En concédant les prémisses, nous ne pouvons admettre celle conséquence; que l'on établisse une disposition générale punissant tout individu qui aura troublé l'ordre public; si le ministre du culte peut le faire plus facilement, il tombera aussi plus facilement sous cette règle générale. Une plus grande facilité de com mettre un délit, entraîne avec elle une plus grande facilité tomber sous le coup de la loi, mais ne légitime pas la création de peines et de délits spéciaux contraire ment l'égalité devant la loi, au droit commun, la liberté en tout et pour tous, contrairement, en un mot, la Consti tution. Une observation digne de remarque, c'est que le libéralisme doctrinaire nous ramène insensiblement vers les errements du gouvernement hollandaisdont les principes furent solennellement condam nés par le Congrès National, malgré les efforts du parti orangiste sous la conduite de M. Defacqz. De toutes les vexations exercées par le gouvernement de Guillaume 1", on peut affirmer que celle qu'il a poursuivie avec la plus incroyable obstination, était diri gée contre l'enseignement catholique, qui aujourd'hui encore se trouve le point de mire des attaques du libéralisme. Par les modifications, proposées au nom du gouvernement au Chap. IX du Code pénal, le libéralisme veut restreindre la liberté de la chaire. Quiconque connaît l'histoire des dernières années du régime hollandais sait très bien quel système d'espionnage il avait organisé contre le clergé, et quels en furent les tristes résul tats. Les libéraux de nos jours veulent punir le ministre des cultes qui sortant de sa^spbère (qui la déterminera?) pose des actes qui pourraient avoir certaines consé quences; ils veulent donc punir non-seule ment la réalité de l'acte, mais sa possibilité; qui ne voit comme tout cela est élastique, et prête merveilleusement aux soupçons, aux procès, aux vexations arbitraires? Le gouvernement hollandais, comme tous les gouvernements protestants, vou lait avoir la haute main sur les cultes et spécialement sur le culte catholique, sur l'Eglise; il voulait la réglementer, pour son bien, disait-il. Aujourd'hui les doc trinaires ne veulent-ils paspour le plus grand bien de la Religion, ravir au prêtre la liberté accordée par l'art. 14 de la Constitution, tous les citoyens, sauf la répression des délits commis l'occasion de son usage? Ne veulent-ils pas créer pour le prêtre des délits spéciaux, ren contre des principes libéraux proclamés par le Congrès Nationalrencontre de. l'égalité devant la loidu droit commun, de la liberté en tout et pour tous? En sa qualité de prêtrele citoyen belge est soumis aux lois de l'Eglise laquelle il appartient; il est tenu d'observer les statuts de son diocèse; voilà les obliga tions spéciales de son caractère spécial, qui certes ne sont pas du ressort du ministre de la justicemoins que celui-ci ne veuille devenir Pape ou Evêqueou s'en arroger les droits spirituels, et comme Joseph II et Guillaume 1", mériter le glo rieux titre de sacristain que Frédéric de Prusse octroyait au premier de ces souverains. Comme, l'abandon des principes de 1830, fait de nos jïbéraux de véritables rétrogrades! Rogier et consorts ne ven gent ils pas les vieux orangistes dont ils furent autrefois les ardents et glorieux adversaires? Les Flandres ont réclamé avec celte persistance que donne la conviction de leur bon droit une répartition plus équitable de l'impôt foncier. Le ministère poussé dans ses derniers retranchements, a été obligé, bon gré mal gré, de s'occuper de cet important objet. Mais malheureusement pour nous, il paraît qu'en examinant cette question, M. Frère a de plus en plus constaté l'augmentation progressive ou gra- dationnelle, comme dirait M. Pierre, de Virtoo, de la valeur de la propriété foncière surlont depuis nue vingtaine d'années. Aujourd'hui le gouverne ment est préoccupé, moins d'une nouvelle réparti tion que d'un projet d'augmentation de l'impôt foncier. Ce sera Ib un fleuron de plus ajouter a la couronne du sauveur des Flandres. On lit dans une correspondance de la Tribune de Liège au sujet des pérégrinations de la candi dature future de M. Rogier M. Rogier ne sait plus b quel saint se vouer. Il a fait successivement sonder le terrain électoral Anvers, b Bruxelles, b Cbarleroi et b Thuin.Or, il paraît que dans aucun de ces districts, il n'a grande chance de succès. Il fait une nouvelle ten tative a Huy où dit-on M. d'Autrebande lui céderait généreusement sa place. Tous ces détails sont de la plus rigoureuse exactitude; mais nous ne savons au juste,Jci, quelles sont les dispositions des électeurs de Huy b l'égard de M. Rogier. On cite encore une antre étape. Ce quatrième ou cioquième refuge des destinées électorales de M. Rogier ne serait rien moins que l'arrondissement de Dinant mais il faut ajouter quefaute de chances, le projet a été abandonné presqu'en même temps que conçu. La Chambre a abordé mardi la discussion sur les