2 cluit et féconde dans les moyens quelle emploie pour soulager les misères du pauvre, instruire son ignorance et améliorer ses mœurs. Elle voit la jeunesse des deux sexes, et prin cipalement les garçons, négliger l'instruction religieuse, tout juste Cage où le développement de leur raison exige une nourriture plus forte pour leur esprit; elle considère avec douleur, comment ils sont exposés tous les attraits de la séduction, au moment où sans expérience aucune, ils sentent en eux-mêmes s'enflammer le feu des passions La charité chrétienne établit les écoles dominicales et les congréga tions; dans les premières elle joint l'instruction religieuse aux leçons de lecture, de calligraphie et de calculdans les secondes elle offre aux jeunes gens un lieu de réunion, où la récréation honnête suivie de quelques exercices de piété, leur procure un délassement leur travail, affermit leurs sentiments religieux, et les met l'abri des occasions dangereuses qu'ils ren contreraient ailleurs. La charité chrétienne connaît par expérience que tous les efforts employés a l'égard des enfants, pour les instruire, les moraliser, les préserver, sont rendus bien souvent inutiles par l'indifférence, l'insouciance, l'inconduite et les mauvais exemples des parents. Elle va chercher le mal sa racine; elle s'adresse aux pères des familles, les réunit tous les dimanches pour leur apprendre leurs devoirs d'époux, de père chrétien. C'est l'œuvre de la Sainte famille. La mère de famille, la mère de famille pau vre, oh! en elle la charité chrétienne découvre un objet qui émeut puissamment ses entrailles! Entre la charité chrétienne et la mère du pauvre enfant du peuple, il s'est établi un lien mystérieux; d'une part un dévouement sans bornes, d'autre part une confiance illimitée. La mère pauvre, oh! elle souffre tant! Quand le moment arrive de mettre au monde celle faible créature qui est son enfant et celui du bon Dieu, elle regarde autour d'elle! elle ne voit que dénûment, que misères; pas une de ces langes où elle enveloppera l'être que ses entrail les ont porté, ont réchauffépas une petite couche pour l'y déposer! Et pour elle-même, ah! elle ne songe pas elle-même; mais elle est si faible pendant neuf mois elle a du nour rir deux corps; et elle n'a pas eu de quoi en nourrir un seul; maintenant elle ne pourra jouir de l'une des joies que Dieu a réservées pour la compenser de ses souffranceselle sera incapable de nourrir son enfant de sa propre substance Les souffrances, la misère détruisent souvent qui avaient bâte' la fin de Guillaume. Après la mort du fermier, les choses étaient allées de mal en pis. Les hypothèques avaient plu comme grêle sur le modeste héritage, et Snzanne avait été obligée de s'engager pour son frère. Les terres, n'étant plus cultivées par des mains viriles, ne rapportaient plus rien. Enfin, Jacques ayant disparu sans qu'on sût où le retrouver, la ferme avait été vendue par autorité de justice etl'arrivée du nouvel acquéreur, il fallait que Suzanne en sortit. Et votre berger, Étienne Picot? lui dis-je alors pour essayer de la distraire. Elle rougit, et me répondit d'une voix un peu tremblante qu'Etienne s'était fait soldatb l'âge de dix-huit ans; qu'il était depuis sept ans sous les drapeaux, mais qu'elle n'en avait plus de nouvelles, parce queson régiment avait été envoyéen Afrique. Et Etienne, avant de partir, avait-i! appris lire? lui demandai-je. Oh! monsieur, il savait lire, écrire et comp ter; son maître d'école disait qu'il irait loin et dans le cœur de la mère ces sentiments de tendressede dévouement que Dieu y avait plantés, que la foi avait arrosés et qui devaient produire des fruits durables de charité. Sur chargée d'enfantsd'occupationsne songeant qu'au moyen de trouver du pain pour ces pauvres créatures qui lui disent sans cesse mère, j'ai faim la mère a oublié de prier, elle remplit peine ses devoirs religieux, son cœur se dessècheet bientôt elle devient un je ne sais quoi dont on ne trouve pas de ressemblance même parmi les brutes... elle maudit Dieu et ces enfants! La charité chrétienne gémit; mais elle sait que ses larmes ne pourront pas seules faire disparaître une misère si profonde; elle agit et établit l'association de la Maternité, pour réhabiliter aux yeux de la foi et de L'humanité, pour secourir celles que Dieu a associées si intimement la grande œuvre de la propaga tion humaine. Qu'elles sont belles les œuvres de la charité chrétienne; elles sauveront la société, aussi longtemps que la société pourra être sauvée. Et cependantil se trouve des hommes qui méconnaissent son action bienfaitrice, qui en suscitant des obstacles son action humani taire, font couler ses larmes, qui la maudissent, qui excitent le pauvre la défiance envers celle qui l'aime si tendrement et lui porte des secours si efficaces et si désintéressés. Veut-on un spécimen de la sincérité de nos adversairesIl faut seulement considérer leur conduite l'égard de la remarquable étude de M. Guizolintitulée La Belgique et le Roi Léopold en i85y. Ces hommes qui se dressent parmi nous comme les porte-flambeaux de la lumière, qui adressent leurs adversaires le reproche de la cacher sous le boisseau et leur lancent la figure le quolibet d'éteignoirs, il faudrait les