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plus tristes épisodes de la crise sociale que nous
subissons.
Le Méphistophélès applaudit vivement a l'avè-
neuieut du cabinet du 9 novembre, et ajoute
Eu attendant avec anxiété le programme du
nouveau miuistèie,il y a un acte que nous voudrions
lui voir poser. La plus belle prérogative qui soit
donnée b un homme, c'est te droit de grâce, dont la
présence des cléricaux au pouvoir a été cause qu'on
en a fait un si sobre usage eu Belgique. Aujourd'hui
qu'une foule d'honnêtes gens gémissent sous
les verrous, et dout tout le crime consiste avoir
pris part, eu mai dernier, b une manifestation b
laquelle le pays entier s'est associé, les nouveaux
ministres coin prendront saus doute l'ingratitudb
qu'il y aurait b garder plus longtemps eu prison des
hommes qui leur ont préparé les avenues
du pouvoir. MM. les ministres ne pourraient
certes inaugurer plus dignement leur avèuement
au pouvoir qu'en sollicitant leur mise en liberté.
Est-il possible de désigner sous une forme plus
caractéristique et plus sanglante, l'origine et la
couleur du ministère, dont l'avénement au pouvoir
a rempli de joie tout ce que notre pays possède.
f.es émeotiers, les incendiaires, les chauffeurs de
Jemmapes ont préparé aux ministres les avenues
du pouvoir
En présence d'une grande majorité conservatrice
nn ministère libéral a été constitué; c'est un pre
mier pas dans la voie inconstitutionnelle où le
pays vient d'entrer et dont le ministère conserva
teur malgré ses défaillances et ses faiblesses s'était
toujours tenu éloigné. Dans cette voie on second
pas sera fait, celui de la dissolution de la Chambre;
mais alors la nation exprimera avec énergie et
légalement toute sa répulsion pour la politique des
loges qui vient de s'imposer brutalement au pays.
Depuis i83o, trois fois une dissolution de l'une
on de l'autre Chambre du parlement a été provo
quée et exécutée par le libéralisme, parce que a
l'aide de la ruse et de l'intrigue il voulait faire
dérailler la machine gouvernementale de la voie
constitutionnelle et fourrer au parlement, sous
prétexte de progrès, des hommes inféodés aux
loges, en opposition avec les idées conservatrices
et ennemis des institutions constitutionnelles.
A chaque avèuement d'un ministère libéral il a
fallu pour contenter et nourrir ses créatures, payer
de nouveaux impôts et subir des abus énormes. Et
toujours ce que le libéralisme avait organisé pour
l'avantage de quelques uns, il fallait le défaire plus
tard, pour le plus grand profit de la généralité.
Mais ce qu'il y a de plus intolérable, c'est la
mauvaise foi du parti libéral qui, pendant qu'on
remettait eu ordre ce qu'il avait désorganisé,
pottraits de famille, une Halle de Chasse par
fVouwermans, tout fut apprécié, chiffré, calculé,
avec l'exactitude et la science d'un contniissaire-
priseur. Puis, reprenant la parole, il dit
Citoyenne, tu sais que je suis venn ici b ta
prière, et un patriote moins éprouvé pourrait être
compromis par une pareille visite. Anssi j'espère te
trouver docile et reconnaissante. Tu sauras qu'il
dépend de toi de sauver la mère.
Oh! monsieur! vous me rendez la vie!
Parlez, que faut-il faire? où faut-il aller?
Doucement, doucement; et nous verrons b
nous entendre. J'ai une proposition b le faire; si
tu l'acceptes, la mère est sauvée; mais ne biaisons
pas; je veux uu oui ou uo non si c'est un oui,
dans peu de jours ta mère sera ici; si c'est nn non,
demain ta mère sera...
Un geste affreux compléta la phrase. Hélène
avait pâli.
Parlez, dit-elle d'une voix troublée, parlez,
et quoi que ce soit, je m'engage b le faire....
Parlez, citoyen.
Eh bien! ma belle enfant, il faut épouser
mon fils Léonidas que voilb. A cette condition, je
sauverai ta inère; sinon, ce soir le jugement, et
demain la guillotine. Choisis!
