4îme Année.
No 4,245.
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AS,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 5 MOIS.
7? ?.SS, S JUIN.
REVUE POLITIQUE.
Les feuilles publiques nous apportent régu
lièrement des nouvelles touchant la marche
progressive que fait dans l'empire russe l'œuvre
de l'émancipation des serfs. A différentes repri
ses cependant on a attribué au gouvernement la
pensée d'enrayer le mouvement que lui-même
avait provoqué. Quoiqu'il en soit, l'émancipa
tion est désormais inévitable elle se ferait de
vive force, si elle ne se faisait pas de bon gré.
En attendant les doctrines subversives se pro
pagent, l'esprit d'insubordination va grandis
sant, les paysans refusent d'acquitter leurs
redevances et les esprits s'aigrissent de part et
d'autre.
Une correspondance de S1- Pétersbourg du
Journal de Bruxelles signalait dernièrement
l'espèce de disgrâce où serait tombé le grand-
duc Constantin, frère du Czar. On l'a accusé
la cour d'être le promoteur de toutes les idées
libérales que l'on s'efforce d'extorquer du
gouvernement temps et contre-temps. Le
grand-duc s'est efforcé de se disculper, mais
son influence, naguère si grande la cour, a
baissé jusqu'à devenir peu près nulle. Par
contreil a gagné du coup les sympathies des
paysans, des Rascolniks, des universités et de
la jeune noblesse, et lui qui, sous le règne de
son père, passait pour exagérer les idées d'au
torité et de résistance, est devenu, ou peu s'en
faut, le chef et l'espoir de iopposition libérale
qui avait acclamé jusqu'ici avec tant d'enthou
siasme son frère Alexandre. C'est décidément
lord Stanley qui recueille l'héritage de lord
l'N'E FANTAISIE DE MARÉCHAL DE FRANCE.
I. ta Rencontre.
(Suite. Voir le n° 4*^44 du Propagateur.)
Un soir le maréchal revint de la cour beaucoup
plus gai que d'ordinaire.
Eh! mon Dieu! Pierre, qu'as-tu donc? fit
la duchessecar dans l'intimité les deux époux,
comme au temps de leur humble fortune, s'appe
laient par leurs noms de baptême?
Ah! Catherine, répartit le maréchal, si tu
savais quelle rencontre j'ai faite aujourd'hui dans
1» chambre du roi, tu partagerais mon émotion et
tua joie.
Eh bien parle donc, Pierre,et je la partagerai.
Catherioe, je me suis trouvé avec mon ancien
capitaine, le marquis de Sivry, et mon ancien lieu -
'enant, le comte de Senneterre.
Oh! les braves gens, fit la duchesse, et tu
leur a parlé sans doute?
Si je leur ai parlé, Catherine? mais certai-
ceraeot; nous avons causé tous les trois plus d'une
heure ensemble. Ils ne me reconnaissaient pas
'I abord, ces braves officiers; mais moi, je les ai
teconnns tout de suite, j'ai été b eux, je me suis
"animé et je leur ai tendu la main, qu'ils ont
pressée, Dien me pardonne, avec une espèce de
Ellenborough. Sir L. Lytton Bulwer succède
lord Stanley dans la direction des colonies.
S'il faut en croire le Times une campagne
contre la Chine est peu près certaine, et lord
Elgin l'a en quelque façon annoncé. On ne dit
pourtant pas Que les choses soient prêles pour
une expédition prochaine.
Les dernières lettres de la Cochinchine per
sistent dire que la persécution religieuse y est
fort intense. Un chef, le roi de Cambodge,
favorable aux catholiques, est le seul qui luttât
contre la cour de Hué, leur plus cruelle ennemie.
Après bien des notes échangées, le cabinet de
Turin, qui ne voulait pas d'abord que l'affaire
du Cagliari fut l'objet d'un arbitrage, mais
d'une médiation, l'arbitrage obligeant les par
ties qui l'acceptent se soumettre La décision
renduele cabinet de Turin vient d'accepter
l'arbitrage de la Russie.
Le tribunal de police correctionnelle de Paris
vient de rendre son jugement dans l'affaire
Proudhon. Reconnu coupable du chef d'outrage
la morale publique et religieuse, etc., le trop
fameuxpubliciste a été condamné trois ans de
prison et 4,ooo fr. d'amende. Son libraire
Garnier, et l'imprimeur Bourdier se sont vus
condamnés un mois de prison et mille francs
d'amende l'imprimeur B ry a 15 jours de prison
et cent francs d'amende.
Les explications données b la Chambre par M.
Rogier, ministre de l'intérieur, en l'absence de M.
Berten, ministre de la guerre, qu'une indisposition
retient encore chez luiexplications provoquées
par l'interpellation de M. Vermeire sur le dépla
cement du général Capiaumont, ont fait connaître
au pays quelle a été l'attitude des ministres partis
respect là-dessus, malgré la présence du roi, je
les ai embrassés de tout mon cœur.
