41me Année.
No 4,236.
LE PROPAGATEUR
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trois mois.
7 S 5 MAI.
REVUE POLITIQUE.
Ces jours-ci divers articles de M. L. Veuillol
daDS l'Univers ont fait grande sensation. Bien que
tout en elles dénote la manière, le style, les idées,
les aspirations, l'individualité en un mot du célèbre
écrivain, on ne s'en est pas moins demandé si elles
n'expriment rien que les vues propres de leur
auteur, ou jusqu'à quel point elles seraient l'écbo
des conseils agités en haut lieu. M. Veuillot signale
l'extension progressive que prennent a I envi I une
de l'autre l'Angleterre et la Russie. 11 les mootre
dominant l'Asie, celle-ci au nord, celle-là au midi.
Là même git le secret de leurs forces, le secret de
leur prépondérance en Europe. Car non seulement
l'empire des immenses et opuleotes contrées de
l'Asie constitue pour elles une source intarissable
de richesses, mais encore elle offre cet avantage
inappréciable une époque aussi agitée qu'est la
nôtre d'ouvrir un champ assez vaste aux esprits les
plus aventureux et les plus inquiets, un appât aux
plus avides convoitises. L'une et l'autre ont par
couru cette voie avec un bonheur inouï, l'Angle
terre sacrifiaot tout la soif du sucre, la Russie tout
sa soif de domination. L'Angleterre est un
traficant, la Russie est un despote. Comme celle-là
veut de l'or,celle-ci veutdesâmes; leClirîstqu'elle
adore n'est pas le Christ qui s'est donné tous les
peuples, c'est le sien, le Christ dont elle est le
pontife, dont son Empereur se proclame l'unique
vicaire, et la croix devant laquelle elle veut
incliner le genre humain n'est que la poignée de
son épée. L'Anglais dit au reste du monde: Vis
pour m'enrichir, le Russe Ini dira Vis pour
m'adorer et l'orgueil de la domination, implacable
et toujours inassouvi comme la soif de l'or, l'égalera
en iniquités.
C'est pourquoi le Russe, aussi bien que l'An
glais, sera frustré dans sou attente. Dût-il vaincre
au gré de ses désirs et engloutir toute sa proie, sa
proie, engloutie, l'étouffera. Contre l'Angleterre,
si elle l'emporte, surgiront les intérêts; contre la
Russie, surgira la conscience. L'empereur de Russie
ne sera pas l'Empereur universel, parce qu'il ne
sera pas l'Empereur catholique. Toute sa force
n'empêchera pas qu'il rencontre toujours des cœurs
résolus n'adorer que Dieu. Vainement il prendra,
comme en courant, des royaumes, ainsi çuon
ramasse dans un champ les nids abandonnés.
(Isaïe); son glaive qui aura dépécé les empires
s'ébrèchera où se sont ébréchés tous les glaives, sur
la tete de ceux qui, respectant les puissances
humaines ne leur obéissent néanmoins que pour
obéir Jésus-Christ. Oh! nous ne sommes pas en
peine du résultat final.
M. Veuillot émet ensuite le vœu de voir la
France descendre son tour dans l'arêne et lui
assigne comme ses alliés naturels dans la lutte,
l'Autriche et les puissances de second ordre. Sa
mission, c est la défense des intérêts catholiques et
de tous les opprimés. Son honneur, ses intérêts
matériels, sa foi lui font également un devoir
d intervenir. Seules les menées révolutionnaires,
pourraient lui susciter des embarras. Ce sont elles
qui la rendant suspecte aux mouarchies Européen
nes et la forçant des ménagements envers l'An
gleterre ne lui ont laissé d'autre alliance possible
que celle de son égoïste et machiavélique voisine
d'outre-Manche. Aussi M. Veuillot fait-il appel
tous les hommes d'intelligence et de cœur, tous
ceux que les événements de ces dernières années
ont tenus éloignés des affaires et du pouvoir; il fait
appel au gouvernement lui-même afin qu'il rap
proche du trône ces hommes dont l'exemple seul
aurait tant d'influence sur la masse de la nation.
Au reste quelque soit la justesse de la plupart
des appréciations émises par le brillant puhliciste,
quoique l'on puisse dire sur sa perspicacité de ses
vues en politique, nous ne croyons pas sou plan
la veille de se réaliser, et jusqu'à preuve du con
traire nous tenonsle chefdu gouvernement français
pour peu disposé en faire sou programme politi
que. L'œuvre de M. Veuillot est le rêve d'un esprit
généreux; son tort c'est de s'en remettre, pour le
triomphe de la cause catholique, au bon vouloir des
détenteurs du pouvoir. Il y a longtemps nénnmoius
qu'on l'a dit, les catholiques pour la défense de
leurs droits ue peuvent compter que sur eux-
mêmes. Ajoutons qu'il est au moins étrange, pour
ne rien dire de plus, que M. Veuillol ne trouve
rien objecter ce que la France s'avançât jusqu'au
Rhin, en d'autres termes qu'elle mit la main sur la
Belgique. Et c'est au moment où il s'insurge contre
les envahissements de la Russie et de l'Angleterre
chez les peuplades mahométanes et idolâtres de
l'Asie, que le rédacteur de VUnivers signale notre
patrie la France comme une proie bonne saisir.
