appréciation politique de la lettre de m' h. carton. 7 aveu peut coûter h notre amour-propre, mais c'est un hommage rendu la ve'rite'. Il n'y a, messieurs, dans le projet qu'nne chose nouvelle, une seule, et celle-là nous la revendi quons, mes collègues et moi, pour nous, pour nous seuls. Elle est nous, a nous seuls. C'est le con trôle, ce sont les garanties, c'est la répression des abus, c'est la main-morte limitée. Voila ce qui est h nons, et, certes, les puissances occultes ne nous auraient pas imposé cette partie de la loi! I». Enfin, si Mr H. Carton découvert, a pris la plnme pour plaider la cause de son fauteuil dans les séances de la commission des Hospices, il n'a réussi qu'à rendre autant qu'il pouvait sa présence désormais impossible. Nous comprenons que M1 H. Carton tienne beaucoup sa position de receveur des Hospices et de receveur assistant aux séances. Qui pourrait donc en vouloir ce chef de parti qui se contente de si peu? Satisfait de dominer réellement, de disposer des charges publiques, de recevoir les hommages des dignitaires ses honorables serviteurs, il est sans ambition; il a renoncé de grand coeur l'éclat des honneurs et des dignités. Jamais, moins qu'il o'écrive (ce qui heureusement pour loi est fort rare) il ne pose devant le public. Aussi personne ne pourrait voir d'un œil envieux, ou loi reprocher, lui maître et chef, de ne pas pousser le désintéressement jusqu'à s'oublier entiè rement soi-même. Il jouit donc en paix de la modique pension que l'on a allouée, sur les revenus des Hospices, sa lourde charge. Mais Mr H. Carton sait, mieux que tout autre, apprécier la valeur d'une position. Peu soucieux de l'humble apparence, lorsqu'elle le met l'abri de la responsabilité et de la critique, il a sû se choisir nne position qui lui met entre les mains la plus forte somme de pouvoir réel. On n'a qu'à ouvrir ies yeux pour voir, qu'un habile receveur d'Hospices Ypres, jouit d'une influence bien plus forte que celle d'un magistrat ou d'un fonc tionnaire quelconque de la cité. C'est ce qu'il faut un chef de parti pour se faire constamment reconnaître, respecter et obéir. II est vrai que recevoir les revenus et payer les dépenses des établissements charitables n'a de sa nature et ne devrait avoir aucun caractère politique. Mais lorsque ces actes administratifs sont posés par le chef d'un parti politique qui doit faire flèche de tout bois pour se maintenir, soit assez simple qui voudra, pour avoir foi dans la délicatesse que mettrait le receveur laisser dormir son influence. Les revenus annuels des Hospices s'élèveot peu près la somme de 200 mille francs et il doit en être de même des dépenses. Supposons que la moitié seulement de ces revenus et dépenses con fère Mr Carton une actioo réelle et pratique voilà une influence personnelleannuellement i absent, il n'avait jamais considéré la religion que comme une série d'observances purement maté rielles. Et lorsqu'il voyait chaque année ces belles dames qui n'avaient fait tout l'hiver que danser, applaudir les bayadëres de l'Opéra, jouer, médire, nouer des intrigues ou s'intéresser ces tristes manèges; lorsqu'il les voyait, le carême venu, assaisonner cette existence mondaine de quelques sermons, puis faire leurs Pâques, il n'apercevait là qu'une routine médiocrement édi fiante; il pensait que la saison seule ramenait pour les femmes du monde cette période religieuse, comme elle ramène la moisson on les vendanges pour les habitants des champs, et pour les citadins élégants la chasse, les voyages ou les eaux. Jamais d'ailleurs, avant son mariage, Emile n'avait contemplé la religion vivante, s'il est permis de s'exprimer ainsi. A peine fut-il marié que cet admirable spectacle lui apparut. Il vit nne femme qui ne manquait jamais au moindre de ses devoirs, pour laquelle le plaisir n'était rien et la volonté de Dieu était tout; également iogénieuse soulager la misère, égayer son intérieur par la ravissante rajeunie qui s'élève la somme de 100 mille fr. Quelle ne doit pas être la force de l'opinion publique pour lui résister ou la