articles du Code pénal relatifs aux infractions commises par les ministres des cultes dans l'exer cice de leurs fonctions. M. Rodeobach a le premier pris la parole et il a protesté vivement contre les articles du projet qui portent uoe grave alieiole b la Constitution. M. Vao Overloop a traité la question dans ses rapports avec la Constitution il a démontré qu'on ne peut mettre le prêtre hors du droit commun, que les articles proposés sont inconstitutionnels et tendent b restreindre d'autres libertés que celle des cultes, car, a-t-il dit, de la restriction de la liberté de manifester ses opioions par la parole b celle de la restriction de la liberté par la voie de la presse, il n'y a qu'un pas. La discussion générale a été close ensuite, mais il a été entendu qu'elle pourrait recommencera pro pos des articles 2^5 et 296. La Chambre a adopté les articles 295 et 294, punissant d'une amende de 26 b xoo fr. le ministre du culte qui célébrera le mariage religieux avant que l'acte du mariage ait été reçu par l'officier de l'état-civil. M. le ministre de la justice a déposé une nou velle rédaction des art. 2g5 et 296. Elle rétablit d'abord les mots critiquer ou censurer les actes de l'autorité, que la commission avait remplacés par le mot attaqué, puis elle commine on empri sonnement de 8 jours b un an au lieu de trois mois b un an; l'amende serait de 26 fr. b 5oo fr. au lieu de 5o fr. b 3oo fr. M. J. Jouret a prononcé alors un discours en faveur des articles du projet. Ce discours, nous l'avons déjb rencontré une viogtaine de fois dans les feuilles libérales. La Chambre a continué mercredi la discussion sur la révision du Code pénal. M. Ch. Lebeau s'est prononcé pour le système ministériel et contre celui adopté dans le second rapport de la commission, qu'il a taxé d'illogique. Nous sommes sur ce point de l'avis de M. Lebeau, mais ce qu'il soutient, lui, est tout b la fois illogi que et inconstitutionnel. M. Lelièvre a défendu le second rapport de la commission, comme il aurait défendu le premier si la presse conservatrice n'en avait pas démontré les vices radicaux. C'est la spécialité de M. Lelièvre de soutenir les seconds rapports. M. Julliot s'est prononcé contre les changements qu'on veut introduire dans le Code pénal. M. Pirmez a parlé en faveur do second rapport de la commission. La Chambre a validé la réélection de M. Van der Stichelen comme représentant de l'arrondisse ment de Gand. La Chambre a entendu jeudi la fin du discours de M. Pirmez sur les art. 295 et 296 do Code pénal. Jamais plus pénible argumentation en faveur de dispositions inconstitutionnelles n'a été apportée a la Chambre. L'orateur s'est rais constamment b cote de la question, et quand il lui a fallu aborder 1 art. 16 de la Constitution, qui gêne tant nos adversaires, qu a-t-il fait? Il est remonté jusqu'en 1600 pour prouver que l'État s'était toujours réservé le droit qu'on demande encore aujourd'hui pour lui. Nous pourrions dire b M. Pirmez Avocat, passons au déluge, pour loi faire com prendre qu'en i83o on a rompu avec ce qui avait existé jusqu'alors; mais b quoi bon? Nous avons b faire b un de ces idoles des Hébreux, qui ont des yeux pour ne point voir. La Constitution, la liberté, le droit commun et le bon sens ont trouvé dans M. Defré un énergique défenseur. Ce jeune s'est montré constamment inspiré des idées qui ont prévalu dans le Congrès National il a établi le véritable sens de la Con stitution par les faits qui eurent lieu en 831et, nous l'avouerons ce n'est pas sans douleur que nous voyons des hommes qui siégeaient dans l'As semblée constituante renier ses principes, rejeter son drapeau, qui ramassent les représentants d'nn parti qui nous fait peor. Sur le banc des ministres est assis un ancien membre du gouvernement pro visoire, de ce gouvernement qui proclamait sincè rement la liberté pour tous et en tout, et cet homme là conspire aujourd'hui avec un parti intolérant contre les traditions du gouvernemeut provisoire et du Congrès National! Quel douloureux spectacle! L'absurdité des dispositions proposées a paru si évidente sous la parole de M. Defré, que maintefois il a été interrompu par des marques d'approba tion. Il a terminé par l'apologue d'un Roi philo sophe que gênaient le libéral et le catholique et qui proposa un jour au premier de mettre tous les prêtres en prison Tope Ib, fut la réponse libérale; et ainsi fut fait. Mais après le Roi fit subir le même sort aux libéraux et lorsqu'ils se plaigni rent, il leur fit observer qu'ayant laissé violer la liberté envers leurs adversaires, ils n'avaient plus le droit de l'invoquer pour eux. L'apologue a été compris. Après la levee de la seance, la plus vive anima tion s'est fait remarquer dans la salle. MM. Rogier, Frère, B. Dumortier, Muller, J. Jouret et Louis Goblet, entourés de la plupart des représentants, discutaient avec vivacité.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1859 | | pagina 2