42me Année.
Samedi 28 Août 1858.
No 4.269.
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LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN, P0CR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. AN, 5JFR. POUR 6 MOIS, 2-75
TROIS MOIS. P0CR 5 MOIS.
7 P P. S S 28 AOÛT.
REVUE POLITIQUE.
L'état des choses ne tend guère h s'améliorer
dans l'empire Ottoman. C'est toujours la même
effervescence qui règne dans les esprits. Le fana
tisme des Musulmans s'est rallumé et n'attend que
la première occasion de se livrer tous les excès.
Les chrétiens se montrent moins que jamais disposés
a subir les exactions de leurs sanguinaires oppres
seurs. Tous les jours les feuilles publiques signalent
quelque nouvel acte de violence. C'est ainsi que
dernièrement les chrétiens d'Alep ont échappé b un
danger terrible. Les Turcs, en nombre décuple,
s'imaginaient, dit-on, qu'ils allaient être attaqués
par les infidèles, renforcés par deux mille Grecs
qu'ils tenaient cachés dans leurs maisons, et ils
avaient pris les drroes pour repousser cette agres
sion ou peut-être pour prendre l'initiative.
La mer n'est pas plus sûre que la terre, et des
pirates commandés par le fameux Coutzoura, éco
rnent les côtes de l'Asie mineure, dans l'Archipel.
Des faits de cette nature menacent moins l'ordre
public en Europe que ne le font ces passions sub
versives, latentes le plus souvent, et dont la
nouvelle circulaire de Mazzini n'est qu'un simple
symptôme. Dans cette pièce où Orsini et Piauori
sont recommandés b la reconnaissance de la France,
le trop fameux tribun indique clairement que la
révolution doit être socialiste en France, c'est-b-
dire s'appuyer sur le principe de la guerre des
prolétaires contre les propriétaires, tandis qu'en
Italie elle doit avoir pour point de départ deux
principes: l'insurrection des nationalités contre la
domination étrangère, et l'unité italienne en lui
donnant pour centre Rome d'où la révolution
chasserait la papauté. Du reste que révèle ce mani
feste, où respire l'odeur de sang? A qui apprendra-
t-il que les projets de la secte révolutionnaire ne
sont pas abandonnés, qu'elle ne renonce pas ses
moyens homicides? Si ce n'est quelques aveugles
volontaires que la passion du repos induit fermer
les yeux a l'évidence, personne ne saurait ignorer
qu'au-dessous du calme apparent qui couvre la
surface de l'Europe la lave des passions révolution
naires gronde et bouillonne impatiente de déborder.
Que dire maintenant, qu'augurer d'une mani
festation d'idées et de principes d'un ordre bien
différent? Nous voulons parler du discours pro
noncé par M. de Morny, par-devant le conseil
général du Puy-de-Dôme. M. de Morny, dont ou
connaît les relations étroites avec le chef du gou
vernement français, s'est prononcé hautement pour
la décentralisation et les libertés civiles.
Grâce a l'appareil législatif, a-t-il dit, que
nous a légué le passé, en France on ne peut pas
remuer une pierre, creuser un puits, exploiter une
mine, élever une usine, s'associer, et, pour ainsi
dire, user et abuser de son bien, sans la permission
ou le contrôle du pouvoir central; et de grands
intérêts se trouvent souvent retardés ou sacrifiés
dans les degrés inférieurs de l'échelle administrative.
Je crois que plusieurs réformes seront apportées
cette situation, grâce a l'initiative et a la volonté
puissante de l'Empereur. Le jour où le départe
ment, la commune et l'iodividu pourront, pour
a|nsi dire, s'administrer eux-mêmes, les affaires
s expédieront promptement, et bien des méconten-
'emeuts qui remontent jusqu'au pouvoir central
s éteindront. Mais je comprends aussi que le pays
doit faire son éducation dans le nouveau svstème,
f ne faut pas qu'il attende tout du gouvernement et
"eu de ses propres efforts, etc.
Quoiqu'il en soit de la portée réelle de ces paro
les, elles laissent du moins pressentir des tendances
innover dans le sens des idées libérales. D'un
autre côté un homme d'État,qui passe presque pour
le confident de l'Empereur, M. de Persigny, a dé
claré b son tour devant le conseil général de la
Loire, que l'œuvre napoiéonieone doit conti
nuer le vieil état monarchique, non pour détruire
d'anciennes libertésmais pour consolider les
nouvelles.
L'avenir nous révélera sans doute le sens de ces
paroles.
Les étrangers qui sont accourus dans notre ville
aussi bien que les habitants ont hautement approuvé
la mesure prudente qui avait été prise d'avert r
les pompiers des localités environnantes, lors de
l'incendie qui s'est déclaré, mercredi 25, dans la
tourelle de l'église de S1 Martin. Personne en effet
n'était capable de prévoir les conséquences, ni de
prédire si l'incendie eût ou n'eût pas fait des pro
grès alarmants. Dans de pareilles circonstances
l'imprévu peut dérouler les mesures les plus sages
et les plus prudentes. Qui p. e. pouvait savoir de
quel côté la Croix dont la chute devenait certaine,
serait tombée? n 'était - il pas craindre que cette
masse de fer au moins de seize pieds de longueur
dont la moitié huit était incandescente, fut tombée
sur le toit qu'elle aurait enfoncé et dont le bois
aurait pris feu? dans ce cas où l'incendie se serait-il
arrêté? L'acte de prudence que l'on a posé, était
donc une mesure de nécessité.
