JOURNAL D'TPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
ISTo 4.080.
40me année.
LETTRE de Monseigneur l'Êvêque de
Bruges, Messieurs les Membres du Conseil
Communal d'Ypres.
PRIX D'ABONNEMENT.
ïpres, moisfr. 3
p.r la posle3 5o
Go s'aboDtie Yprrs chex D. LAMBIN
MORTIER, Éditeur-Propriétaire, rue
it Lille, 10, près la Graud'-Place.
Le Propagateur parait le MERCREDI
et le SAMEDI.
Les lettres et envois doivent être
affranchis.
Insertions des annonces 17 centimes
la ligne.
LE PROPAGATEUR
VÉRITÉ ET JUSTICE.
CHEMINS DE FER
d'Ypres A Courtrai6,25, 12,o5, 4,3o
de Poperinghe 20 minutes plus tôt.
De Courtrai Y près et Poperinghe,
8,o5, io,55, 5,oo.
De Courtrai Mooscron et Lille,
j,5o, 10,5o, i,5o, 8,20.
De Courtrai pour Gand, 6,15, 8,00
5,5O.
De Courtrai pour Bruges 8,o5, 2,00,
6,oo.
7??,2S, S Novembre.
Bruges, le a3 octobre 856.
clllkeôôieutdo
J'ai reçu, il y a peu de jours, par la poste, sans
lettre d'accompagnement, mais sous le cachet de la
ville d'Ypres, nn exemplaire du procès- verbal de la
séance du Conseil communal, qui a eu lieu le 17
de ce mois. Daos cet imprimé, j'ai trouvé les expli
cations, que vous oot doonées les membres du
conseil, qui avaient été chargés par vous, l'aonée
dernière, de solliciter le concours du clergé en
faveur du collège communal et de l'école moyenne
de votre ville.
Cet envoi avait sans doute pour bot de provo
quer quelques explicaiions de ma part. Je vous les
donnerai d'autant plus volontiers, Messieurs, que
vos délégués ont cru pouvoir passer légèrement sur
les circonstances qui impriment ces négociations
leur caracière véritable, et auxquelles seules, pour
ma part, j'attache une grande importance.
Le rapport en question vous a été présenté
l'occasion d'un article de journal, qui accusait vos
délégués d'avoir agi, dans ces négociations, sous
l'inspiration du Grand Orient de Bruxelles, et qui
ajoutait d'autres choses désobligeantes pour leurs
personnes.
Par une méprise que je m'explique difficilement,
vous m'avez attribué cet article, auquel je n'ai pris
aucune part. Je me bâte donc de déclarer qu'il
n'émane pas de moi, et que je n'en connais pas
l'auteur. Cet article a élé provoqué, comme vous
l'avez remarqué vous-mêmes, par un journal de
votre ville, qui m'invitait expliquer uo passage de
ma dernière lettre pastorale, laquelle au fond n'avait
pas besoin de commentaire. Soyez-en convaiocns,
Messieurs, j'aurais cru vous faire injure eo pensant
que cette feuille parlait en votre nom, on vous
servait d'organe. A la suite de sa demande d'expli
cations, ce journal contenait un article si injurieux
et si insnltant pour moi, que je n'ai jamais pu
croire, je vous l'assure, qu'il m'était envoyé par
vous ou de votre part jamais donc je n'ai pu songer
8 y répondre.
Vous jugerez maintenant, Messienrs, si on a élé
circonspect et juste mon égard, dans la séance du
17 octobre, en m'accnsant d'avoir blessé l'honneur
'le vos délégués, de les avoir représentés comme les
instruments des loges, propos d'un article de
journal, auquel je suis tout fait étranger.
J'ai d'autant plus de droit, Messieurs, de me
plaindre, mon tour, de la légèreté avec laquelle
ces accusaiions odI été prononcées, que je suis prêt
8 déclarer que, daos mon opinion, vos délégués
0 ont pas subi, dans nos négociations, une influence
étrangère, et qu'ils n'ont pas multiplié k dessein les
obstacles qui devaient empêcher le concours du
c'ergé. Ma conviction est qu'ils ont voulu ce con-
1 cours, mais a des conditions impossibles, comme je
*ais lâcher de vous l'expliquer.
Permettez moi d'abord, Messieurs, de vous faire
fcmarqner que vos délégués u'ont pas eu l'occasion
le me dire daus quel esprit la convention d'Anvers,
si elle eût élé admise de commun accord, eût été
appliquée; car dès le premier entretieu, j'ai fait
voir ces Messieurs qu'à Ypres la question se
présentait sous une face toute particulière; et, je
leur dois cette justice, ils l'ont compris et avoué
aussitôt.
Il a été convenu entre eux et moi que les
négociations auraient pour objet la fusion des deux
établissements existants, souj l'action combinée do
Conseil communal et de l'Evêque. Cela était
nécessaire pour respecter les droits acquis, pour
éviter de fâcheux froissemeuts et pour assurer
l'aveoir de l'établissement fonder de commun
accord.
Vos délégués ont paru entrer franchement dans
cette voie; et j'ai beaucoup espéré alors que ces
négociations aboutiraient uu heureux résultat.
Ce principe posé, la plupart des questions ma
térielles et des questions de détail ont été réglées
provisoirement, promptement et sans difficulté
grave.
Lorsque nous sommes arrivés aux questions
fondamentales, vos déléguésonl demandé un ecclé
siastique ou deux pour enseigner la doctrine chré
tienne; ils ont paru consentir a ce que le peosiounat
fût dirigé par uu ecclésiastique, qui choisirait des
surveillants dans les rangs du clergé. Ils ont déclaré
que leur inteotiou était de charger ces messieurs de
la direction morale et religieuse des élèves, et de
les en reudre responsables vit-à-vis des parents, et
parconséquentaussi vis-à-visduConseil communal.
