40me Année.
Samedi 18 Avril 1857.
No 4,127.
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN, POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
TROIS MOIS. POUR 3 MOIS.
7FB.23S, 18 AVRIL.
BULLETIN POLITIQUE.
Il est hors de doute que l'Angleterre ne fasse
tourner au profit de sa puissance commerciale le
conflit où elle se trouve engagée avec le Céleste-
Empire. On attribue k son envoyé, lord Elgin, la
missioo de réclamer i° l'extension k neuf, au lieu
de cinq, du nombre des ports ouverts au commerce
étranger; 2° l'établissement d'une légation britan
nique Pékin sur le même pied que la légation
russe; 3* la création de postes militaires dans toutes
les résidences des consuls anglais; 4° l'occupation
de positions fortifiées dans les villes de Shanghaï,
Hong-Kong et Canton, par des garnisons anglaises
dont le chiffre serait déterminé; 5" enfin, l'autori
sation pour les bâtiments de guerre de mouiller sur
les points du littoral. La France émettra pro
bablement des prétentions analogues.
D'un autre côté, on devioe aisément l'accueil
qu'ont a attendre de pareilles propositions de la
part d'un gouvernement jaloux de s'isoler du reste
des peuples et par préjugé et par calcul et par
raisou d'état. Pour reculer au moins l'odieuse
invasion des barbares d'Occident, sans doute il
mettra en oeuvre tout ce que la téoacité du carac
tère national, tout ce que le fanatisme des préjugés
populaires, tout ce qu'une politique astucieuse et
cruelle peuvent inspirer d'expédients et fournir
d'armes a la résistance.
Les opérations militaires en Kabylie doivent
s'ouvrir dans le courant du mois prochain. Cette
expédition est entreprise dans des proportions
assez restreintes.
Il est moins que jamais probable que les parties
intéressées dans la question neucbâteloise, par
viennent concilier leurs prétentions respectives.
Aussi pense-t-on qu'une entente directe entre la
Prusse et la Suisse étant impossible, les plénipo
tentiaires aux Conférences de Paris formuleront on
projet d'arrangement qu'ils soumettrout ensuite en
particulier k chacun des deux gouvernements.
Une correspondance de S'-Pétersbourgda
Journal de Bruxellesnoas apporte des données
intéressantes sar l'état social et religieux de l'Em
pire et les dispositions de la coar. Ainsi il conste,
LE TRAIT-D'UNION.
(Suite. Voir le n° 4>ia6 du Propagateur,)
Vers dix heures, Louise jugea que le châtiment
avait suffisamment duré. Cédant k un mouvement
de compassion, elle prit congé de sa mère, refusa
le bras d'un colonel en retraite, qui offrait de la
reconduire, et monta dans une voiture de remise,
afin d'arriver plus vite; elle était impatiente de
voir la miue allongée et de recevoir les excuses du
coupable; elle s'exhortait surtout k ne point par
donner avant d'avoir bien posé toutes sesconditions.
Vous pouvez annoncer k monsieur que je
suis rentrée, dit-elle a sa femme de chambre.
Celle-ci répondit
Monsieur est sorti et m'a chargée de prévenir
madame qu'il ne serait point de retour avant minuit.
La stupéfactiou de Louise ne peut se comparer
qu'au mouvement de colère qui la suivit.
Je ne lui pardonnerai jamais cette conduite I
s'écria-t-elle en arrachant plutôt qu'elle ne dénoua
les rubans de son chapeau.
Elle oubliait en ce moment qu'on ne refuse de
pardon qu'k ceux qui en demandent. Or, Edouard
d'après des statistiques très modérées, que les neuf
dixièmes de l'empire appartiennent k la classe des
serfs. Au reste les maîtres, qui abusent de lenr pou
voir, forment l'exception, et la condition générale
des serfs est certainement meilleare que celle des
prolétaires de plusieurs pays de l'Occident. On
s'accorde d'ailleurs k croire qae leur émancipation
est ioévitable et imminente.
Le code péoal renferme plasieurs articles qui
semblent venir des hordes tartares. Ainsi si vous
êtes condamné k la bastoonade, vous pouvez
appeler; mais il faat d'abord recevoir les coups. Si
votre appel est troavé fondé en raison, on vous
adjage une certaine compensation pour les coups
reças; mais impossible de ne pas subir d'abord le
rotin.
C'est nu fait connu k toute l'Europe que l'esprit
général de la Russie est profondément religieox.
Cela n'empêche pas que les hautes classes ne soient
atteintes da manque de convictions religieuses.
Depuis quelque temps cependant l'exemple de la
nouvelle cour, la fidélité de l'empereur Alexandre
et de son frère le grand-duc Constantin k se con
former anx lois ecclésiastiques ont amené une
certaine amélioration au sein de la hante noblesse.
Le grand-duc Coostaotin est une nature de fer
et de feu, capable de toot. Mais heureusement
cette nature est teoue en bride par des seotiments
profonds de religion. D'autre part, qae deviendrait
l'empire, si k côté de l'Empereur, porté naturelle
ment a la bonté et k la mansuétude, il n'y avait pas
ou prince toajonrs prêt k payer de sa persoooe pour
réprimer les abus, pousser le char de l'État, mettre
partout l'ordre, le zèle et l'accomplissement du
devoir? Le grand duces: en outre considéré comme
un contrepoids aa mouvement des idées politiques
prônées par le libéralisme.
