contre la vie de l'empereur, alors cette foule, par nn élan unanime et admirable, se précipita vers la voiture de LL. MM.: chacun voulait sauver, au prix de sa propre vie, l'existeoce de son souverain. La jeunefillecitée parmi lesmorts, est une pauvre enfant de 9 a 10 ans. Elle a reçu les premiers soins d'uu jeune médecin, le docteur Dreyfus, qui se trouvait par hasard dans une maison de la rue Lepeletier. Cette enfant était venue avec sa sœur, âgée de onze b douze ans, pour voir passer I empe reur. Elle a reçu une projectile dans la poitrine. Transportée chez un pharmacien dont la boutique a été aussitôt transformée en ambulance, cette jeune fille a été examinée par le docteur Dreyfus. Ce médecin arracha aussitôt les vetements de la jeune fille et aperçut la blessure, qui, pour un œil moins exercé, ne paraissait offrir aucune gravité; mais le jeune praticien, qui a fait partie de I expédition de Crimée, était trop habitué aux blessures de ce genre pour ne pas voir b l'instant même que l'état de la blessée ne laissait aucun espoir. L'air que respirait cette jeune fille au lieu de communiquer avec les poumons, s'échappait par cette ouverture, large tout au plus comme une pièce de 1 franc. Les parents, préveous aussitôt, vinrent chercher la pauvre petite fille et l'emmenèrent chez eux sans se douter que quelques minutes après leur douleur se changerait eo deuil. Cette enfant, qui paraissait appartenir b la classe la plus pauvre de la société, ne prononça qu'une seule parole. Lorsque le doc teur Dreyfus arracha son corsage, un sentiment instinctif de pudeur lui fit porter ses petites mains sur sa poitrine, at elle s'écria: Laissez-moi laissez-tnoi! Ce furent les seuls mots qu'elle eut la force de proférer. L'empereur et l'impératrice ont fait dans la journée de vendredi une promenade en voiture découverte, et ont parcouru, sans escorte, les bou levards, où ils ont reçu l'accueil le plus enthousiaste. De là, ils sont allés b l'hôpital du Gros-Caillou visiter et consoler les blessés qui faisaient partie de l'escorte. Une personne qui a vu aujourd'hui la voiture dans laquelle étaient LL. MM., mercredi soir, raconte que cette voiture est criblée par les projec tiles; qu'elle est entièrement hors de service: les ressorts sont brisés, les roues endommagées et la caisse défoncée. Une coïncidence qui est de nature b frapper tous les esprits, c'est que, en i855, peu de jours avant l'attentat de Pianori, Mazzini avait publié un mani feste. Un manifeste émané du même Mazzini a paru le 9 janvier, et le i4, Pierri commettait son crime - Samedi, b midi, un service d'actions de grâces a été célébré dans la chapelle des Tuileries par Mgr l'évêque de Nancy, premier aumônier de LL. MM. Peu de temps après la catastrophe, on arrêtait, dans un café voisin, un homme dont l'émotion et et les incohérences de langage avaient attiré les soupçons. Cette seconde capture mettait sur les traces des deux autres complices. L'un était pris dans le domicile même de Pierri, qu'ou était par venu b connaître, et l'autre dans un appartement de la rue Monthabor. Ce dernier, qui a été arrêté par M. Bellanger, commissaire de police du quar tier de la place Vendôme, dont on ne saurait trop louer le zèle intelligent, paraît être le chef du complot. C'est le nommé Orsini. Orsini était dans son lit, la tête blessée et cou verte de bandes. Il avait pris un nom anglais, et prétendit d'abord qu'il était né de l'autre côté du détroit. Mais son accent italien ne loi permit pas de soutenir son mensonge. Une perquisition faite sur loi, fit découvrir uoe ceinture qu'il portait autour des reins et dans laquelle se trouvait une somme de 8,000 fr. en or et en banknotes, Il avait eu, en outre, la précaution d'acheter un cheval pour se préparer un moyen de fuite dont ses blessures, sans doute, ne lui ont pas permis de profiter. Orsini est un avocat né dans les Etats-Romains. Il avait été détenu dans les prisons autrichiennes pour meurtre politique. Il s'était enfui b Londres, et il avait imaginé, pour se créer des ressources, de faire des lectures accompagoéesde discours révolu tionnaires. On sait, d'ailleurs, que ces quatre misérables avaient organisé leur complot b Londres, et qu'ils étaient arrivés a Paris l'un après l'autre, Orsini depuis trois semaines, Pierri depuis deux jours seu lement. Les projectiles dont les assassins se sont servis pour leur exécrable attentat, étaient en fonte douce d'environ 2 centimètres d'épaisseur; la forme était b peu près celle d'une grosse poire. La surface était hérissée d'une trentaine de capsules, pouvant éclater au moindre choc. L'intérieur du projectile était rempli de poudre très-substile. C'est l'enve loppe extérieure quien se brisant, a formé cette mitraille dont un si grand nombre de personnes ont été frappées. Afin de dissimuler l'éclat de fer poli de ces bombes les auteurs de l'attentat les avaient enveloppées d'une étoffe de coton noir. L'empereur et l'impératrice ont été atteints b la figure, mais très-légèrement. M. de Morny, dans un discours énergique, a exprimé son étonnement que des scélérats pussent organiser dans des pays alliés des complots tels que celui qui vient d'éclater. S. M. a répondu qu'Elle ne s'écarterait pas de sa modération habituelle dans les rapports diplomatiques. L'empereur a ajouté qu'il concerterait avec le Corps législatif les mesures propres b sauvegarder la tranquillité publique. o ■- Un grand nombre de sénateurs et de députés soot arrivés b Paris. Ils ont laissé les départements sous l'impression douloureuse et indignée de l'at tentat du i4 janvier. Aussi