SUPPLÉMENT DU PROPAGATEUR DU SAMEDI 24 JANVIER 1857.
documents concernant le remaniement
médical.
XI.
Deuxième requête adressée la Dépu-
talion permanente par MM. Coppieters et
Hammelrath en date du 17 janvier 1857.
A Messieurs les Président et membres de
la Députation permanente du Conseil provin
cial Bruges.
Messieurs,
Par notre requête en date du 27 décem
bre 1856 nous soussignés Henri Coppieters
et Pierre-Henri Hammelrath, médecins,
demeurant Ypres, avons eu l'honneur de
vous faire connaître les mesures illégales
prises notre égard par la majorité des
administrateurs des Hospices et du Bureau
de Bienfaisance d'Ypres les 5 et 8 du
même mois de décembre, et que cette
même majorité est venue l'Hôtel-de-Ville
le 23 du même mois contrôler et approuver
ses propres actes au sein du Conseil com
munal dont elle fait partie.
La demande de suspension que nous
avons formée dans cette requête est restée
sans résultat. Nous convenons que le
délai de trois jours pour examiner mûre
ment la question dont s'agit, dans le but
de suspendre l'exécution, était insuffisant,
bref, nous avons été exécutés forcément le
1" janvier courant, pour ce qui concerne
l'hôpital civil et le Bureau de Bienfaisance;
toutefois nos administrateurs n'ont pas
osé nous faire expulser de la maison des
aliénés, et le nouveau nommé M. Cornette
ne s'y est pas encore présenté.
Dans leur aveugle précipitation ces
administrateurs n'avaient pas songé la
loi sur le régime des aliénés du 18 juin
1850, ni dans leur première délibération*
ni lors de leur vote approbatif dans le
Conseil communal. En effet, cette loi et le
règlement qui s'en est suivi, le 1" mai
1851ont été violés 1° sous le rapport de
la durée du mandatconféréauxsoussignés,
2° sous le rapport de la durée des fonc
tions dévolues au nouveau nommé, 3°
sous le rapport des motifs de remplace
ment consacrés par la dite loi art. 3, n° 4.
La nullité résultant de la violation de
cette loi ne vicie pas seulement la décision
administrative des Hospices, mais aussi
l'acte d'approbation du Conseil communal
du 23 décembre; et comme l'on n'a fait de
toutes les destitutions et nouvelles nomi
nations dont s'agit qu'un seul tout fondé
sur des motifs coordonnésetliés ensemble,
il nous paraît évident, que tous les actes
précités sont par cela même frappés de
nullité dans leur ensemble.
Cependant nos administrateurs-conseillers
n'en restèrent pas là. Ils s'assemblèrent de
nouveau le 5 janvier courant,et résolurent
de vous transmettre, MM., par l'intermé
diaire du collège échevinal d'Ypres les
motifs spéciaux qu'ils disent exister pour
obtenir de vous l'approbation nécessaire,
en ce qui concerne la maison des aliénés.
Cette nouvelle résolution par les trois
membres de la majorité a provoqué une
nouvelle protestation de la part de M. le
président des Hospices. Cette pièce a été
adressée au collège échevinal, le 8 janvier,
avec prière de vous la transmettre.
Convaincus eux-mêmes de l'illégalité de
leurs actes, ils" cherchent aujourd'hui par
détours et nouveaux moyens vous surpren
dre pour vous y faire tomber de même. Tant
il est vrai que tous les moyens sont bons
pour rester dans l'arbitraire, quand une
fois l'on s'y est laissé engager! et l'on s'est
mis nous calomnier, après avoir déclaré
dans le principe que toute personnalité
était étrangère leur innovation, parce
qu'on a senti après coup le besoin de le faire!
Ainsi nos administrateurs prétendent
tout hasard maintenir leur système. Ils
allèguent qu'ils sont en droit d'opérer, en
tout temps, des changements ou muta
tions dans le personnel médical; que le
mandat des soussignés est expiré en
novembre dernier; que le service actuel
lement fait par les titulaires est alternatif
et défectueux; qu'il réclame un médecin
qui puisse y donner tous ses soins, et
nullement des médecins dont la position est
faite; que les soussignés n'ont pu guérir
l'an passé que 8 aliénés sur 110; qu'il faut
un médecin principal et un adjoint, que
les deux nouveaux nommés méritent la
plus grande confiance; que jusqu'ici les
maisons d'aliénés ont été des prisons
plutôt que des hospices; que dans les
grandes villes des médecins instruits se
sont voués spécialement au traitement des
maladies mentales, et qu'il doit en être de
même Ypres. Telle est enfin l'ardeur de
ces trois MM. de la majorité, que pour
satisfaire leurs petites passions person
nelles, ils préféreraient se faire médecins
et guérir eux-mêmes les aliénés, plutôt
que de voir annuler leur décision.
