40me Année.
Samedi 2 Mai 1857.
N° 4,131.
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN, POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR FOI CATHOLIQUE* CONSTITUTION BELGE. AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
mois MOIS. POUR 3 MOIS.
7PR33S, 2 MAI.
BULLETIN POLITIQUE.
Si nous avions la prétention de favoriser nos
lecteurs, avec une régularité servile, d'un bulletin
toujours gros d'événementstoujours palpitant
d'intérêt, sans doute il nous paraîtrait aujourd'hui
difficile de remplir notre tâche sans tomber dans
des redites. Signalous toutefois la fin plus que pro
bable du cooflit Neuchâtelois. Le Conseil fédéral a
accédé aux conditions proposées par les quatre
puissances médiatrices. On doute peu ou pas de
l'assentiment de la Prusse.
L'expédition de Chioe excite toujours un vif
intérêt. Les dernières nouvelles confirment ce que
nous disions, dans notre précédent bulletin, des
horreurs commises par ces barbares policés. Les
armements prennent en Angleterre des proportions
formidables. Aujourd'hui on parle (mais sans doute
on exagère) de l'envoi de 5o,ooo hommes. Le
gouvernement français prendrait aux opérations
une part plus large qu'on ne l'avait dit d'abord.
Par oootre, les Etats-Unis se déclarent pour la
neutralité. Les Yankees, en calculateurs avisés,
comptent eotrer par la brèche que d'autres auront
pratiqué, et, tout en ménageant leur poudre, ces
heureux trafiquants se promettent bien de mettre
profit les relatioos nouvelles et les débouchés
commerciaux qu'ouvriront les puissances maritimes
grands coups de caoon.
Dans son discours du 29, l'honorable député
d'Ypres, M. Malou, usant de charité envers ses
adversaires, a donné la charité officielle quel
ques couseils propres a lui attirer la confiance dont
elle a si grand besoin elle fera bien, a dit l'orateur,
d'exécuter les conditions inhérentes b la jouissance
des biens qu'b titre plus ou inoins légitime elle
possède aujourd'hui, et dont, en prenant les titres,
elle a laissé les charges dans la poussière des
archives; elle agira sagement en n'usant pas de
LE TRAIT-D'UNION.
{Suite. Voir le n° 4»'3o du Propagateur.)
On peut juger quelle fut la surprise d'Edouard
quand, le lendemain, l'heure du déjeuner, il vit
Louise reprendre a table sa place habituelle.
En vain il chercha dans sa physionomie quelques
traces de la colère qui l'avait aoimée la vieille elle
avait le visage parfaitement calme seulement ses
traits étaieut pâles. Edouard, attribuaut une
indisposition ce qui était la suite naturelle d'uoe
nuit saos sommeil, ne crut pas pouvoir se dispenser
de faire 'a sa femme la politesse de cette question
banale
Vous êtes soutfiante, Madame?
Je l'ai été, répondit Louise; présent je me
crois guérie.
Le son de sa voix était d'une douceur extrême.
Edouard en fut tout saisi d'étonnement.
Vers la fin du repas, Louise dit Rose:
C'était hier 1 ouverture de la chasse tâchez
de vous procurer des bécassines; vous les accom
moderez pour le dîner.
Cinfluence que lui donnent les biens d'origine
catholique contre les catholiques eux-mêmes
elle lâchera que les adjudications publiques de
fermages soient autre chose que des servitudes
politiques ou des contrats illusoires; elle mettra,
s'il se peut, plus d'économie dans les frais d'admi
nistration elle s'épargoera des erreurs suivies des
transactions nuisibles aux intérêts des pauvres,
enfin, elle s'efforcera de vivre en bonne intelligence
avec les sœurs hospitalières, qui ont eu tant h se
plaiodre de son oppression et de ses mauvais
traitements.
Et dirons-nous, (s'il nous est permis de donner
un conseil h notre tour), la charité officielle devra
surtout s'abstenir de faire servir l'àrgeot des pau
vres au paiement des amendes et dommages-intérêts,
infligés parles tribunaux h des calomniateurs. Cela
s'est vu b Ypres même, cela pourrait se voir encore.
CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.
Séance du 27.
M. le comte de Liedekerke a prononcé on dis
cours eo faveur du projet de loi aussi remarquable
par la solidité du fonds que par la beauté de la
forme. Il a fait justice des épouvantaifs de la
main-morte, de l'extension des couvents, de la
personnification civile, par lesquels les adversaires
du projet de loi veulent encore effrayer leurs cré
dules adhérents.
Séance du 28.
Deux orateurs se sont succédé b la Chambre dans
la discussion de la loi sur la charité. Nous n'ajoute
rons pas que l'attention de l'assemblée s'est partagée;
beaucoup de gens sont d'avis qu'elle s'est, pendant
le premier discours, réservée pour le second; la
raison, c'est que M. Malou était inscrit pour parler
après M. Vervoort. Cependant, M. Vervoort n'a
pas été au-dessous de lui-même, et son discours o'a
point démenti les espérances qu'en pouvaient con
cevoir les plus bienveillants de ses amis politiques.