Il est incontestable que l'Empereur désire se
conduire k l'égard des catholiques d'une manière
équitable. On ajoute que la façon honteuse, dont
on a arraché les grecs-anis de Lilhaanie du sein de
l'Église Catholique, pèse sur sa conscience honnête
comme un immense remords. Ces populations sont
encore jasqu'k ce jour presque toutes catholiques
dans le cœar; beaucoup le sont même extérieure
ment. Si on leur accordait des prêtres catholiques,
elles ne sauraient assez bénir le nom da mooarqae
ne paraissait nullement être eu disposition de
s'bumilier.
Minuit était sonné lorsqu'il rentra. Il avait par
tagé toute la soirée l'avis de ceux qui trouvent que
les auteurs d'opéras en cinq actes abusent singuliè
rement des oreilles du public; mais reparaître chez
lui avant la fin du spectacle, quelle faute C'eut été
compromettre par un signe de faiblesse les heureux
résultats qu'il attendait.
Que de réflexions salutaires cette longue absence
avait dù inspirer k sa femme! comme elle avait dû
être inquiète, et de quelle folle joie elle allait saluer
son retour!
Dans cette douce illusion, il se dirigeait vers son
appartement.
Doucement, Monsieur, fit la femme de cham
bre, vous allez réveiller Madame.
Elle dort?
Depuis qu'elle est revenue de chez sa mère;
voila bientôt deux heures.
Ce fut au tour d'Edouard d'être stupéfait et
furieux.
Ah! elle s'obstioe k lutter! Eh bien! nous
verrons qui de nous deux se lassera le premier.
II y avait au fond de l'appartement une chambre
d'ami destinée k recevoir les visiteurs et les parents
de province.
qui leur assarerait ce bonhenr. Mais le gouverne
ment, tout autocrate qo'il soit, ne paraît pas assez
fort aux politiques pour pouvoir être jaste jusqu'à
ce point.
Nul n'igDore plus combien sont mensongères les
protestations des faux libéraux au sujet de leur
prétendu respect pour la religion catholique et ses
ministres. Malgré tonte leur dissimulation, le bout
de l'oreille perce de temps k autre. Un journal
pseudo-libéral de Bruxelles publie très-naïvement
les lignes suivantes
Si nous étions assez crétins pour avoir un
directeur, assez décrépits d'intelligence, assez
dénués de raison et de sens commun pour
aller nous agenouiller aux pieds d'un individu
que nous ne connaissons pas, et lui confier, k
travers l'horrible petite grille d'une horrible
petite boîte, connue soos le nom de confessional,
nos pins secrètes pensées, le tout parce qu'il
a une sontane noire, un surplis blanc et ooe
tonsure de dous ne savons quelle couleur,
nous oous empresserions de lui demander con-
seil. Mais nous n'en usons pas, de par Minerve
que nous pre'féroos de beaucoup a la Vierge
immaculée, et de par Platon que nous trouvons
cent fois plus gai que Satan! S'il a des
cornes, au moins n'a-t-il pas de queue, cet
ignoble, immonde et révoltant ornement.
Pluton est plus décent et pins présentable en
société.
Les pseodo-libéraux d'Ypres ne diffèrent en
rien des pseudo-libéraux de Bruxelles. Mais les
uns sont plus hypocrites que les autres. Il en est
ici qui vont k la messe uoe fois par semaine, et k
confesse une fois par an, sauf k se moquer, entre
eux et parfois même en public, et de la messe, et
du prône, et de la confession. Ce n'est pas tout
ils ont l'ootrecoidance de vouloir en remontrer
aux corés et aux vicaires. A les en croire, mais
heureusement personoe ne les croit plus, k les en
croire, la chaire de vérité serait transformée en
tribone politique, le confessionnal en bureau de
recrutement pour le collège S1-Viocent de Paul, et
les confréries en clubs électoraux. Oui, la jalousie
et la baioe les aveugle k ce point qu'ils ne rougis
sent pas de dire qu'ils soot allés surpreudre les
secrets de la confession pour colorer leurs indigoes
Edouard alla prendre possession de la chambre
d'ami.
Le lendemain, au déjeuner, Louise regarda son
mari avec un sourire d'une ironie provoquante.
Monsieur, n'est pas rentré cette nuit?
Je vous demande pardon mais vous dormiez
si profondément que, dans la craiote de troubler
votre sommeil, je me suis accommodé de l'apparte
ment destiné aux visiteurs.
C'est une heureuse idée que vous avez eue là
Vous trouvez! Je tâcherai démériter long
temps votre approbation, madame.
Le ressentiment et l'amoor-propre aidant,
deux conseillers ennemis de la justice et de la
modération, la situation, k partir de ce moment,
alla s'empiraot chaque jour. Edouard et Louise, de
plus en plus animés l'un contre l'autre, n'eurent
bieDtôt d'autre souci, d'autre occupation que de se
heurter, que de se froisser mutuellement. Dans
leurs rares entretiens, ils avaient toujouis sur les
lèvres l'ironie et l'épigramme. Chaque action de
l'un avait invariablement pour but de contrarier
chez l'aotre un goût, on désir, une habitude. Le
bonheur et la paix étaient définitivement bannis du
ménage.
Pour être continué