JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
]>To 4,0?6.
Mercredi, 22 Octobre, 1856.
LA JUSTICE DIVINE.
PRIX D'ABONNEMENT.
fr. 3
3 5o
Ypre», 3 mois
P»r la poste
On s'abonne Ypres cbei D. LAMBIN
MORTIER, Éditeur-Propriétaire, rue
de Lille, lo, près la Grand'-Place.
Le Propagateur parait le MERCREDI
et le SAMEDI.
Les lettres et envois doivent être
affranchis.
Insertions des annonces «7 centimes
la ligne.
LE PROPAGATEUR
VÉRITÉ F.T JUSTICE.
CHEMINS DE FER
d'Ypres Courtrai6,25, 12,o5, 4,3o
de Poperinghe 20 minutes plus tôt.
De Courtrai Ypres et Poperinghe,
8,o5, io,55, 5,oo.
De Courtrai Mouscron et Lille,
7,5o, 10,5o, i,5o, 8,20.
De Courtrai pour Gand, 6,15, 8,00
1,45, 5,5o.
De Courtrai pour Bruges8,o5, 2,00,
6,00.
7??.SS, 22 Octobre.
Le Moniteur universel publie enfin les expli
cations annonce'es depuis plusieurs jours sur les
affaires de Naples. Il annonce la suspension des
relations diplomatiques, mais eu de'clarant qu'il ne
faut nullement voir daDS celte mesure une inter
vention dans les affaires intérieures du royaume de
Naples ni uu acte d'hostilitéenversle roi Ferdinand,
il ajoute que les escadres ne sont pas envoyées dans
les eaux de Naples, et que si on lésa réunies,c'est
simplement en vue du cas éventuel où il y aurait
lieu d'aller protéger les nationaux anglais et
français. Enfin l'article se termine par l'espoir que
le cabinet napolitain, en ne restant pas plus long
temps sourd aux conseils des puissances, permettra
ces dernières de renouer leurs relations avec lui,
ce qu'elles seront heureuses de faire.
La Gazette de Madrid publie des décrets
royaux qui révoquent l'acte additionnel k la Con
stitution de i845, rétablissent l'ancien régime pour
l'administration intérieure du palais et rendent
l'épiscopat la faculté de conférer les ordres sacrés
conformément aux dispositions du Concordat. Les
couvents de femmes ont été autorisés de nouveau a
recevoir des novices. De nouvelles et nombreuses
destitutions de gouverneurs complètent ces mesures.
Le Constitutionnel publie un article sur le
conflit soulevé a l'occasion de la délimitation des
frontières de la Bessarabie. Il semble indiquer que
le gouvernement français est disposé k se montrer
très-facile sur l'interprétation du traité de Paris en
ce qui concerne la possession de Bolgrad; mais
ceci en vue de mieux assurer l'exécution de la
couvention surtout pour amener la prompte
évacuation des Principautés par l'Autriche qui
appuie, comme on sait, sur les difficultés pendantes
la prolongation de son occupation. Le Constitu
tionnel ajoute, k cette occasion, que ces questions
(Suite. Voir le 11° 4."75 du Propagateur.)
D'après ce que nous avons exposé plus haut des
projets de Paul, il est facile de deviner son genre
de vie. Bien entendu, sa grande ardeur de travail
et de régularité s'était subitement évanouie et une
fois libre dans sa chambre d'étudiant (laquelle était
située précisément en face de l'École), il ne s'occupa
pas plus de droit que s'il eût été a l'autre bout du
monde. Mais, en revanche, il était impatient
d'écrire, de prendre place parmi les écrivains en
'ogue, de se créer, en un mot, uu nom dans la
littérature. Bientôt il aurait vingt ans; il n'y avait
donc pas de temps k perdre, car k vingt-cinq ans,
au plus tard, il fallait être un homme illustre, un
grand homme, ou ne se pas mêler du métier. Le
siècle, le nombre infini des concurrents (et sans
doute aussi les merveilleux développements de
'esprit humain) exigeaient cette rare précocité.
Donc Paul, en compagnie d'Albert, se mit k
l'œuvre, quoique d'abord une petite difficulté se
présentât a son esprit.
Sais-tu bien, dit-il k son ami qui griffonnait
déjà, sans hésiter, de fort curieuses tirades sur la
seront promptement résolues par les conférences
de Paris, qui, dit-il, s'ouvriront prochainement.
VObserver annonce que la question des Princi
pautés danubiennes est en voie de solution, et que
l'occupation autrichienne doit bientôt cesser. Il
n'est plus, dit-il, question de l'union des deux
Principautés, k laquelle l'Angleterre n'a jamais
pensé.
On annonce que 16,000 Anglais ont effectué
dans le golfe Persique une expédition motivée par
la prise d'Hérat, considérée comme une violation
du traité de 1855.
La Presse d'Orient affirme que le retour de la
divisiou navale française est sur le point d'avoir
lieu. L'ambassade a adjugé le 8 les fournitures
nécessaires k l'escadre.
Le Journal de Conslantinople du 9, con
firme la victoire remportée par les Circassiens près
du Laba. Les Russes, s'avançant pour faire exécuter
le traité, Sefer leur opposa 3o,ooo hommes; après
trois heures de combat, il leur prit 16 canons et
leur fit 800 prisonniers composés, pour la plupart,
de recrues. Une autre affaire a eu lieu près du
Kouban, où les Russes ont encore perdu 5 canons.
Le Sultan demande k la nouvelle banque de
négocier un emprunt de 25 millions de francs et
de régulariser le cours des monnaies.