L'honorable membre repousse, et le projet, et
l'appel fait b la conciliation au pied de la croix par
M. le comte de Liedekerke. Nous le déplorons,
La cuisinière se fit répéter un ordre qu'elle
croyait avoir mal compris.
Mais, objecta-t-elle, n'ai-je pas entendu dire
b Madame qu'elle avait pour les bécassines une
répugnance invincible?
Mon mari les aime, cela suffit.
Edouard jugera la chose trop peu importante en
elle-même pour demander l'explication de ce
revirement imprévu; mais il ne put s'empêcher
de remarquer que le projet de séparation qui devait
s'effectuer la veille paraissait an raoios ajourné, que
sa femme lui faisait une concessioo, la première
depuis qu'ils étaient mariés, et que, pendant toute
la durée du déjeuner, elle n'avait eu pour lui ni
regard menaçant, ni parole amère, ni mordante
épigramme.
Puisque nous avons des bécassines h dîner,
fit-il avec un air de bonne humeur, vous devriez,
Louise, inviter votre oncle Joseph h venir en
prendre sa part.
L'oocle Joseph était un de ceux sur qui Monsieur
vengeait le plus souvent ses amis des mauvais
procédés de Madame.
Edouard avait donc répondu b la prévenance de
Il parce que le but et le lieu n'étaient pas trop mal
choisis; M. Vervoort s'y serait trouvé d'ailleurs en
compagnie de la cour de cassation, et pour un
avocat ce n'eût point été déroger.
L'honorable représentant d'Ypres M. Malou est
un de ces hommes qu'oo juge abstraction faite du
parti auquel ils appartiennent; devant leur talent
s'effacent les préventions et les haines de parti, et
c'est quelquefois même dans les rangs de leurs
adversaires qu'ils rencontrent l'admiration la plus
vive.
M. Malou a, avec cette admirable clarté qui est
chez loi un don naturel, traité complètement toute
la question de la charitéla plaçant dans son vrai
jour, l'expliquant par des textes de lois et des
exemples, et condensant eo un abrégé b la fois
brillant et solide cette théorie de la charité libre,
qui est d'elle-même si simple et si belle, et que
les sophistes du libéralisme ont si étrangement
obscurcie et défigurée, pour en faire le thème
Spécieux de leur opposition d'aujourd'hui. Un fait
que M. Malou a nettement établi, c'est l'origioe de
la question même considérée comme question poli
tique. De i85o b 1847, le libéralisme n'a pas
compris la charité autrement que le cabinet actuel,
son système était celui que consacre le projet de loi,
et MM. Lebeau et Leclercq, ministres de la justice,
signaient, de 1862 b i834, et de i84o a i84i, des
arrêtés qui les constituent en étal de flagrante
complicité avec M. Notbomb, le ministre actuel.
Cependant aucune réclamation ne s'est élevée dans
les rangs de l'opinion libérale d'alors, qui ne
pressentait pas le moins du monde le système éclos
eo 1847, par lequel a été inauguré le rôle exclusif
de cette charité officielle, qui, violaot la volonté
des testateurs, preud les bienfaits dont elle repousse
les conditons.
M. Malou a jugé ce système par les actes en
rappelant les faits Lauwers, de Montmorency,
Metteoius, De Rare et l'affaire des religieuses de
Ruddervoorde,qui mettent si fort en relief l'égoïsme
de la charité officielle et l'exclusion résolue de
Louise par une autre prévenance; cependant il se
tenait sur ses gardes.
Les femmes sont adroites, pensait-il; ce
qu'elles ne réussissent point b emporter de force,
elles essaient de l'obtenir par la ruse. Qui sait si
celte déférence inattendue n'est point une amorce b
ma générosité? Peut-être espère-t-on in'eotraîoer
par la reconnaissance, sur cette pente rapide des
concessions qu'il est impossible de remonter lors
qu'on l'a une fois descendue. Loin de moi sans
doute la peosée d'opposer b une riante figure un
visage rébarbatif; mais 00 peut se dérider le front
sans pour cela être obligé de faire acte de faiblesse,
et j'aurai soin de ne me point départir d'une fermeté
non moins nécessaire que prudente.
Ainsi se trouvèrent suspendues les hostilités
entre Edouard et Louise; tous deux paraissaient
mettre la plus grande attention, l'uo de parti pris,
l'autre par réciprocité, b s'interdire les allusions
fâcheuses, les réflexions déplaisantes, les expressions
agressives; mais, comme ils avaient perdu l'habitud<-
de se dire des choses aimables, celles-ci oe vinrent
pas en abondance, et plus d'une fois la conversation
tourna court.