Hélène était atterrée; il lui semblait qu'elle se
débattait contre un songe terrible; mais la voix
de Bru tus, qui frappa ses oreilles comme nn lugubre
tocsin, lui apprit que le cauchemar était une réalité.
soulevait toutes les mauvaises passions, excitait les
petits amours-propres contre ceux qui réparaient
les fautes commises par les siens, déversait sur le
pays le mensonge et la calomnie, et l'effrayait par
les misérables fantômes des couvents, de la dîme
et de la main-morte.
Il est b croire que l'expérience des années pré
cédentes et celle d'aujourd'hui principalement,
aura ouvert les yeux an pays. Plus que jamais il est
constaté que le parti libéral n'est inspiré que par
la cupidité et l'arbitraire et ne trouve sa raison
d'être que dans l'audace et l'emploi de la force
brutale, tandis que le parti catholique, le seul
national, le seul Belge, est celui qui peut gouver
ner le pays, en maintenant la Constitution et les
libertés qu'elle garaotit.
<s i
LE NOUVEAU CABINET.
Le ministère de témeute est formé. Il s'im
pose au pays comme une des nécessités fatales
sorties des concessions faites t émeute au mois
de mai. La logique de la force brutale aidée de
la logique de C impuissance volontaire a amené
ce résultat.
C'est le cabinet du 12 août qui renaît de ses
cendres. Il ne ressuscite pas dans les formes
constitutionnelles qui du moins avaient présidé
extérieurement sa formation en 1847. Des
influences extra-légales ont vicié l'atmosphère
du gouvernement. Elles ont troublé la vue mê
me des sages et des forts. Force et sagesse ont
disparu en même temps. Depuis le mois de mai
l'esprit de vertige et cVerreuravant-coureur
de toutes les décadences, est partout.
Les ombres du 1 2 août ont repris chair et os,
pour venir briser, contrairement aux maximes
fondamentales du gouvernement représentatif
une majorité certaine dans l'une et dans l'autre
Chambre. Ce n'est ni par voie électorale ni par
voie parlementaire que le prodige, hier invrai
semblable, s'est opéré. Non. La chose s'est faite
dans les ténèbres, t'insu de tout le monde,
sans nécessité politique, en dehors de toutes les
convenances gouvernementales.
Aucun membre de la majorité n'a été con
sulté cela aurait dû être, ne fut-ce que pour
sauver les apparences; mais cela n'a pas eu
lieu. Nous sommes tentés de nous en féliciter,
car du moins les hommes de la majorité parle
mentaire sont purs de cette faute immense. Ils
n'ont pas même été mis en position de s'expli
quer. Aucun d'eux ne sera responsable de ce
qui s'est fait.
Et ce qui vient de se faire c'est la traduction
en style officiel du cri anarchique de V émeute
A bas la majorité! vive la minorité! La minorité
est constituée d'office étala sourdine, la veille
de la réunion obligatoire des Chambres, en
Je te donne cinq minutes de réflexion. Après,
un oui, ou un non; je n'écouterai ni si ni mais.
Hélène se leva avec dignité.
Je ne vous ferai pas attendre ma réponse,
dit-elle recevez ma promesse de devenir la femme
de votre fils; b votre tour, engagez-moi la vôtre.
Je te jure que je délivrerai ta mère le jour
de la noce.
Monsieur, dit Hélène avec une indignation
contenue, pourquoi me tenir en suspens? Rendez-
moi ma mère aujourd'hui, puisque vous en avez le
pouvoir; ma parole vous est engagée et j'y serai
fidèle.
Ouais! Pour que vous passiez la frontière eu
vous moquant de ma bonhomie, n'est-ce pas? et
en laissant ce pauvre I.éonidas veuf avant la noce.
Nenui, cela ne sera pas... Voyons!... c'est aujour
d'hui primididans dix jours vous pourrez être
mariés; la mère sortira de prison le jour de votre
mariage... Il nous faudra ton acte de naissance...
Comment t'appelles-lu?
Hélène, répondit la triste enfant.
Hélène! uu 00m de sainte, un nom de l'ancien
régime... Cela me déplaît... Tu es comme mon
Léonidas, qui s'appelait jadis Pierre-Autoine;uiais
nous te rebaptiserons comme lui, et lu seras a
l'avenir Clélie-Lucrèce Gracier.
