciel et fleurs sur la terre, au
mois de mai, quand nous avions tnos deux vingt
ne sera plus qu'une trace historique du chaos des
idées, régnant b l'époqne critique où il a été inscrit
dans la législation. Quiconque a uDe croyance met
en jeu toute la puissance d'une persévérante éner
gie pour convertir tous les hommes a celte foi qui
fait son bonheur; il prépare donc, autant qu'il est
eu lui, l'avénement désiré d'une ère normale, où il
serait ridicule de parler de liberté de conscience, de
culte, d'enseignement, puisqu'il n'y aurait plus
pour tous les hommes, ideutifiés de conviction,
qu'un enseignement, un culte, une conscience. Voilà
la révolution que nous nous efforçons d'opérer:
celle de la communauté de sentimentsvoila
notre conspiration contre les libertés modernes,
celle de la persuasion.
Et pourtant, qu'on ne s'y trompe point, si notre
conjuration est parfaitement innocente dans ses
moyens, elle n'en est pas moins sûre dans ses
résultats: les passions et les préjugés peuvent, pour
un temps, offusquer le jugement humain; mais la
justice et la vérité triomphent tôt ou tard des
résistances de la haine et des échappatoires de la
frivolité. La raison a son jour; le bon sens reprend
son empire charmé dn doux éclat de la lumière,
on s'étonne d'avoir été si longtemps b fermer les
yeux pour ne la point voir.
Oh! quel aveu! dira ici l'irréflexion, de son
ton triomphal. Ces gens qui protestent de leur
vénération pour la Constitution, finissent par dé
clarer qu'ils ne s'appliquent qu'à la miner, en
dépréciant les libertés qu'elle consacre.
Voila qui est bien dit. Tâchons de dire mieux.
S'il était permis b un écrivain de rappeler son passé,
celui qui soumet ces lignes au jugement de la bonne
foi, et qui se met très peu en peine des préventions
de l'esprit de parti, pourrait avancer qu'après
vingt-cinq ans de travaux pour faire prévaloir la
sainte alliance de la Religion et de la Liberté, du
Catholicisme et du Progrès, il a bien quelque droit
a réclamer, aussi lui, pour la devise de sa vie, la
hivers de moins sur notre tête maintenant cou
verte de frimas? Dans ce temps charmant comme
tout ce que l'on regrette, nous nous arrêtions
souvent ensemble au pied d'un moulin planté sur
la route de Menin, comme une sentinelle en faction
b la porte de la Citadelle; citadelle très-peu
hérissée de créneaux et de mâchicoulis, et dont le
ponl-levis était toujours abaissé pour les amateurs
de bonne bière et de joyeuse compagnie. C'est de
ce plateau, qui domioe la ville, que l'on voit bien
Ypresabaudonnerle sol plus ferme dessoulèvements
anciens pour s'aventurer vers la droite, dans les
bas-fonds argileux de la grasse et plantureuse
Néerlande. De ce côté, des massifs d'arbres, au
second plan, suffisent pour intercepter la vue de
la plaine immense du Furues-ambacht et des pâtu
rages de Dixnmde; mais ces plaines étendues sont
accusées par l'apparition, au milieu du feuillage,
du sommet pyramidal de l'élégant clocher de
Boesitighe. En voyant surgir, dans l'éclat de sa
jeune blancheur, la flèche, si pure de style, de cette
église de village, s'élançant du plat pays dérobé b
notre vue, comme pour nous en déceler l'existence,
nous pensions, par un rapprochement naturel, b
l'archéologue, b l'érudit de premier ordre, qui, b
l'ombre de cette tour, révèle au présent les secrets
jusqu'à lui cachés d'un passé encore plus méconnu
qu'inconnu.
déclaration d'un brave Polonais: J'ai aimé la
liberté plus que tout au monde, et la religion catho
lique plus que la liberté même. Nous chérissons
la liberté, parce que la liberté, c'est l'état vrai de
l'homme tel qu'il est sorti des mains de Dieu; de
l'homme avec son intelligence et sa volonté, de
l'homme b qui il a été dit sous l'arbre de la science
Voilà le bien, voilà le mal, tu peux choisir.
Mais aussi nous chérissons avec reconnaissance la
religion parce que c'est-elle qui,née pour l'homme
dans ce moment primordial, loi répète sans cesse
depuis: Tu es libre; mais voila la loi divine: si
tu la violes, tu mourras. La liberté primitive c'est
l'essor spontané du droit individuel; la religion
c'est le principe fondamental et déterminant du
devoir social. Or que signifie le mot liberté quand
il s'agit de l'homme vivant en société? Le voici
libre de sa nature, mais tous les hommes ses frères
le sont comme lui. Si une loi supérieure ne règle
pas ces forces individuelles dans une direction qui
les fasse converger vers le même but, elles se heur
teront avec violence et s'anéantiront les unes par
les autres. Parce qu'il n'y aura que des droits ep
présence, de toutes ces libertés, diverses comme les
tempéraments, résulteront la prédominance du plus
fort, l'esclavage du plus faible, les révoltes déses
pérées, les monstrueuses tyranuies. Mais si la règle
supérieure b toute volonté humaine intervient, si
la religion enseigne b tous où est pour chacun d'eux
la borne posée par le devoir, chacun d'eux, en
retour de sa libre acceptation du commandement
divin, marchera hardiment dans la voie commune,
sans entraves et sans obstacles, parce que tous
ensemble partiront ensemble d'uu même point de
départ pour attendre ensemble le même but. On ne
luttera que d'ardeur. Il y aura ainsi harmonie dans
les efforts, progrès incessant, sécurité parfaite,
complète liberté Liberté de conscience, pour faire,
en toute latitude parce que nulle opposition ne
vous arrêtera, tout le bien auquel on se sentira
Reportant nos regards devant nous, et un peu
sur la gauche, nous étions menacés par les pointes,
naguère redoutables des ouvrages avancés des
fortifications, qui achevaient alors de tomber ou de
s'aplanir sous la sape et le niveau du démanlelle-
nient. Au delà, la ville était encore enfoncée de
ce côté dans l'enceinte de ses hauts remparts, mais
se manifestant en découpait sur le bleu du ciel les
imposantes silhouettes de ses églises et de ses
Halles, les petites flèches de ses chapelles encore
nombreuses, et ce qui restaithélas! des pignons
aigus de ses vieilles maisons gothiques et espa
gnoles. Par leurs masses, par leurs situations
respectives, les grands monuments de la ville se
cachent;l'un l'autre, ou se confondent aux yeux
du spectateur, sauf de deux points de vue, tous
deux les plus heureux pour saisir l'ensemble d'un
magnifique tableau. Nous aimions, vous eu sou
vient-il, b jouir tour b tour de ces deux points de
vue. Sortant de la ville par la barrière qui venait
de s'ouvrir b peu près sur l'emplacement de l'an
cienne porte fortifiée de Dixmude, et tout en
pestant un peu d'un détour que les exigences
d'une place de guerre ne motivait plus, nous
prenions la route de l'ilckem; puis nous nous
rabattions sur la droite pour gagner le village de
S'-Jean, en passant derrière l'église. A mi-chemin
environ, dans cette tra-erse, nocs trouvions, admi-