42me Année.
Samedi 19 Mars 1859.
N° 4,327.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
TRIBULATIONS D UN GASTRONOME.
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 3 MOIS.
7PB.ES, 19 MARS.
REVUE POLITIQUE.
Une nouvelle note a paru au Moniteur fran
çais. Elle a surtout en vue de rassurer V Alle
magne sur les dispositions de Empereur.
L'attitude, constamment hostile tAutriche,
que garde le gouvernement français, le langage
indiscret et provocateur tenu par la presse
semi- officielle, ont surexcité vivement le senti
ment national chez tous les peuples de la
Confédération germanique. L'Allemagne s'est
portée solidaire de l'Autriche. Elle a senti que
tout affaiblissement de celle-ci est un coup
porté la patrie commune.
Le Moniteur s'étonne des défiances de tAlle
magne, les qualifiant d'injusleset d'irréfléchies.
On accuse la France, dit il. d'entretenir des
ambitions qu'elle a désavouées, de préparer
des conquêtes dont elle n'a pas besoin, et l'on
s'efforce,par ces calomnies,d'effrayer l'Europe
d'agressions imaginaires dont la pensée n'a
même point existé.
Il n'est pas croire que les assurances paci
fiques du journal officiel parviennent persua
der les esprits. La Bourse n'a accueilli Carticle
du Moniteur que par une baisse nouvelle, et le
langage des écrivains, qui se vantent d'expri
mer le plus fidèlement l'idée politique du gou
vernement, ne tient aucun compte des désaveux
de la feuille officielle. Il faudra donc pour
rendre le calme aux esprits que bientôt les actes
du cabinet des Tuileries confirment ses paroles.
Le désir de la paix est sincère Berlin
comme Londres. L'Autriche est disposée
toutes les concessions compatibles avec sa
dignité, son honneur et ses intérêts. Il n'y a que
(Suite. Voir le a" 4.3?6 du Propagateur.
On n'avait pas fait cent pas que le postillon
descendit de cheval.
Qu'y a-t-il, postillon? demanda Cambacérès.
Oh! rien, notre bourgeois; la sons-ventrière du
maillet s'est détachée l'ardillon vieDt de tomber
sur le chemin, et comme il y a un pied d'eau, le
diable ne le retrouverait pas... Si nous retournions,
notre bourgeois?
Il en coûta encore un napoléon Cambacérès
pour décider le postillon aller en avant. Les
chevaux ne voyaient pas la roule, ou étaient aveu
glés par les éclairs qui embrasaient l'horison; le
tonnerre tombait et là dans des bouquets d'arbres
épars dans la plaine et la pluie pénétrait jusque
dans le cabriolet. Le postillon se retournait de
temps en temps vers le malencontreux voyageur.
Chieo de temps, disait-il; pour moi, ça ne me
fait rien, j'en ai bien vu d'autres; mais ce qui
m'inquiète, ce sont mes pauvres chevaux et vous
notre bourgeois... un homme d'âge.
L'arcbichancelier commençait, en effet, a se
trouver mal h l'aise. Il avait froid, la pluie lui
les prétentions révolutionnaires du Piémont qui
puissent faire éclater une guerre. On ne peut
pas faire un crime t Autriche d'armer en
présence des armements énormes du royaume
sarde. On ne peut pas faire un crime aux
Etats allemands de s'inquiéter pour eux-
mêmes la veille d'une levée de boucliers
contre l'Autriche, surtout lorsque la presse
française, impérialiste et ultra libérale, montre
derrière le Piémont le bras de la France près
d'agir et ne demandant qu'à agir. Et cepen
dant, on le sait, cette presse n'est point telle
ment libre sous le régime actuel qu'il ne
dépende du gouvernement de C arrêter tout
court dans son œuvre d'excitation et de provo
cation. Ainsi le Siècle, qui ton prêle des
relations intimes avec le gendre du roi de
Piémont, revient plus que jamais la révision
complète des traités de i8iâ, au profit de la
France. Ce que nous voudrions, ajoute-1 il,
nous croyons l'avoir dit bien des fois; mais il
ne nous coûte pas de le répéter s nous voudrions
que l'Autriche lut complètement exclue de l'Italie.
Entre temps le Piémont continue son mou
vement en avant et rallie tous les aventuriers
de la Péninsule sous le drapeau de Garibaldi,
l'ancien général de Mazzini. Rien n'annonce
que M. de Cavour recule devant l'abîme qu'il
a creusé sous le trône de Victor-Emmanuel.
En Piémont tout le monde est convaincu qu'il
veut la guerre tout prix et qu'il la fera.