Le courrier d'Alger nous apporte des nou
velles du i5. Le maréchal Randon venait derentrer
en cette ville. Avant de quitter l'année, il a publié
un ordre du jour dans lequel il félicite ses soldats,
victorieux dans vingt combats. Il leur promet, pour
le printemps, la conquête de la Kabylie.
Nous trouvons dans le Messager de la Charité
les réflexions suivantes, k propos d'un drame qui se
joue en ce moment sous le titre de: les Pauvres
de Paris
Le but de l'auteur a été de reproduire un des
aspects les plus étranges et les plus douloureux de
Paris, de Paris tout entier, de ce Paris magnifique,
politique, sais-tu bien que je ne sais trop sur quoi
je dois écrire.
Bah! fit Albert.
Ma parole! j'aimerais mieux faire tout de
suite un drame que ce méchant petit article! Des
drames, j'en ferais k la douzaine. Du reste, j'espère
bien y venir. Il faut se faire connaître, pourtant, et
commencer par le feuilleton.... Du diable si je
sais que leur dire....
Des impressions de voyage
Il faudrait avoir voyagé.
Eh bien ne connaîs-tu pas les environs de
Paris? Tous les pays se ressemblent k quelque
petite chose près. Figure-toi que la butte Mont
martre a quelques mille pieds de plus, et tu es en
Suisse; figure-toi que de la terrasse du bord de l'eau
tu n'aperçois pas l'autre rive de la Seine et te voila
sur les bords de la mer, et caetera, et caetera!
Au fait tu me donnes la une excellente idée.
Mon père a beaucoup voyagé autrefois, il a dans
son cabinet d'énormes cahiers de notes qui m'ont
bien ennuyé parce qu'il me les faisait lire et qu'elles
étaient fort savantes, sans le moindre mot pour
rire. En les rajeunissant et en les égayant, on en
ferait de charmants feuilletons, et une masse!
A merveille! s'écria Albert.
Oui, mais en attendant, puisque j'ai la plume
aux boulevards et aux magasins éblouissants, au
luxe sans rival; de ce Paris luisaDt, chamarré,
barriolé, doré, qui est pauvre malgré tout cela, ou
précisément k cause de tout cela. Le luxe et l'indi
gence sont frère et sœur. C'est l'a une aucienne
vérité que les cinq actes des Pauvres de Paris
ont voulu rajeunir. Et le drame n'est vraiment pas
sans application morale. Ce n'est pas non plus un
tableau de fantaisie. Hélas! que de douloureuses
confidences pourraient faire certains hommes aux
quels il a été donné de soulever les voiles qui
cachent de secrètes blessures!
Parmi les pauvres de Paris, il y en a qui ont
cinquante mille livres de rente, et qui sont k
plaindre cependant parce que leurs cinquante mille
livres de rente les obligent k en dépenser soixante
ou quatre-vingt mille. Il y en a qui occupent un
appartement de six mille francs, qui donnent k
danser tous les quinze jours, et dans ces soirées,
vous verrez quelquefois le maître de la maison
refuser obstinément de faire un quatrième au whist,
parce que son gousset et son tiroir sont vides.
Un soir, un père de famille donnait un bal; a
deux heures du matin, il s'est jeté par fenêtre. On
a parlé tout haut d'accès de fièvre chaude, et tout
bas d'une ruine subite. Ni l'une ni l'autre de ces
suppositions n'étaient vraies; il s'est tué parce qu'il
avait perdu une misérable somme, chez lui, dans
son salon doré, et que ni lui, ni les siens, ni
ses domestiques, ne pouvaient acquitter, sur le
champ, en réunissant leurs ressources, cette ridicule
dette d'honneur.
Ailleurs, c'est le rôti qui est supprimé pour per
mettre k la mère et k sa fille d'aller dans le monde
chaque soir avec des toilettes nouvelles; en même
temps, le cheval du fils de la maison mange le
dessert. On n'achète plus de livres, on ne s'abonne
même plus au journal; la cuisinière ne va plus
guère chez le boucher, k peine chez le boulanger.
Comme nos amis ne voient ni le vide de notre
esprit, ni le vide de notre estomac, c'est sur eux
k la mainje voudrais écrire quelques pages
d'imagination. Je cherche... Attends... m'y voici,
je crois... Très-bien! chut! laisse-moi
Nos deux amis travaillèrent ainsi deux k trois
heures, se communiquant de temps k autre ce qu'ils
venaient d'écrire, et se félicitaient réciproquement
sur la féconde beauté de leur imaginative. Dès
qu'ils eurent terminé leurs articles, ils se rendirent
chez Thorigny, qui en prit immédiatement lecture.
Messieurs, leur dit Thorigny, après avoir
déchiffré les deux manuscrits, je suis enchanté de
votre travail; on ne peut avoir plus d'esprit. Je
n'ai qu'une seule observation k faire, c'est qu'il
vous manque un peu l'habitude de la grammaire
je vous engage donc k l'étudier pour arriver k plus
d'exactitude et de correction dans l'orthographe. A
cela près vos articles sont excellents; rapportez-les
moi dans une huitaine et ils passeront au plus tôt.
On entreprit donc assez piteusement l'étude de
la grammaire, et enfin, noo sans avoir maudit cent
fois les lois barbares de la syntaxe, on se mit en état
de soutenir digne ment l'examen du cousin Thorigny,
qui d'ailleurs, en fait de style, ne tenait guère qu'au
judicieux emploi des caractères et des sigoes ortho
graphiques. Paul se trouva donc bientôt initié aux
habitudes du journalisme il se levait assez tard,
couvrait k la hate quelques feuilles de papier, par-