dominer, soit dans les élections soit dans toute autre question qui intéresse la ville entière? M' H. Carton a compris cependant que cette influence si forte déjà du receveur des Hospices, devait l'être bien d'avantage si ce receveur se trouve présent aux séances, peut tout contrôler, y dire son mot sur le ton de Mr Carton, faire usage de ses connaissances administratives dans les délibéra tions faire revenir sur les décisions prises l'unanimité, etc., etc. Jamais M' Carton ne manqua d'être au poste. Il s'était paisiblement fortifié dans cette position pendant de longues années, surtout depuis qu'il avait réussi en éloigner les anciens administra teurs. Là, se trouvaient ses arsenaux et ses maga sins; là il se préparait de nouvelles conquêtes; là il se croyait inexpugnable comme les Russes Sébastopol. Quelle dût être sa surprise lorsque tout coup cette position est attaquée et cernée? Quel fut son dépit lorsqu'il se vit lui-même sérieusement menacé, lorsqu'on attaque la clef de la forteresse, lorsque l'on monte l'assaut de la tour de Malakoff, qu'on veut l'éloigner des séances? Moins brave, moins calme, moins habile que Gorlschakoff, ni il n'oppose une résistance sérieuse et honorable, ni il ne sait par une retraite faite temps se sauver lui et les siens. Il se lance en avant, il écrit sa lettre, il veut payer d'audace, il se rend impossible, il reste sur le carreau. Abandonnons la métaphore et parlons comme les légistes. Sa présence aux séances de la commission, ne peut se justifier d'aucune manière, comme sa lettre le prouve; elle n'est ni légale, ni nécessaire, ni convenable, ni tolérable. i* Elle n'est pas légale. Le législateur a établi la commission administrative des Hospices. Il a détet rainé le nombre de ses membres, le mode de leur élection ou nominationainsi que leurs attributions; il ne comprend pas dans cette com mission Mr le receveur; celui-ci se trouve ainsi exclu pour des motifs dont la sagesse du législateur apprécie la gravité. Le receveur n'a donc ni le droit ni le devoir d'assister aux séances de la com mission, ou de prendre part ses travaox. Pour justifier sa présence d'une manière nette et caté gorique, Mr Carton dit que le receveur a le devoir onéreux d'assister aux séances, lorsque l'adminis tration l'invite ou qu'elle en témoigne le désir. Cette invitation, ce désir pour être conforme l'esprit de la loi doit s'entendre et se conçoit dans quelques circonstances particulières où la commis sion administrative appellerait auprès d'elle son subordonné, pour recevoir de lui quelques rensei gnements utiles ses délibérations. Mais cette invitation et ce désir deviennent aussi peu légaux que la présence elle même du receveur, s'ils ne sont qu'un prétexte ridicule ponr créer, en dehors de la loi, un nouveau fauteuil dans la salle de réunion en faveur du receveur et lui octroyer une sérénité de son caractère, et ignorer absolument (non pas par une feinte modestie, mais par une vraie humilité) les qualités et les mérites dont le Ciel l'avait douée.Toutes ces vertus qui s'ex cluent si souvent chez les sages de la terre, la douceur et la fermeté, le zèle ardent et la charité toujours patiente, la vue perspicace des défauts des hommes et le support non seulement résigné, mais joyeux de leurs infirmités, le sérieux des pensées avec le plus aimable enjouement dans la conversa tion; tout cela se combinait chez Noémi en nn harmonieux ensemble, au fond de quoi dominaient si évidemment l'amour de Dieu et les inspirations de la religion, qu'il était impossible de voir Noémi sans l'aimer, et de l'aimer sans aimer en même temps l'Évangile et l'Église, qui l'avaient faite ce qu'elle était. Emile subit donc l'influence des vertus de sa femme. Qaand il se demandait pourquoi elle était plus charitable que lui, plus patiente, plus dévouée, plus résignée, plus prête sacrifier pour le moindre de ses frèresplus maîtresse de sa douleur en face des grands coups du sort et de son humeur vis-à-vis participation permanente plus ou moins prépon dérante dans l'administration elle-même. Le 9eul devoir du receveur dans ce cas serait de décliner modestement l'honneur illégal dont il se voit l'objet. 