C'est précisément là ce qui avait été
prévu par M. Lebeau, lors de la discussion
de la loi sur le régime des aliénés du 18
juin 1850. S'il est un ordre de choses,
a-t-il dit, où les influences locales, les
petites passions de localité puissent s'ex-
ercer, c'est surtout dans l'appréciation
des médecins. En général, il y a, l'égard
des médecins, selon les diversités d'opi-
nion, tantôt une répulsion très-forte,
tantôt une sorte d'infatuation. Je crains
que dans les localités secondaires ces
passions ne s'exercent parfois d'une
manière fâcheuse pour les établisse-
ments et pour les praticiens qui y
seraient attachés,
Qu'il nous soit permis, MM., de faire ici
une réponse succincte aux motifs précités
inventés contre nous
Certes, l'administration des hospices est
en droit de proposer en tout temps la mo
dification ou le remplacement du person
nel des médecins,en cas de négligence grave
ou d'omission de devoirs; mais il faut avant
tout que l'un de ces cas existe en réalité, et
qu'il ne soit pas l'effet d'un rêve ou d'une
passion qui veut être assouvie. Ce droit ne
doit néanmoins pas être confondu avec
l'obligation de demander des changements
ou mutations dans lescas de décès ou autres.
Il faut donc des motifs graves pour rem
placer les médecins ou modifier leur per
sonnel. Tel est le vœu de la loi, article 3;
tel est l'esprit, telle est la lettre des décrets
et règlements antérieurs; voir entr'autres
l'arrêté royal du 2 avril 1829, article 7. Ce
principe qui a pris sa source dans nos
mœurs n'a été abrogé par aucune loi ou
disposition réglementaire postérieure, et il
n'est pas seulement passé littéralement
dans notre loi spéciale du 18 juin 1850,
mais encore tacitement dans l'esprit de
toute notre législation, tout au moins
comme raison écrite.
D'où il suit, MM., que nous devons
admettre que la loi de 1850, qui, loin de
repousser le principe, l'a admis en termes
exprès, a voulu lui donner toute sa force,
et le rendre applicable tous les cas de
remplacements quelconques, même aux
remplacements qui peuvent être proposés
périodiquement de trois ans en trois ans;
de sorte que, alors même que le mandat
des soussignés serait expiré, il faudrait
toujours ces mêmes motifs graves pour ne
pas proposer et approuver la continuation
de leur mandat.
En effet, la loi, en accordant au gouver
nement un fort contrôle sur cette matière
et aux médecins un recours au Roi pour les
garantir contre les petites susceptibilités
signalées par M. Lebeau, n'a-t-elle pas évi
demment voulu qu'en aucun temps on ne pût
faire bon marché de leurs services et de leurs
positions?
Pour remplacer les soussignés l'admi
nistration allègue ensuite que le mandat
des soussignés est expiré en novembre
1856.
Pour prouver le contraire les soussignés
n'ont pas suivre l'administration dans ses
écarts sur ce qui aurait dû être fait; ils se
bornent dire, que leur nouvelle nomina
tion a été approuvée par le Conseil com
munal d'Ypres le 17 mars 1854, par la
commission médicale provinciale et le
comité d'inspection le 10 avril 1854 et le
28 mars de la même année, et par la
députation permanente le 4 mai 1854; et
que cette nomination par laquelle les sous
signés oDt été confirmés dans leurs fonc
tions était la première, faite en vertu de la
nouvelle loi, cause des formalités préala
bles qui ont dû être remplies pour obtenir
le maintien de notre maison d'aliénés. Il
s'en suit que les trois années d'exercice
n'expireront qu'en novembre 1857, aux
termes de l'article 11 du règlement du 1"
mai 1851.
L'on objecte ensuite que le service mé
dical est défectueux parce qu'il est alter
natif etc. mais il est remarquer d'abord,
que cet état de choses existe depuis nombre
d'années sans avoir empêché la prospérité
de l'établissement; et qu'il est très-injuste,
alors que l'administration n'a jusqu'ici
rien fait pour y remédier, de l'imputer
aujourd'hui comme grief aux soussignés;
I que d'ailleurs ceux-ci ont depuis longtemps
cherchéà y obvier,et que depuis uncertain
temps ils y ont obvié en effet, en visitant la
maison des aliénés tous les jours indistinc
tement, l'un spécialement le quartier des
hommes, l'autre le quartier des femmes, et
s'entr'aidant réciproquement au besoin.
Quant aux soins que, d'après nos admi
nistrateurs, les aliénés doivent attendre de
la part des jeunes médecins, leurs créatures,