Ces propositions entraient dans mes vues et me
faisaieut augurer une heureuse issue aux négocia
tions. Dès le principe, j'avais déclaré vos délégués,
Messieurs, que je n'avais qu'un seul intérêt
sauvegarder dans cette combinaison, l'intérêt de
l'éducation chrétienne; et que cet intérêt sauf,
j'étais prêt faire tous les sacrifices possibles
l'union des collèges, qui devait puissamment con
tribuer l'union et la paix de la ville.
J'avais montré sans retard combien mes intentions
étaient droites, et combien était sincère mon désir
de prêter mon concours aux magistrats qui le
sollicitaient. J'avais provisoirement consenti ce
que le nom du collège de S'-Viocent de Paul fût
supprimé; j'avais cousenti retirer mes professeurs
ecclésiastiques, tout eu exprimant le désir d'eu
conserver un ou deux; j'avais consenti louer
l'édifice du collège catholique la ville. En réalité,
Messieurs, ce n'était plus, aux yeux du public, une
fusion des deux établissements que nous allions
réaliser, c'était la suppression du collège catholique.
Eo retour de ces sacrifices, je croyais pouvoir
espérer que vos délégués s'empresseraient me
donner les garanties les plus rassurantes sur le
concours dont le clergé avait besoin pour exercer
sa mission spirituelle avec succès, et pour faire
participer les élèves du collège communal aux
bienfaits d'une éducation solidement chrétienne.
Ce n'était pas élever mes prétentions bien haut,
que de vouloir ra'assurer au moius cet avantage,
après avoir donné les signes d'abnégation dont je
viens de parler. Eh bien, Messieurs, j'ai acquis vers
la fin des négociations la conviction intime, confir
mée aujourd'hui par le rapport de vos délégués, que
cet avantage même m'était refusé.
Quaud j'ai demandé vos délégués quelle serait
la position des ecclésiastiques responsables, vis-à-
vis des parents et de la commune, de la conduite
morale et religieuse des élèves de l'établissement;
et notamment lorsque je me suis informé si ces
messieurs auraient le droit de refuser l'admission
des élèves, renvoyés d'autres établissements et
reconnus dangereux ailleurs, vos délégués m'ont
répondu que ces messieurs ne pourraient refuser
aucun élève; qu'ils devraient admettre tous ceux
que le bureau administratif et le préfet des études
leur confieraient.
Quand j'ai demandé si ces ecclésiastiques pour
raient renvoyer les élèves indociles, vicieux, incor
rigibles; vos délégués m'ont répondu qu'ils ne le
pourraient pas.
Il y a plus: dans la pensée de vos délégués, ces
ecclésiastiques auraient été obligés de faire exécuter
les punitions quelconques imposées par les profes
seurs dans les classes, et jusque dans leur action
morale sur les élèves, ils devaient dépendre immé
diatement et absolument du préfet des études, qui
ordinairement est laïqne; ils ne pouvaient eux-
mêmes infliger aucune punition importante, ni
accorder aucune récompense notable.
Dans ce système, le renvoi d'un élève, quoi-
qu'absolument nécessaire au bon ordre du collège,
devenait daus une foule de cas impossible il u'était
applicable qu'aux fautes publiques, éclatantes, qui
troublent la marche de la maison. Les fautes
cachées n'entraieDt pas en ligne de compte; les
fautes contre les mœurs n'étaient pas réprimées; il
n'y avait point de punition pour elles. Les enfants
corrompus gâtaient les bons; la surveillance la plus
active restait impuissante contre le mal, la vertu
était étouffée et le vice régnait.
Si dans nos collèges catholiques, Messieurs,
nous parvenons former des hommes, c'est grâce
sans doute aux principes religieux et aux habitudes
de vertu que nous inculquons aux jeunes gens qui
nous sont confiés; mais c'est aussi la coudition
essentielle d'écarter impitoyablement du troupeau
choisi les brebis malades, je veux dire les enfants
corrompus et incorrigibles. Or, cette condition a
été positivement refusée par vos délégués, et le
rapport, qu'ils vous ont proposé, montre qu'ils
font remonter ce refus jusqu'à la loi.
L'art. 7 de la loi du 1" juin 185o dit Les pro-
vinces et les communes ne peuvent déléguer un
tiers, en tout ou en partie, l'autorité que les lois
leur confèrent sur leurs établissements d'inslruc-
tioo moyenne.
Vos délégués, Messieurs, considèrent l'autorité
moralenécessaire pour donner une éducation
chrétienne aux élèves catholiques, comme une
portion de l'autorité civile qui leur est conférée
par la loi, et qu'ils ne peuvent déléguer.
Pour ma part, je n'y ai jamais vu qu'une portion
de l'autorité paternelledont la ville est investie
comme déléguée des familles, absolument comme
nous le sommes dans nos collèges libres, autorité
que la ville peut déléguer elle-même sans déroger
aucun de ses droits civils. Daos les collèges
catholiques, où aucune autorité civile n'intervient,
les maîtres ecclésiastiques jouissent de toutes les
facilités désirables pour donner une éducation
soignée et complète aux enfants; ils ont infiniment
plus d'autorité que o'eu auraient eu les ecclésiasti
ques admis dans le nouveau collège d'Ypres; et
cependant, je le répète, ils ne sont revêtus d'aucune