41 me Année. Samedi 24 Avril 185S. A° 4,233.
FOI CATHOLIQUE.
CONSTITUTION BELGE.
7??.S5, 24 Avril.
LIBERTÉ D'INSTRUCTION.
pour la ville 6 fr. par an,
4 fr. pour 6 mois, 2-50 pour
trois mois.
pour le dehors fr. 7-50 par
an, 5 fr. pour 6 mois, 2-75
pour 5 mois.
revue politique.
L'acquittement de Bernard et surtout les
manifestations déplorables dont il s'est vu
l'objetdela partdu public anglaisne sauraient
manquer de diviser plus profondément que
jamais les anciens alliés de la guerre d'Orient.
L'Uni sers, qui n'aime pas l'A ngleterre, apprécie
sa conduite avec, sévérité et fait ressortir tout ce
quelle a d'immoral et d'injurieux pour la
France. Le Moniteur et le Constitutionnel tien
nent un langage plus circonspect et s'expriment
avec une réserve évidemment calculée. Ces
journaux semblent prendre au sérieux les pro
testations fallacieuses d'amitié de certaines
feuilles britanniques. Gardons l'injure,s'écrie
ce propos /'Univers, dévorons-la s'il le faut,
plutôt que de nous abaisser recueillir ces
satisfactions dérisoires
Quelques journaux anglais ont respecté les
convenances dans cette affaire mais il n'en esl
pas de même de tous. C'est ainsi que le Times,
qui passe pour refléter le mieux les tendances
de l'opinion et le caractère national, ne voit
dans l'empereur Napoléon 111 qu'un conspira
teur comme un autre, envers qui Orsini et ses
complices n'avaient voulu qu appliquer la peine
du talion. Pourquoi donc, dit-il, Bernard,
en le supposant même coupable, serait-il jugé
d'après les règles sévères de la morale anglaise?
Que les Français s'arrangent chez eux comme
ils l'entendent. La république était au pouvoir,
et elle a été renversée par la force l'empire
lui a succédé, et on a cherché renverser l'em
pire. A quoi bon pervertir nos lois et souiller de
sang nos tribunaux pour protéger une faction
sans scrupules contre une autre?
L'expérience de M. Edivin James l'a en-
gagé traduire sa défense du prisonnier en
une tirade contre l'empire, contre son chef et
son origine, et la conclusion de cette harangue
a été accueillie par des acclamations et des
applaudissements. Le résultat de toutes ces
influences a été que le jury a profilé d'un léger
défaut de preuves pour rendre un verdict d'ac
cord avec ses sentiments politiques et avec la
répugnance que lui inspirait la cause véritable
de la poursuite.
Aussi est-ce juste titre qu'on l'a dit. Ce
n est pas au point de vue de la vérité et de la
justice que se sont placés les jurés anglais, c'est
au point de vue de la politique et des passions
du moment. Au scandale du verdict a succédé
le scandale des manifestations dans le prétoire
dans les rues, dans la presse. Quelques quar
tiers de Londres ont été illuminés le soir de
l acquittement. Une souscription s'organise,
ce qu'on assure, pour répandre ci deux millions
d exemplaires le discours de l'avocat James,
qui semble être un brûlot destiné embraser la
France et l'Angleterre. Il n'y a donc pas s'y
tromper, dit le Courrier de Paris ce n'est point
a Bernard présumé innocent qu'on a jeté ces
cris de joie d ces applaudissements frénétiques',
c'est Bernard, instigateur et complice de
l'attentat du i4 janvierBernard acquitté
quoique coupable.
Ces manifestations hostiles acquièrent d'ail
leurs un caractère plus profond de gravité en
ce qu elles coïncident avec l'arrivée sur le sol
britannique du nouvel ambassadeur de France,
le maréchal duc de Malakoff. L'Angleterre, si
jalouse de son honneur, devrait ménager davan
tage celui d'une autre nation surtout lorsque
cette nation est la France. De leur accord
résulte la paix de l'Europe.
instruction primaire gratuite.
Dans un article précédent nous avons démontré
que d'après la loi du 23 septembre i842, la com
mune est tenue de donner l'instruction gratuite aux
enfauts pauvres dont les parents en font la de
mande; que dans ce cas le père de famille pauvre
n'a pas le choix de l'école; mais nous avons aussi
fait observer que du refus de faire ce choix, le
Conseil communal conclut faussement au droit
qu'il aurait lui-même d'imposer généralement
l'instruction gratuite aux enfants des parents
pauvres qui ne la demandent pas.
Passons maintenant l'examen de la seconde
hypothèse que permettent de faire les dispositions
légales d'où il ressort que les parents pauvres ont
le droit de réclamer l'instruction gratuite pour
leurs enfants uous l'avons exprimée eu ces termes
Si les parents pauvres ne font pas usage du droit
qui leur est accordé par le 2° de l'art. 5 de la loi
sur l'instruction primaire, c'est-à-dire, s'ils ne
demandent pas l'instruction gratuite pour leurs
enfants, quels sont dans ce cas les devoirs et les
droits de la oommuue envers ces parents et ces
enfants?
