41me Année. Samedi 19 Décembre 1857. fljo 4,197.
TPF.ES, 19 Décembre.
AUX CATHOLIQUES.
Qu'avonstiotrêBelges catholiques, con
clure du résultat des dernières élections?
Que le pays est catholique; qu'il veut
une politique constitutionnelle et conser
vatrice la hauteur de sa mission; qu'il
est momentanément violenté, opprimé par
un libéralisme bâtard, qui le mènerait sa
perte, si la Belgique pouvait périr.
Les libéraux, hommes de désordre ont
obtenu une forte majorité numérique de
députés pourquoi?
Parce que les élections se sont faites
dans une situation complètement fausse et
anormale; elles ont eu lieu sous l'impres
sion des déclamations et des calomnies
contre la loi des pauvres dite des couvents
sous le coup des souvenirs de l'émeute de
Mai, des injures, des violences et des pavés
de celte époque honteuse sous le coup de
l'humiliation du Parlement, de la faiblesse
du ministère, de la dissolution des Cham
bres, de la répudiation injuste de l'opinion
catholique.
Parce que des menaces de nouveaux
désordres et de révolution, n'étaient que
trop répandues pour intimider les faibles
et les pusillanimes, parcequ'ainsi bon
nombre de conservateurs redoutaient de
remporter la victoire, désiraient secrète
ment d'être battus, et faisaient plus que se
résigner d'avance une défaite.
Parce que le parti de l'ordre et de la
conservation, le parti catholique, avait été
mal servi par les hommes au pouvoir
parce que abandonné et injustement hu
milié, il avait senti le découragement
pénétrer dans son sein: que le mot absten-
LE PROPAGATEUR
pour la ville 6 fr. par an, pour le dehors fr. 7-50 par
fr. pour 6 mois, 2-50 pour FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. an, 5 fr. pour 6 mois, 2-75
trois mois. pour 3 mois.
revue politique.
Abstraction faite des luttes électorales dont
la Belgique et la Sardaigne viennent ces jours-
ci d'éprouver la fiévreuse agitation, il doit
sembler l'observateur indifférent et superficiel
que, d'un bout l'autre, du Continent européen,
un calme plat s'étend la surface du monde
politique. Mais sous ces apparences trompeuses,
sous cette espèce de torpeur, de lassitude et
d'ennuil'œil que n'oblitèrent pas les passions
et les préjugés ou un bonace optimisme, ne
tardera pas reconnaître que le feu des révolu-
lions couve sous la cendre, que les mauvais
instincts sont en éveil, les têtes en pleine ébullir
tion. Chez les nations monarchiques le fcras
robuste du Pouvoir relègue en quelque sorte
dans l'ombre les suppôts du désordremais
l'esprit, qui les anime, se traduit au grand jour
dans ce redoublement de haines, de calomnies,
d'attaques'incessantes et tracassières dont la
Religion et ses ministres sont l'objet. Pour se
manifester davantage, pour en venir aux voies
de fait, il ne manque la révolution qu'une
occasion propice. Tardera-l-elle longtemps cette
occasion se présenter? La grande crise indus
trielle et financière a jeté dans tout le nord de
l'Europe, la perturbation dans les affaires,
inquiétude dans les esprits; elle a lancé sur
le pavé, nommément en Angleterre et en Alle
magne, des milliers de travailleurs sans ou
vrage. Qui ne conçoit tout le parti que les
fauteurs de troubles pourraient éventuellement
tirer de cet état de choses?
Entre-temps ils s'agitent plus ouvertement
qu'ailleurs, en Suisse, en Piémont et en Belgi
que, et, chose remarquable, dans chacun de ces
trois pays, il semble qu'ils se soient donnés le
mot. En politique ce qu'ils veulent, c'est le
monopole du pouvoir entre les mains du pseudo
libéralisme par suite, la domination des villes
sur les campagnes et la centralisation de tous
les pouvoirs au détriment des franchises pro
vinciales et locales.
Ainsi, les radicaux de la Suisse songent
LA COMPAGNIE DES INDES ORIENTALES.
(Suite Voir le n° 4»°9^ du Propagateur.)
Pour son administration, la Compagnie tient des
assemblées générales dans lesquelles tout proprié
taire d'actioDS dont le capital forme mille livres
sterling a droit de voter s'il les possède depois un an.
Ces propriétaires nomment les directeurs, au
nombre de trente quatre, y compris le président et
les secrétaires, qui sont en place quatre ans et peu
vent être réélus. Six directeurs sortent de place
tous les ans, et oo en nomme de nouveaux. On ne
saurait être directeur si l'on ne possède pas pour
30,000 livres d'actions. Les directeurs sont obligés
de s'assembler une fois par semaine, ou plus souvent
si les circonstances l'exigent. Outre ceux-ci, il y a
les comités pour les achats, la correspondance, la
comptabilité, le fret et l'équipement des vaisseaux,
le contentieux et le maintien des privilèges de la
Compagnie. Trois mille livres sterling doouent
deux votes; six mille, trois; dix mille, quatre.