Bien, Pierre, bien mon ami, interrompit la
maréchale en essuyant une larme; il ne faut pas
oublier que si tu dois b ta valeur les dignités que
tu as obtenues depuis vingt-cinq ans, tu es rede
vable aussi b ces braves gentilshommes de ton
premier grade....
Et de mon bonheur domestique, Catherine,
ajouta le duc en regardant sa femme avec un sen
timent indéfinissable de tendresse, car tu dois te
souvenir aussi qu'ils t'ont généreusement donné
une petite dot et qu'ils ont abondamment fourni b
notre repas de noces.
Si je m'en souviens, Pierre! reprit la du
chesse, b telles enseignes que M. de Sivry nous
envoya par son garde-chasse du gibier de sa terre
de Vaux-Villars pour notre festin nuptial, où
nous avions, outre tes amis, les douze sergents-
majors des gardes-françaisesdouze croix de
Saint-Louis! Cela était beau, Pierre, n'est-il pas
vrai
Oui, Catherine, mais ce qui n'était pas moins
agréable b mes yeux, c'était loi! Il me semble te
voir encore avec ton chignon cardé, ta belle robe
de soie gorge de pigeon et ta grande croix d'or.
Et toi, Pierre, n'étais-tu pas beau aussi, sous
l'uniforme des gardes-françaises, avec tes brande-
devant l'émeute et celle des ministres arrivés
derrière l'émeute.
Il ne faut pas le dissimuler, les hommes qui
auraient dû conserver le pouvoir ont été aussi
faibles que ceux qui voulaient s'en emparer, ont
été audacieux les premiers ont hésité et fléchi
dans un moment où la fermeté la plus ordinaire
eut imposé aux premiers débordements de la pres
sion les autres ont appuyé les premiers élans, ils
ont excitééchauffé l'ardeur des miliciens de
l'avenir, ils ont versé de l'huile sur le feu, afin
que le coup monté et préparé par eux, obtint tout
le succès désirable. Le ministère De Decker est
resté au-dessous de lui-même et de la Nation; il
s'est défié du grand parti de l'ordre pour céder le
terrain b cette tourbe de brouillons qui, dans le
siècle actuel, constituent une espèce de lèpre s'at-
tacbant au corps social de tous les peuples civilisés.
M. De Decker s'écrie sentimentalement je ne
veux pas qu'il y ait une tâche de sang sur mon
habit de ministre. Et l'on était occupé b verser
du sang b Jemtnapes et ailleurs. La tâche existait,
elle devait être lavée.
Et M. Vilain XIV, ce pretix chevalier, qui avait
daigné descendre jusqu'à des roturiers comme
De Decker et Nothomb, qui s'était exclamé avec
emphase, quelques semaines auparavant La
Constitution! changer la Constitutionja
mais!.'.' se croise les bras et demeure silencieux
et immobile quand il voit déchirer la Constitution
dans la rue, quand il voit piétiner chacun de ses
feuillets dans les ruisseaux de Bruxelles.
Ceux qui ont profité de ces fautes, les avaient as
tucieusement provoquées. La plupart des fonctions
étaient occupées par leurs créatures le ministère
De Decker n'avait ni destitué, ni déplacé les
agents du pouvoir. L'action du pouvoir dans le
but de maintenir l'ordre était donc entravée par
bourgs blancs comme la neige, tes galons de
sergent et tes cheveux en cadenettes!
Oh! Catherine, reprit en soupirant le maré
chal, c'était le bon temps! Nous étions jeunes l'un
et l'autre, et je crois en conscience, ajouta le vieux
guerrier en jetant un regard sur son splendide
uniforme de maréchal de France et sur les plaques
éblouissantes de grand'croix de la Légion d'hon
neur et de Saint-Louis qui ornaient sa poitrine,
que je renoncerais facilement b tout cela pour
revenir aux premières et douces années de notre
mariage, où notre ordinaire se composait de pain
de munition et de vin de cabaret, où notre aisance
était fondée sur ton travail et les leçons d'escrime
que je donnais en ville.
Pierre, répliqua la duchesse, Dieu et ton épée
nous ont enrichis; consolons nous donc d'avoir
vieilli l'un et l'autre sans cesser de nous aimer,
sans cesser surtout d'être de bonnes gens. La for
tune n'a pas changé nos cœurs; qu'importe que le
temps ait altéré aos traits!
Puis après ces gracieuses excursions dans le
domaine du passé, la duchesse dit avec un accent
de sensibilité et de bonhomie sans pareil
Et nos pauvres officiers ils doivent être
changés aussi?
Je t'en réponds, Catherine, répondit le
maréchal; c'est a n'y pas croire. Je me suis aperçu,