Les Sapeurs-Pompiers de Poperioghe sont arri
vés les premiers; ils ont fait le trajet en neuf
minutes; bientôt ils furent suivis par un grand
nombre appartenant aux cnrpsde Comines-Belgique
et France et de Wervicq; aux Pompiers de Meuio
s'étaient joints plusieurs hommes appartenant au
corps de Koncq; ceux de Courtrai avaient reçu
contre-ordre. Le matériel était resté b la Station.
L'empressement sympathique avec lequel les
corps des Sapeurs-Pompiers des villes environ
nantes ont répondu b l'appel qui leuraéléadressé, a
produit ici une satisfaction aussi vive que générale. Le
public sera heureux d'apprendre que le Conseil de
fabrique de l'église de S' Martin a décidé d'offrir
b ces Corps une médaille commémorative en
témoignage de reconnaissance; la médaille portera
d'une part l'effigie de notre belle cathédrale et de
l'autre celle des armes de la ville.
I.e feu a consumé b peu près de quinze b vingt
pieds des poutres formant le sommet de la tourelle;
la Croix avait, de sa base au sommet, une élévation
de dix pieds; dans sa chute, les deux bras se sont
détachés; pendant la Terreur, alors que l'on avait
juré de faire disparaître partout le signe chrétien,
on les avait coupés afin de détruire au moins la
forme, puisqu'on n'osait s'aventurer b descendre la
Croix entière; quand le Culte fut rétabli, les deux
bras de la Croix ont été replacés et attachés par des
barres horizontales que la rouille avait en partie
détériorées.
La tourelle paraît avoir été construite dans le
12me siècle; alors l'église ne s'étendait que jusqu'au
transept.
On se souvient que depuis le commencement de
ce siècle elle a été atteinte trois fois par la foudre,
notamment en 1819 et en 1829 ou i83o; des
ardoises ont été arrachées, mais aucun dégât plus
notable n'a été causé.
D'aprèsdesrenseigneraentsqne nousavons reçus,
l'on est d'intention-de faire reconstruire la tourelle
dans son état primitif; les dépenses, dit-on, mon
teront de cinq b six mille francs.
Témoins des nombreux actes de dévouement
posés par plusieurs de nos concitoyens dans la
journée du 25, nous avions cru devoir signaler
des noms propres b la reconnaissance publique; la
crainte d'omettre malgré nous, parmi le grand
nombre des personnes dont nous aurions fait men
tion d'autres noms qui méritaient le même hom
mage, nous avait déjb fait renoncer b notre désir,
quand nous avons reçu b ce sujet une lettre de
M. Alp. Vandenpeereboom.
Nous nous empressous de publier cette missive
qui explique d'où proviennent l'ordre parfait,
l'excellente discipline et le courageux dévouemeut
que toute la ville a eu le bonbeur de constater chez
les Sapeurs-Pompiers tant dans la journée de
mercredi dernier que daos toutes les autres circon
stances où leur concours a été nécessaire.
La ville d'Ypres a lieu de se féliciter de voir b la
tête de l'important service des secours en cas
d'incendie, un homme aussi dévoué que M. Alp.
Vandenpeereboom, comme de sa part, le corps des
Sapeurs - Pompiers doit tenir b honneur d'être
placé sous les ordres d'un chef dont l'intelligente
habilité en inspirant b ses hommes nne confiance
fondée, assure le succès de leurs opérations.
Voici la lettre dont il s'agit
Ypres, le 17 août j858.
A Monsieur l'Editeur du Journal le Propagateur,
Monsieur l'Éditeur,
Dans le dernier N° de votre Journal, en rendant
compte avec autaut de bienveillance que d'exacti
tude du zèle et du dévouement dont le corps des
Sapeurs-Pompiers, sous mes ordres, a donné des
preuves nouvelles b l'occasion de l'incendie de la
tourelle de notre magnifique église de S'-Martin,
vous annoncez que vous citerez des noms propres
dans votre prochain N°.
Permettez-moi de vous prier de vouloir bien
vous abstenir de celte citation, en ce qui concerne
mes pompiers.
Depuis i5 ans que j'ai l'honneur de commander
les Sapeurs-Pompiers de la ville d'Ypres, j'ai
cherché b faire comprendre aux hommes dévoués
qui composent ce corps, que celui qui obéit aux
ordres donnés, remplit sa tâche et que le pompier
qui reste b sa pompe, rend, dans l'intérêt général,
autant de services que le sapeur commandé pour
combattre face b face l'incendie; mes hommes sont
pénétrés de cette idée vraie, et c'est parce qu'ils
ont cette conviction, que l'ordre, la discipline et le
dévouement, indispensables dans les circonstances
graves, existent chez eux; tous en effet se consi
dèrent comme solidaires les uns des autres, tous
reportent sur le corps auquel ils sont fiers
d'appartenir, l'honneur des actes de dévouement
personnel, dont ils ont l'occasion de donner des
preuves et que leurs camarades moins favorisés,
seraient heureux de pouvoir poser comme eux.
Je suis donc l'organe fidèle des braves pompiers
qui se sont le plus exposés le 25 courant, en vous
priant de vouloir bien vous abstenir de citer des
noms propres.
Je vous remercie sincèrement, Monsieur l'éditeur
pour les éloges, mérités du reste, que vous avez
bien voulu donner an corps sous mon commande
ment; tous ceux qui le composent, depuis mes
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