42me Année.
No 4,287.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION RELGE.
7??.3S, 30 Octobre.
UN MILLION DANS UNE AIGUILLE.
Nousappelons l'altention de nos lecteurs
sur l'article suivant dans lequel ils recon
naîtront aisément la haute raison et l'expé
rience éclairée d'un homme d'Etat et d'un
profond penseur.
Lecadre denotre journal ne nous permet
de donner qu'une partie de l'œuvre entière;
nous la compléterons dans notre prochain
numéro.
LE PRÉSENT ET L'AVENIR.
Les Chambres vont bientôt se réunir.
Quelle conduite tiendront les catholiques?
Attendront ils que ceux qui leur ont déclaré
une guerre outrance leur tendent la
main? Celte conversion est-elle probable?
Les partis ne sont-ils pas plus irrités que
jamais? Dans de telles conjonctures, que
faut-il faire? L'union, tant vantée, peut elle
être rétablie?
Au Congrès il y eut conciliation ou
transaction sur des points capitaux sans
lesquels il n'y avait ni Constitution ni Bel
gique possible. Mais ce système nécessaire,
d'où dépendaient le salut et l'existence
même du pays, a été foulé aux pieds du
jour où quelqu'un a osé dire que le pou-
voir doit appartenir exclusivement ce
grand parti que l'on appelle le parti
libéral. Et enfin tout gouvernement
stable et régulier est devenu impossible en
Belgique, du jour où l'on s'est mis orga
niser, au moyen de la presse et des associa
tions secrètes, une ligue qui devait entraver
et renverser le gouvernement par la vio
lence, aussitôt qu'on le verrait passer aux
mains des catholiques.
LE PROPAGATEUR
pour la ville 6 fr. par an,
4 fr. pour 6 mois, 2-50 pour
trois mois.
pour le dehors fr. 7-50 pau
an, 5 fr. pour 6 mois, 2-75
pour 3 mois.
nevue politique.
Des nouvelles de Chine annoncenl que lord
Elgio a conclu un traité avantageux avec le Japon.
Les deux Chambres Prussiennes ont adopté
Y unanimité des voix et sans discussion, la propo
sition tendante h déclarer que la Diète reconnaît la
nécessité de la régence. Ce vote a produit une
émotion générale dans la salle des vivats enthou
siastes ont éclaté en l'honneur dulloi et du Régent.
Le bruit a couru Paris que le gouvernement
portugais n'aurait cédé dans l'affaire du Charles-
Georges qu'avec une répugnance marquée et
aurait joint l'ordre de restitution une note desti
née h protester contre elle. Ce qui aurait motivé
cette réponse de l'ambassadeur français Je
prends le navire, mais je ne prends pas la note.
On assure que l'Angleterre, contrairement aux
versions qui avaient trouvé tant de crédit, n'a
voulu se mêler au débat que pour appuyer les récla
mations de la France. Quant la question de
l'indemnité, il est encore douteux qu'elle se résolve
sans arbitrageainsi qu'une première dépêche
l'avait annoncé. Le gouvernement impérial réclame
180,000 francs répartir ainsi 100,000 fr. pour
l'armateur du Charles- Georges, 5o,ooo fr. pour
la famille du lieutenant du navire, mort Mozam
bique, 3o,ooo enfio pour l'équipage. Le Portugal
ne voulait dès le priocipe accorder que 3o,ooo fr.
On sait le rôle pitoyable joué par le cabinet de
Don Pédro dans l'affaire des Sœurs de Charité
françaises. Tel est cependant la réprobation et le
mépris qui par toute l'Europe civilisée ont stigma
tisé les actes sauvages dont les rues de Lisbonne
furent le théâtre, que la presse dite libérale a
rougi elle-même de son œuvre et en est venue h
désavouer les excès que ses attaques déloyales et
furibondes avaient soulevés coutre les anges de la
Je veux vous raconter la singulière origine d'one
grande fortune et d'un mariage heureux qui a eu
lieu il y a quelques mois. Le héros de ce roruao
véridique est un juif que je nommerai Salomon, si
vous le permettez.
Il y a vingt-cinq ans, Salomon était un petit
vagabond de dix ans, qui errait pieds nus, dans un
village du Jura, mendiant des sous. Le paresseux
ne voulait rien faire, et sa famille, véritable tribu
de Bohémiens, le laissait libre de suivre celte
carrière, moins facile qu'on ne le croit.
Par une belle matinée d'avril, Salomon se pro
menait dans l'unique et poudreuse rue du village;
il dévorait une croûte de pain, seule obole de la
journée. Tout a coup quelque chose brille terre;
Salomon se baisse, regarde et ramasse. Ce quelque
chose était une aiguille.