3° Elle n'est pas nécessaire. Comme nons l'avons dit, la commission administrative peut très-bien connaître la situation financière, sans admettre d'une manière permanente M' le receveur dans son sein. Mille autres moyens sont là pour être renseignés et délibérer ensuite avec dignité et liberté sans qu'en dépit de la loi et du bon sens on n'aille mettre une cinquième roue au char de la bienfaisance légale. On peut dans des cas excep tionnels appeler près de soi son receveur, qui aura alors le devoir de se mettre la disposition de l'administration; en règle générale il n'en doit pas être ainsi. Le législateur connaissait, aussi bien que M1 Carton ou tout autre, ce qu'on pourrait faire valoir en faveur de la présence do receveur aux séances; il savait qu'il y avait des villes dont les Hospices jouissent d'énormes revenus dont le receveur aurait rendre compte; il n'a pas cepen dant jugé que la présence de celui-ci aux séances fut utile ou nécessaire, et il n'a pas permis que ce receveur devint de droit ou de fait membre de la commission administrative. 3* Elle n'est pas convenable. Avant la fameuse lettre de M' Henri Carton, il eut été un peu difficile peut être pour l'administration actuelle d'éloigner cet homme de ses séances, de rentrer dans la légalité, de se soustraire une influence imposée, de con quérir son indépendance. Une longue possession paraissait avoir conféré des droits au receveur; si un usage reçu n'avait et ne pouvait avoir force de loi contre la loi, l'exemple des prédécesseurs, la difficulté d'amener un changement, l'odieux de s'en prendre une personne, la puissance enfin du receveur était là, sinon pour légitimer, du moins pour faire supporter un fait accompli, pour subir un état de choses qu'on n'avait point fait, qn'on ne pouvait briser et qui paraissait un peu couvrir tout le monde. Mais aussitôt que M* Carton lance sa lettre plutôt la face de l'administration, qu'en réponse au Propagateurtoute excuse contre la loi devient nulle, toute convenance se retourne contre Mr Carton lui-même. Comme nous l'avons montré dans l'article précédent, Mr Carton ne peut plus conserver son fauteuil illégal qu'au dépens de la dignité, de l'iodépendance et de la considération de la commission administrative; celle-ci deviendrait une comédie vivante et ridi cule donnée régulièrement tous les huit jours en spectacle toute la ville. 4° Elle n'est pas tolérable. La raison en est que Mr Carton se sert de la position illégale qu'il a prise dans les séances dans un but politique. Sa lettre l'avoue sans pudeur; non seulement il prend part l'administrationil pèse de tout son poids sur les délibérations, mais il détourue même l'ad ministration de son but. L'administration des Hospices est de sa nature et doit rester essentielle ment et exclusivement charitable. Mais M1 Carton des menues contrariétés de la vie; quand il se demandait pourquoi elle, qui était d'one nature plutôt violente, était tellement supérieure loi, né pourtant avec toute sortes de dispositions calmes et douces, il se disait au fond de l'âme, que Noémi devait cela surtout ces sentiments religieux, ce mobile puissant qui dirigeait toute la marche de son intelligence et de sa voloDté, ce foyer d'amour que les chrétiens portent au fond de leur coeur pour Dien, pour les pauvres, pour la vérité tandis que lui n'avait d'autre guide que ces bons instincts qui tournent en un clin d'œil, au moindre vent des passions. Pourtant il ne disait pas ce qu'il éprouvait mais sa femme qui suivait d'un regard aiguisé par l'amour les progrès de la grâce dans cette chère âme, en tressaillait de joie chaque jour.Un de ces tres saillements ne fut point assez discret... Emile aperçut qu'il s'était trahi; il entrevit la joie de sa femme a la pensée de sa prochaine conversion... et ce jour là les chances humaines de cette conversion semblèrent disparaître pour jamais. [Pour être continué.)

HISTORISCHE KRANTEN

Le Propagateur (1818-1871) | 1857 | | pagina 2