peut-on dire que le discours si brièvement énergique prononcé le 16 par M. le comte de Morny, traduit exactement le sentiment public en France. Dans tous les rangs de la population, du salon patricien b l'atelier indus triel et au magasin du négociant, de la boutique de l'artisan b la métairie du cultivateur, il n'y a qu'un vœu, qu'une voix, qu'une protestation dictée b la fois par le patriotisme et par la prévoyance géné rale et privée. Tout le monde demande qu'on en finisse avec les assassins; c'est-à-dire qu'il ne soit plus permis b une poignée de scélérats de fomenter paisiblement, sous l'abri d'une hospitalité abusive, des forfaits pareils b celui qui vient, une fois de plus d'épouvanter la France et le monde. C'est d'ailleurs Ib une question qui ne nous inté resse pas seuls. Le séjour des sectaires anarchiques dans un pays étranger n'est point sans péril pour le maintien des doctrines paisibles, pour l'union des classes sociales, pour le respect des institutions et même, pourquoi ne le dirais-je pas?pour la sécurité et la durée des dynasties. Quant aux moyens b employer, c'est l'affaire des gouvernements; et je crois, avec beaucoup de personnes qui se targuent d'être aussi humaines que certains professeurs de fraternité républicaine, je crois, dis-je, qu'il est très-possible et très-facile d'éteindre les foyers de conspiration tolérés près de la France, sans porter atteinte aux droits de l'hu manité. Le malheur, quelque volontaire qu'il soit, est une chose respectable; mais b une condition cependant c'est qu'on ne s'en fera un titre ni pour organiser contre son propre pays des projets crimi nels, ni pour préparer l'incendie sur la terre qui vous recueille, dans l'espoir qu'il sera propagé au- delb de la frontière par le vent des révolutions. L'instruction relative b l'attentat du i4 se pour suit sans discontinuer. Elle demeure dans les con ditions de secret nécessaires aux investigations de la justice, et qui rendent au moins fort dubitatives les nouvelles données par certains journaux ou cor respondances. Deux points toutefois sont hors de conteste premièrement, le complot a été organisé b l'extérieur, avec le concours sinon sous la direc tion des principaux réfugiés socialistes; seconde ment, les exécuteurs du crime (au nombre de quatre seulement et sans qu'on leur connaisse jusqu'ici de complices) sont tous étrangers b la France, tous aussi éloignés de leur pays b cause de la violence de leurs opinions et de la part qu'ils ont prise b des événements révolutionnaires. Celui des accusés qui prend le nom de comte Orsini affecte, dans son langage, un grand dédain pour Pierri, son compa triote; il a demandé b avoir avec lui son domesti que, impliqué comme prévenu, ce qui lui a été refusé. Pierri montre beaucoup de calme. Il n'en est pas de même de da Silva (le Portugais) et de Cornez, le serviteur d'Orsini; tous deux montrent l'anxiété la plus bruyante. Un grand nombre de témoins ont été entendus hier et aujourd'hui. L'explosiou la plus forte a eu lieu sous la voiture dans laquelle se trouvaient l'empereur et l'impé ratrice. Un des chevaux, percé de trois projectiles, tomba aussitôt. La portière par laquelle l'empereur et l'impératrice s'apprêtaient b descendre était faussée et ne pouvait s'ouvrir. On eut uoe certaine peine b pouvoir faire sortir LL, MM. de la voiture. M. le directeur de l'Opéra, qui, selon l'usage, était venu audevant de LL. MM., voulut soutenir l'impératrice, qui, le remer ciant gracieusement pour le bras qu'il lui offrait, répondit Montrons leur que nous avons plus de courage qu'eux. Cependant, l'empereur, avec nn calme admi rable, s'était mêlé b la foule et donnait des ordres pour faire enlever et soigner les blessés qui se trouvaient étendus par terre. En cet instant on s'aperçut que S. M. avait été légèrement atteinte b la joue par un éclat de vitre. Son chapeau était percé d'un projectile. Le général Roguet, aide-de-camp de l'empereur, qui accom pagnait S. M. et qui était blessé au cou, intervint avec les hommes de l'escorte pour dérober l'empe reur b cette scène navrante. Le sol était humecté de sang, et quelques-uns des blessés couchés par terre. S. M., avant d'entrer b l'Opéra, donna elle-même l'ordre de prodiguer aux victimes tous les soins nécessaires. On rapporte encore qu'après sa descente de voiture, S. M. l'Impératrice dont le courage s'est montré égal b celui de l'Empereur, aurait dit, en prenant le bras de M. Alphonse Royerdirecteur de l'Opéra, qu'une satisfaction lui avait été donnée dans ce terrible événement celle d'avoir partagé le danger de l'Empereur. Une dame qui se trouvait sur les marches du péristyle de l'Opéra parait avoir été préservée par sa crinoline et la multiplicité de ses jupons; la robe, la crinoline et les jupons ont été perforés par un éclat de bombe, mais le projectile s'est arrêté sur la cuisse, la dame en a été quitte pour une forte con tusion. Jusqu'à présent, on ne cite aucun nom français parmi les promoteurs de l'assassinat. On parle d'un quinzaine d'arrestations. Les principaux chefs pa raissent être Pierri, arrêté avant le crime, le comte Orsini, Florentin qui habitait Paris depuis assez longtemps sans dissimuler ses opinions exaltées, son domestique et un noble vénitien. Les détonations avaient eu lieu, les blessés étaient enlevés, un quart d'heure s'était écoulé et les lanciers étaient encore au port d'armes comme b la parade. Y a-t-il quelqu'un de blessé? dit l'officier. Moi, dit un lancier en portant la maiu

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Le Propagateur (1818-1871) | 1858 | | pagina 3