voir l'œuvre pour cacher aux yeux du public, la lumière éclatante que le célèbre publiciste français, vient de jeter sur la question de la charité, et l'inconstitutionnelle conduite des libéraux. Leurs grands journaux refusent d'insérer l'écrit de M. Guizot dans leurs colonnes, sous prétexte qu'il est trop long. Ce prétexte peut être une raison pour leurs petits journaux de province; mais ceux-ci n'en soufflent mot, de peur qu'il ne prenne envie leurs lecteurs, de recourir ailleurs, pour le trouver. Qui plus est, le mot d'ordre paraît avoir été donné, de faire disparaître tous les journaux qui reproduisent l'œuvre de M. Guizotde mon pauvre père avait fini par le consulter sur tout. Mais eofin, pourquoi s'est-il engagé? Était- il malheureux ici Celte question fit de nouveau monter la rougeur aux joues pâlies de Suzanne. Elle allait me répou dre, lorsque la porte se rouvrit; oous vîmes entrer un jeune homme en petite tenue d'officier d'infan terie. Suzanne tressaillit, et je me sentis ému sans savoir pourquoi. Mamselle Suzanne, dit-il d'une voix douce, vous ne me reconnaissez pas; je suis votre petit pâtre, Etienne Picot. Suzanne l'avait bien reconnu, mais elle n'avait pas la force de répondre; une larme mouillait ses paupières je voulus venir son secours. Et moi, dis-je h l'officier, me reconnaissez- vous? Vous souvenez-vous de l'orage dans la montagne, et du service que vous me rendîtes? Oh! monsieur, me dit-il avec une émotion profonde, comment vous obliernis- je? Ce que je suis anjourd'hui, c'est vous que je le dois. rompre toute conversation qui roulerait sur ce sujet. Dès que l'on en parle, les orateurs des cabarets imposent le silence, ou débitent les plus grandes absurdités. Le croirait-on? il y a de ces gens qui assurent avec un aplomb imperturbable que M. Guizol a été soudoyé par les Èveques Belges!!! Et les badauds d'y ajouter foi! Telle est la lumière qui éclaire le pays intel- ligenttelle est la richesse d'esprit des hommes qui y appartiennent. Nous publierons ultérieurement quelques extraits du remarquable travail de M. Guizot, l'illustre publiciste français. A considérer la guerre de l'Inde sous le rapport politique et militaire, nous trouvons que l'Europe n'a pas b s'en inquiéter beaucoup, attendu que l'Angleterre seule en subira toutes les conséquences. Mais il est un point de vue qui concerne l'Europe tout entière nous voulons parler de la réaction inévitable que la révolution hindoue exercera sur le mouvement général du commerce et de l'indus trie. Les relations de ce genre de la Grande- Bretagne avec l'Hindoustan sont interrompues; les prochaines nouvelles annonceront une longue série de failliteset maintes combinaisons des spéculateurs seront déjouées. Dès lors se manifes tera sur le marché anglais un trop plein fâcheux qu'on essaiera de déverser sur le continent. Toutes les marchandises destinées l'Asie se replieront sur les places d'Europe, où il est prévoir que la crise ne tardera guère b se faire sentir. Nous croyons devoir soumettre ces remarques b l'esprit prudent de nos industriels et de nos négociants, afin de les préparer aux circonstances difficiles qui ne manqueront pas de se produire cet hiver. Si le pessimisme est blâmable, l'optimisme peut être très-fâcheux, et, en somme, la vérité est toujours la meilleure chose b dire. M. Eugène Sue, atteint depuis plusieurs mois d'une affection de la moelle épinière, vient de mourir b Annecy, b l'âge de 56 ans. Son père et son grand-père avaient pratiqué avec distinction la médecine, qu'il étudia lui-même jusqu'à ce que, vers 1826, il s'adonna b la littérature. Les ouvrages de M. Eug. Sue sont trop connus pour les énumérer dans ces quelques lignes; ce que l'on peut dire, c'est que tous les appréciateurs de son remarquable talent d'écrivain ont déploré la tendance subversive que, depuis le roman de Mathilde, le romancier a donné b ses œuvres. Que reste-t-il maintenant de ces enthousiasmes de l'esprit de parti? M. Ver- haegen, par exemple, ferait-il aujourd'hui, comme il y a dix ans, le voyage de Bruxelles b Paris, afin de remettre, en mémoire du Juif-Errant, une médaille d'or b M. Eugène Sue? aaaîCi» Je l'interrogeai du regard Suzanne l'écoutait avec une expression de douloureuse tendresse sur laquelle je ne pouvais me méprendre. Vous savez, Monsieur, reprit Étienne, que ce fut vous qui décidâtes mon pauvre maître a me laisser aller b l'école? J'y appris tout ce qu'on y enseignait; mais ce n'était pas assez. A mesure que mon esprit s'ouvrait, b mesure qu'y pénétraient des idées nouvelles, je commençai aussi b éprouver d'autres émotions inquiet, agité, malheureux, forcé de cacher b tous les yeux un sentiment dont j'avais peur et honte, je compris que si je voulais échapper b ce qui me torturait le cœur, je devais quitter la ferme et prendre un état qui me plaçât entre ces deux espérances: me distinguer ou mou rir. Je me fis soldat; c'est la, monsieur, que je pus reconnaître l'étendue de votre bienfait; pendant que mes camarades, aussi braves que moi, ne pouvaient avancer, faute de savoir lire, je passai successivement par tous les grades inférieurs. {Pour être continué.)

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Le Propagateur (1818-1871) | 1857 | | pagina 2