Ces mots, ce nom surtout, firent un mal affreux
b Hélène; il lui semblait qu'une barrière s'élevait
entre elle et le doux passé, entre elle et ses char-
ministère extra-constitutionnel pour écraser b
priori, par tous les moyens possibles, la majo
rité constitutionnelle. C'est le vaste holocauste
qu'ont toujours rêvé quelques hommes de la
minorité, objet d'effroi dans le pays, objet de
défiance en Europe.
Toutes nos prévisions depuis le 3o mai se
trouvent vérifiées. Ceux même, qui se rejusaient
nous croire sont les victimes désignées pour
le sacrifice. Mais le passé s'efface devant l'ave
nir sombre réservé la Belgique. Le cabinet
du 3o mars s'est enseveli volontairement dans
son suaire. Plaignons-le et plaignons surtout
le pays sur lequel un a déchaîné le vent des
révolutions.
Le pays est livré en proie la franc maçon
nerie. Elle triompheelle règne, elle gouverne
déjà, celte heure. Son premier acte est natu
rellement la dissolution parlementaire. Elle
dissoudra partoutelle dissoudra toujours
jusqu'à ce qu'elle se dissolve elle-même dans
Vivresse de ses passions désordonnées.
Il n'y a qu'une chose qu'on nn parviendra
pas dissoudre, même en combinant toutes les
persécutions avec toutes les défaillances de la
pusillanimité. C'est la vérité catholique, car
elle vient de Dieu et elle a ses racines dans les
coeurs. Tous nos efforts doivent tendre a la
sauver au milieu des épreuves qui nous sont
réservées. Nos adversaires prévalent parce
qu'il est notoire qu'au besoin ils ne reculeraient
pas devant la force brutale. Nous sommes sa
crifiés parce qu'on nous sait moralement inca
pables de conspirer et de recourir la violence
Quoi qu'il arrive, notre foi, nos convictions,
notre respect sincère pour le Roi, pour les insti
tutions, pour tordre, nous retiendront toujours
dans les limites de la légalité. Mais tous les
moyens quelle nous fournit pour maintenir
nos droits, nous les emploierons, c'est notre
devoir, nous les emploierons avec courage et
persévérance. (Journal de Bruxelles.)
La partie que vient d'engager le libéralisme est
une partie sérieuse, nos institutions en sont l'enjeu
aussi les catholiques belges n'y peuvent point res
ter indifférents. D'ailleurs, comme le dit très-bien
uo journal français La masse de la nation est
avec eux; si elle paraît hésitante, c'est que leurs
chefs n'ont pas tenu haut et ferme le drapeau qu'ils
leur avaient confié. A tout prendre, et quoique
considérablement affaiblis, ils n'auront pas une
meilleure occasion de se relever; ils sont organisés,
leurs libertés sont intactes. Attendront-ils que les
libéraux se soient emparés des positions officielles et
aient ajouté la force du pouvoir b la force qu'ils pui
sent dans les passions anti-religieuses? Ce qu'ils
voient et ce qu'ils éprouvent, nous l'avons vu et
mantes espérances. Elle dit en son cœur un morne
adieu b l'aveuir qu'avait rêvé sa jeuoesse, et se
courba, triste et résignée, sous le joug fatal qu'ou
venait de lui imposer.
Au moins, dit-elle b Granier, pourrai-je voir
ma mère tous les jours?
Noos verrons cela.
Monsieur, vous le voyez, je suis soumise b vos
volontés, je vous abandoune ma vie et ma fortune...
et je vous demande cette seule grâce... me la
refuserez-vous?
Eh! eh! demande cela b Léonidas; il peut
beaucoup auprès du citoyen Lebon.
Elle se tourna avec un geste de prière vers le
jeune homme, et rencontra ses yeux fixés sur elle
avec une attention profonde. Il avait adopté sur ce
mariage, qui devait les enrichir tous deux, les idées
cupides de son père; mais en voyant Hélène si belle
et si triste, quelque chose de plus tendre s'était ému
en lui, et il l'avait désirée pour elle-même.
Mademoiselle... citoyenne... balbutia-1-il, je
ferai de mon mieux pour vous apporter celte
permission...
Sans doute, mon garçon, il faudra venir faire
ta cour; moi je veillerai b ce qu'on rédige le con
trat. Sans adieu, ma bru, je vous reverrai avant la
fin de la décade.
Ils sortirent tous deux; mais Léonidas semblait
s'en aller b regret.
[Pour être continué.)