L'enjeu de la partie que joue M. de Cavour,
dit une feuille savoisienne le Courrier des
Alpes, est connu. Huit ans de la vie d'un peuple,
huit ans pendant lesquels toutes ses ressources,
toutes ses forces morales et matérielles ont été
exploitées, dirigées vers un but unique pour
suivi avec une incroyable obstination, et au
risque de compromettreen cas d'insuccès, ce
fouettait le visage, et quoiqu'on vantât beaucoop,
alors, la vigueur de son esprit et son courage
moral, il ne craignait pas moins le tonnerre et
tous les accideuts qui peuvent survenir pendant
un orage Cambacérès avait peur. Il fallait cepen
dant aller en avant et gagner le premier relai. Le
postillon, honteux des'être montré plus pusillanime
que son bourgeois, avait raccommodé la sous-ven-
trière de son cheval comme il l'avait pu, et il
éperonnait le bidet qu'il montait en sifflant l'air
alors fort en vogue de M. Dumolet.
Voilà un orage, peosait-il, qui durera jusqu'à
demain..., Je coucherai Arpajon... Il y a au
Cheval blanc un petit via auquel j'ai deux mots
dire.
On arriva sans encombreà Arpajon là l'honnête
postillon donna un dernier conseil Cambacérès.
Notre bourgeois, lui dit-il, voyez comme le ciel
est noir, les coups de toouerre se rapprochent, la
pluie redouble... la nuit va être terrible... Noos
avons mis deux heures et demie pour arriver
Arpajon; il vous faudra quatre heures pour gagner
le relai prochain... et m'est avis que vous pouvez
rester en route... Mon camarade est uo jeune
homme qui est capable de vous jeter dans un fossé,
et ça me ferait de la peine, car j'ai de l'amitié
pour vous; vous m'avez l'air d'uo honnête père de
peuple et son avenir voilà l'enjeu du comte
de Cavour.
t nr
La Chambre des Représentants a entendu mer
credi un rapport sur une pétition de négociants en
dentelles de Gand, qni réclament contre le droit de
patente que M. le ministre des finances veut
imposer aux écoles dentellières. La commission a
conclu au renvoi de la requête M. le ministre des
finances.
MM. Rodenbach et Tack ont appuyé les récla
mations des pétitionnaires. Ils ont donné des
explications sur les écoles dentellières et ont
démontré que, fondées dans un but charitable, dans
celui de fournir du travail la classe ouvrière, qui
seule en retire tous les bénéfices, elles ne pouvaient
être assujetties au droit de patente.
M. Frère a pris la parole pour essayer de justifier
la mesure qu'il s'est avisé seulement de preudre
après avoir été pendant six ans la tête du dépar
tement des fioaoces. Pendant ces six années M.
Frère, ne s'est pas aperçu une seule lois que la loi
sur les patentes était violée ce n'est qu'après avoir
été illuminé par les éclairs de son cri de A bas
les couvents! que cette idée dans son cerveau se
trouva. Admirable effet d'un cri révolutionnaire!
M. le ministre des finances s'est plaint amèrement
de ce que la presse catholique l'avait dépeint comme
un ennemi de la religion, comme inspiré par une
haine sauvage contre l'élément religieux, comme
prenant des mesures vexatoires l'égard des cou
vents; mais nous le demandons M. Frère lui-
même, que dirait-il si nous le représentions comme
uo défenseur de la religion, comme uo partisan de
l'influence religieuse, comme uo ministre plein de
bienveillance pour les couvents? Ne prendrait-il
pas nos paroles pour une ironie sanglante? C'est
lui le dire. Il ne nous coûtera rien de le dépeindre,
six fois par semaine, comme un homme pieux,
plein de zèleet de ferveur pour notre très sainte
famille, et je ne voudrais pas qu'il vous arrivât
malheur... Croyez-moi, restez Arpajon et allez
au Cheval blanc, fameuse auberge! où il y a de
boo vin.
De bon vin? dit Cambacérès en faisant la
grimace.
Du vin de la comète, dit le postillon... Et,
ajouta-t-il, vous y ferez un boo souper.
Un boo souper! s'écria Cambacérès, dont la peur
et l'orage avaient encore augmenté l'appétit, et
que me donnera-t-on manger au Cheval blanc?
Le meilleur lard de Seine-et-Oisenotre
bourgeois, et du boudin... ah! du boudin VOUS
m'eu direz des nouvelles.
L'arcbichancelier n'aimait pas l'omelette au lard,
et il n'avait jamais entendu vanter ni par d'Aigre-
feuille ni par Grimod de la Reyoière le boudin
d'Arpajon. Cependant l'orage était devenu une
tempête, et il n'était pas prudent de continuer sa
route. Il se laissa donc conduite au Cheval blanc.
C'est uo richard, glissa le postillon dans l'oreille
de l'bôtesse; il m'a donné deux napoléons pour
les guides.
Très-bien, mon garçon, répondit l'bôtesse
demi-voix, je te remercie de me l'avoir atnené
tu auras une bouteille de vin cachetée.
Monsieur couche ici? dit-elle Cambacérès; je
vais lui faire préparer la chambre bleue.