Le Conseil communal répond
Que par l'intermédiaire des administrations
charitables qui dépendent de lui, il a le droit et
le devoir de forcer les parents pauvres envoyer
leurs enfants l'école communale, au moyen du
refus de secours.
Exposons d'abord la signification de la résolu
tion prise par le Conseil communal, l'exécution
de laquelle il invile les administrations charitables
de veiller plus attentivement que jamais; voyons
quelles conséquences doivent nécessairement en
découler; et puis, nous examinerons les motifs sur
lesquels le Conseil communal base son opinion.
Quand les parents pauvres secourus par les
administrations, ne réclament pas l'instruction
gratuite, les forcer faire inscrire leurs enfauts sur
la liste et les envoyer l'école, sous peine de se
voir rayer des listes de secours, c'est rendre pour
le pauvre l'instruction obligatoire.
En effet pour déclarer l'instruction primaire
obligatoire, comme le veulent quelques progres
sistes, il ne suffirait pas d'intimer aux citoyens
l'ordre d'envoyer leurs enfantsà l'école; il faudrait
de toute nécessité joindie cet ordre une sanction
pénale; car une loi n'est complète que iorsqn'après
avoir formulé l'injonction de faire ou de ne pas
j faire, elle édicté une peine contre quiconque ne
s'y conformerait pas. Elle n'a pas d'autre moyen
pour se faire obéir.
Or, cette sanction pénale requise pour rendre
toute loi complète, n'est-ce pas dans le cas dont il
s'agit, le refus de secours de la part des administra
tions, qui établissent ainsi pour le pauvre et lui
appliquent contrairement l'art. 9 de la Consti
tution, une peine qui n'existe pas en vertu d'une
loi formelle?
En effet l'on ne saura nier que le refus de
secours, ne soit une peine sanctionnant l'ordre
généralement appliqué au pauvre d'envoyer son
enfant l'école, d'autant plus dure qu'elle l'expose
la torture de la faim et des privations, en atta
quant le sentiment de l'autorité paternelle et du
droit de famille. Le refus de secours temporaire ou
définitif, n'équivant-il pas pour le pauvre,
l'amende, la contrainte par corps? N'est-il pas
une peine plus afflictive encore?
Or, l'acte du chef de famille pauvre qui croit,
pour des motifs lui connus, ne pas devoir en
voyer son enfant l'école communale afin d'y
recevoir l'instruction, ou qui ne veille pas ce
qu'il la fréquente, est-ce un crime, est-ce un délit
prévu par la loi civile?
Certes, en matière d'éducation le père de famille
a des obligations très-graves. Dieu par la voix de
la nature a dooné son mandat; la société a donné
v
le sien; sans doute le père est responsable envers
Dieu, responsable envers la société; il l'est aussi
envers son enfantmais responsable seulement
comme on l'est dans la sphère où son mandat
s'exerce, c'est-à-dire dans l'ordre moral. Aucune
peine afflictive de quelque nature qu'elle soit, ne
saurait lui être appliquée par les lois des hommes,
titre de réparation ou de répression. S'il ne fait
pas un bon usage de son autorité, c'est un ma) sans
doute; mais l'inquisition sociale ou l'intervention,
en pareille matière du pouvoir, sons quelque forme
que ce soit, de la commune ou d'une administra
tion qui la représente, est un mal plus grave encore.
Sans doute, il importe la société que les
conuaissauces élémentaires soient généralement
répandues, que les enfants du pauvre soient rnora-
lisés par l'instruction aussi bien que par tout autre
moyen; mais il ne lui importe nullement que les
pères aient pour les procurer leurs enfants d'autre
mobile que leur devoir naturel et leur conscience,
que leur tendresse et leur intérêt propre; il ne lui
importe pas non plus que tel enfant ou tel enfant
y participe ou n'y participe pas. Elle peut se repo
ser sur le bon sens public qui ne laissera jamais les
écoles désertes. Le devoir de la société est de les
établir; le devoir des citoyens est d'en profiter;
l'aide de sages mesures et surtout de la gratuité
pour les pauvres, elle les verra presque toujours
pleines. Pour l'instruction primaire, comme pour
presque tout ce qui est bon et utile, si les moyens
de coaction, de contrainte, tels que l'est certes la
j radiation des listes de secours, lui sont interdits,
ceux de persuasioç et d'encouragement lui appar
tiennent, et, jusqu'à ce jour, rien ne prouve qu'ils
soieut impuissants.
Le système de l'instruction obligatoire que le
Conseil communal tend peut être son insu,
appliquer aux enfants des familles pauvres de notre
l ville, esl condamné par tous les esprits droits, qui