C'est au moment où il convie la France se mettre
la tête des faibles et des opprimés pour la sauve-
gnrdedesnationsmeuacées dans leur indépendance,
c'est alors qu'il propose de sang-froid de courir sus
un peuple ami, pour satisfaire les vues cupides
que nos voisins du midi portent depuis des siècles
sur nos provinces. Et cette grande iniquité, M.
Veuillot trouveraitfort expédient qu'elle inaugurât
la Croisade qu'il prêche au nom de la plus juste
des causes. Un patriotisme exagéré a conduit un
pareil degré d'inconséquence un homme dont per
sonne ne serait admis révoquer en doute la
droiture des intentions et la loyauté de caractère.
La discussion, la Chambre des Représentants,
du projet de loi portant révision de la législation
relative aux conseils de prud'hommes, offre cet
intérêt tout particulier et très-piquant qu'elle a
trahi la faiblesse du ministère et la divergence des
idées chez ceux qu'il traîne la remorque.
Ce projet renferme une inovation importante.
Dans l'état actuel des choses, et par suite de la
suppression de la patente des ouvriers, les conseils
de prud'hommes se composent de chefs d'industrie,
élus par leurs pairs. La loi de révision dispose que
les conseils de prud'hommes seront composés,
moitié de patrous, moitié d'ouvriers, respectivement
élus par une assemblée de chefs d'iudustrie et une
assemblée d'ouvriers. Pour faire partie de cette
dernière assemblée, il suffira d'être belge de nais
sance ou par naturalisation, d'avoir 25 ans, d'être
domicilié et d'exercer sou industrie pendant quatre
ans dans le ressort do conseil, et de savoir lire et
écrire. 11 est vrai que la liste des électeurs sera
dressée par l'autorité communale, et que le droit
illimité d'épuration est accordé b la députatiou
permanente.
Cette disposition est empruntéeàla loi française
de 853.
M. Rogier n'a rien de pins cœur que de l'in
troduire dans notre législation, car il y voit une de
ces occasions si rares et si favorables, son point
de vue, d'être la fois galant envers le sentiment
national de la F'rance, et reconnaissant envers
certains défenseurs des prétendus iutérêts démo
cratiques. Malheureusement M. Devaux est venu
troubler la jubilation de M. Rogier,et la discussion
a été curieuse entre ces deux représentants du
vieux libéralisme, dont le dernier semble vouloir
prendre des allures trop dégagées.
Voici quelques extraits de ces débats.
M. Devaux. Hier on a inscrit dans la loi le
principe du suffrage universel des ouvriers sachant
lire et écrire.
M. le ministre de l'intérieurJe demande la
parole.
M. Devaux. Je sais bien qn'o/2 ne se l'avoue
pasquoi qu'il en soit, la disposition d'au
jourd'hui renchérit sur celle d'hier. Dans le
suffrage universel ordinaire, toutes les classes sont
confondues et elles peuvent, dans une certaine
mesure, réagir les unes sur les autres; ici on con
stitue la classe inférieure part, on la fait agir
d'une manière tout-h-fait indépendante et on la
met en opposition officielle avec la classe plus
élevée.... Il est impossible de prévoir quelles
conséquences une pareille mesure peut avoir
la longue. Il est possible, je le sais bien, que la
sagesse des députations provinciales, des adminis
trations des communes et le bon sens des ouvriers
remédie au défaut de la loi, mais je n'aime pas a
tenter le ciel. Je n'aime pas mettrelesadmi-
nistrateurs locaux et les ouvriers surtout a de si
fortes épreuves. Il me semble que nous avons
ici de tout autres devoirs. Je remarque, MM., que
ce projet de loi... dérive d'un avant projet qui a
été fait en i848, époque d'agitation où les
esprits manquaient de calme pour résoudre
plusieurs des questions que soulève une loi
pareille.
M. le ministre de l'intérieur. Évidemment,
l'honorable préopinant obéit une crainte, est
sous le poids d'une espèce de frayeur pour le
pays.
M. Devaux. Ce sont mes principes.
M. le ministre de l'intérieur. Ce sont vos
principes, soit; mais je crois qu'en ce moment vos
principes vous égarentL'honorable membre
vous place devant une réunion de 5 o,ooo ouvriers.
M. Devaux. J'ai dit qu'il y avait Liège
5o,ooo ouvriers.
M. le ministre de l'intérieur. Vous avez
fait apparaître devant la chambre une armée de
ôo,ooo ouvriers. J'ai décomposé votre armée, et
je l'ai réduite de plus de moitié, de plus des trois
quarts Moi aussi, MM., j'ai des principes.... Je
dis que pour l'ouvrier qui se trouvera inscrit au
nombre des électeuis, il y a là une distinction qui
flattera son orgueil, si l'on veut, son amour-
propre...,