L'enfant regarda machinalement l'outil féminin,
'.'n'en pouvait-il faire? Sa fortune, et vous allez le
voir.
charité catholique. C'est ainsi que trente-six rédac
teurs libéraux de Lisbonne ont jugé opportun
de signer une protestation contre les accusations
injurieuses, injustes et mal fondées dont ils ont
été l'objet, propos des insultes et des sévices
commis sur la personne des Sœurs de Charité.
Le Pays, journal semi-officiel français, qui avait
publié ce sujet de curieuses données, maintient
ses allégations. Nous avons, dit-il, formellement
accusé la presse de Lisbonne d'être l'instigatrice
des scènes odieuses dont celle ville a été le théâtre;
nous n'avons pas parlé d'après de vagues ouï-dire,
nous avons parlé d'après nos informations person
nelles précises, et l'un de nos collaborateurs a
transcrit dans nos colonnes le texte d'one conver
sation qu'il a eue Lisbonne avec le rédacteur en
chef du Porluguez (l'un des signataires de la
protestation,) qui s'était vanté de chasser ou de
faire chasser les Sœurs françaises par la populace
de Lisbonne, en la payant. Il n'a pas été répondu
un seul mot ces affirmations précises; la protes
tation portugaise est muette là dessus, et le Pays
est précisément le seul journal de Paris qui les
journalistes portugais se soient dispensés d'adresser
leur protestation.
Un double fait démontre bien quel dégré
d'ignominie sont capables de descendre les machi-
nateurs du complot. Ils n'ont pas rougi de faire
signer contre les dignes filles de S'-Vincent de
Paul une protestation par.... les femmes publiques.
Bien plus, ils ont imaginé de travestir de malheu
reuses prostituées en Sœurs de Charité, afin que
par leurs mauières indécentes et leur mine effrontée
elles attirassent le mépris poblicsur la corporation
dont elles avaient usurpé l'habit.
Appelées par le gouvernement lui-même, dit
une feuille libérale espagnole, au secours des pes
tiférés de 1857, les généreuses filles de S'-Vincent,
pour prix de leur dévouement et de leur abnéga
tion, se sont vues bafouées, insultées de la manière
la plus indigue, et pendant que le cabinet n'osait
punir les instigateurs d'actes aussi odieux, il pros-
Le petit Salomon passait en ce moment devant
une maisonnette tapisée de vigne. Sur le seuil une
petite fille, de quelques années moins âgée que lui,
pleurait en tracassant son ouvrage. Il la regarde
d'un air hébété avec cette cruelle et indiscrète
curiosité des enfants. Puis, usant d'une familiarité
qui est la franc-maçonnerie de l'enfance, il lui dit
Pourquoi pleures-tu? Parce que j'ai cassé
mon aiguille et que ma mère me battra. Tieos,
voilà une aiguille que j'ai trouvée; prends-la. Ta
mere ne le battra pas. Merci, petit pauvre mais
tu manges tou pain sec. Veux-tu une pomme que
j'ai dans ma poche J'y ai déjà mordu, mais elle
est bonne tout de même. Je veux bien.
Salomon s'éloigna eu dévorant la pomme. A
quelques jours de là, c'était la foire du village. La
petite, qui était juive comme Salomon était juif, et
que je nommerai Rebecca, rencontra son bienfai
teur. Elle venait de recevoir pour cadeau quatre
paquets de belles et bonnes aiguilles anglaises.
Elle ne savait comment remercier le jeune men
diant. Enfin, poussée, par je ne sais quel instinct,
elle lui donna deux petits paquets illustrés du lion
et de la licorne, en lui disant
crivait indirectement celles dont il avait invoqué
naguère les secours et la bienfaisance.
Tu les revendras et tu achèteras des pommes
pour manger avec ton pain.
Salomon prit les deux paquets d'aiguilles et les
revendit des commères de l'endroit. Mais cet
incident avait éveillé en lui le génie du commerce.
Avec le prix des aiguilles de Rebecca, il eo acheta
d'autres, qu'il revendit encore avec bénéfice.
De ce jour, ce ne fut plus un vagabond. Bientôt
il eut une petite pacotille d'aiguilles, d'épingles,
de lacets et de dés en cuivre. Les affaires de ce
négociant eo herbe n'allaient point mal. Il devint
franchement ce qu'on appelle un porte-balle. Il
parcourut la Suisse, la Savoie, faisant la pelotte
de neige et prouvant que parfois pierre qui roule
amasse mousse.
A vingt ans, il s'associait avec un camarade et
fondait, Lyon ou ailleurs, comme vous voudrez,
un magasin de nouveautés. A trente ans, il possédait
deux cent mille francs et en risquait la moitié la
Bourse. Doué d'une rare intelligence, possédé du
démon du mercantilisme, il gagnait bientôt un
million.
Alors, il songea la pauvre petite aiguille