La possession de quelques comptoirs, de quel
ques factoreries rte fut pas longtemps capable de
briser l'union Jédérative des vingt-deux
cantons et centraliser leur profit le droit
séculaire que chaque camion possède d'adminis
trer sa guise ses affaires intérieures. Cet
habile expédient permettrait au radicalisme
d'intervenir chez les cantons catholiques, d'y
faire la loi et surtout de tracasser le catholicisme
là où il fouit encore de ses droits et de sa liberté.
Ainsi encore, dans lés Etats Sardesle minis
tère libéral dont le scrutin a trompé les espè-
raneesne paraît point éloigné de dissoudre une
seconde fois la Chambre, plus désireux de
ressaisir sa majorité qu'attentif la voix de
l'opinion et soucieux d'y correspondre. Aussi
établit il une distinction ingénieuse, quant
leur portée respective, entre les élections catho
liques de la Savoie et dé Gênes et les élections
pseudo- libérales du Piémont.
Les libéraux Belges, leur tour, n'ont jamais
entendu autrement la signification, la valeur
du scrutin électoral dont ils estiment si haut les
décisions lorsqu'elles tournent leur avantage,
et qu'ils déclarent inintelligent alors qu'il les
condamne. Sur le terrain religieux encore,
similitudeidentité de tactique, de but, de mot
d'ordre chez les libéraux des trois pays. Guerre
anx couvents! Les ordres monastiques formant
l'avant garde du catholicisme, il est tout sim
ple, tout rationel que l'attaque commençât de ce
coté. D'ailleurs il se rencontre toujours de ces
catholiques accommodantséquivoques, l'in
telligence obtuse, qui se disent qu'après tout les
communautés religieuses ne sont pas si essen
tielles au catholicisme que tÉglise ne puisse
subsister sans elles. Et ce n'est pas qu'ils aient
tort absolument; mais il serait tout aussi vrai
de dire qu'un arbre peut continuer vivre
dépouillé de son feuillage, un homme privé de
ses membres, sans bras et sans jambes, sans
yeux et sans oreilles.
En Suisse donc, on expulse les corporations
religieuses, comme on ferait d'une bande de
perturbateurs publics, témoins les héroïques
hospitaliers du Grand Saint- Bernard.
En Sardaigne, on les dépouilleon les spolie
En Belgique, où il y a si peu de choses
prendre aux couvents que ça n'en vaut pas la
satisfaire l'ambition, et plus encore, l'avidité de
cette réunion de marchands. Elle persuada au
gouvernement que, pour assurer son commerce, il
était nécessaire qu'elle possédât un territoire.
Dès lors, on déclara la guerre aux princes de
l'Inde; ou s'engagea daus des luttes longoes,
terribles, et par la trahison, l'or, la perfidie, la
violence, on parvint former, comme le dit un
Anglaisun empire marchand dans un empire
royal.
Ceux qui avaient poussé la Compagnie dans ces
guerres espéraient sans doute qu'elle retirerait
d'immenses profils des conquêtes qui en étaient la
cooséquence; mais si l'or des souverains et des
penpies entra dans ses coifres, si les employés
chargés de pressurer les malheureux Indiens s'en
richirent, les charges de la Société augmentèrent.
Il fallut entretenir des armées, construire des forts,
veiller leur défense, leur conservation, et pour
voir une foule de dépenses extraordinaires.
Le commerce de l'Inde a fait les plus grands
progrès. Les importations en Chine et dans d'autres
parties de l'Asie sont devenues considérables, et
jamais, cependant, la Compagnie n'est sortie de
peine, une importante fraction du libéralisme
prétendu constitutionnel, ne demande pas mieux
que de changer la Constitution en haine de la
liberté d'association quelle consacre.
l'embarras dans lequel elle se (rouve depuis
longtemps. Ceux qu'elle emploie sont gorgés de
richesses, et elle est pauvre. Sa mauvaise adminis
tration peut donc seule expliquer de si singulières
contradictions.
L'histoire de la Compagnie n'offre qu'un horri
ble tableau de la dépravation humaine, de la
tyrannie. C'est un contraste complet avec cette
haine du despotisme, cette générosité, cet amour de
l'humanité dont les Anglais se vantent avec tant de
complaisance.
Leur puissance dans l'Iode devint colossale
lorsque les Français, trop occupés sur le continent,
ne purent jeter sur cette contrée, où ils étaient
aimés, estimés, où ils ont laissé de bons souvenirs,
qu'un regard de regret. Ne voyant plus de bornes
leur ambition, les Anglais ouvrirent la porte
tous les abus.
Les déprédations, les injustices, les extorsious de
toute espèce furent exercées sur les Indiens. La
Compagnie, qui était peut-être fort innocente de
tant de cruautés, porta seule la hoDte des crimes de
ses agents. Déshonorée par eux, elle déshonora
son tour la nation, et le gouvernement fut obligé