Mercredi 23 Mars 1859.
No 4,328.
42me Année.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
TRIBULATIONS D US GASTRONOME.
II.
LE PROPAGATEUR
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
POUR LE DEHORS FR. 7*50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 3 MOIS.
7PE.SS, 23 MARS.
REVUE POLITIQUE.
La mission de lord Cowley a Vienne, son bnt
ainsi que ses résultats restent encore une énigme et
fournissent entre-temps matière aux suppositions
les plus diverses. Tout ce qui parait eo avoir
transpiré de plus sur, c'est que le diplomate anglais
a trouré l'empereur d'Autriche et son gouverne
ment animés des meilleures dispositions, prêts b
faire toutes les concessions raisonnables, mais con
vaincus que dans le camp adverse l'on veut la
guerrede parti pris. Lord Cowley, de retour b Paris, a
eu des entrevues très fréqueDtesavecM. Walewski.
Toujours est-il que les epérances pour le maintien
de la paix ont repris ces jours-ci du terrain, et les
fonds publics ont haussé b la bourse de Paris.
Les feuilles qui poussent b la guerre, ne désar
ment pas cependant. Il y a uu parti pris chez elles
de surexciter les passioos contre l'Autriche, et le
Siecle commence b diriger contre les partisans de
la paix la vieille accusation d'être du parti de
l'étranger. Hélas! dit une correspondance pari
sienne, l'étranger a alors beaucoup de partisans en
France, même dans le conseil de l'Empereur, même
daus ses amis les plus intimes; le parti de la paix,
c'est la France même qui ne demande que le calme,
le repos et qui ne comprend pas qu'on renooce au
bien inestimable de cette paix précieuse pour
l'humauité, féconde en bienfaits de tout genre,
pour aller agrandir le Piémont ou essayer d'établir
l'unité italienne, cette chimère qui u'a jamais
existé.
La note du Moniteur, dont nous avons rendu
compte dans notre dernier n*, met naturellement
en émoi la presse allemande.Cette noteo'esl qu'une
variante du discours du trône, adressée non plus b
la France, mais b l'Allemagne par laquelle le gou
vernement français se plaint d'avoir été incompris.
Il est de fait qu'elle oe contient que des généralités,
(Suite. Voir le n° 4>^a7 d" Propagateur.
Ce repas, que Roussel appelait un souper, allait
être pour Cambacérès un véritable dîoer, puisqu'il
était b jeun et qu'il se mettrait b table b l'heure
peu près où il dîoait b Paris. Il était, eu effet, sept
heures du soir et il fallait renoncer b l'espérance de
regagner la capitale avant le lendemain dans la
matinée. L'infortuné se soumit b son destin et il
eut une pensée pour ses convives qu'il laissait ainsi,
malgré lui, dans l'abandon. Quelques mois aupa
ravant, il avait eu un exemple de la détresse où son
absence jetait ses commensaux ordinaires: on quart-
d'heure avant de se mettre b table, un ordre de
l'empereur l'appela sans retard au conseil d'État
le moment était mal choisi; mais il fallut obéir. Il
partit en promettant un prompt retour, et quatre
heures se passèrent sans qu'il pût déserter le conseil
il revint donc chez lui b dix heures do soir. On
l'avait attendu, et en entrant dans son salon, les
qui n'engagent ni dans un sens ni dans un autre.
Toutefois le Moniteur, s'il tenait b rassurer l'Alle
magne, n'a recueilli qu'on succès fort négatif.
Avances et menaces ont également piqué au vif la
susceptibilité germanique.
On se trompe étrangement, dit une feuille
prussienne et libérale, si l'on croit b Paris que nous
nous seotirons flattés par l'éloge de la Prusse daus
le Moniteur. Un tel éloge ser> irait plutôt b éveiller
la défiance sur le point de savoir si tout l'article du
Moniteur n'a pas pour but de recommencer
l'ancien jeu et de semer la défiance entre la Prusse
et l'Autriche. La Prusse ne se laissera détourner de
son attitude bien réfléchie oi par la louange ni par
le blâme. Dans toute guerre de conquête la Fraoce
reoconlrera dans la Prusse on adversaire décidé.
Cet article (du Moniteur), dit la Gazette
francfortoise, n'est qu'uoe continuation de l'an
cienne fantasmagorie par laquelle on voudrait, dans
le conflit actoel, faire paraître l'Autriche comme la
partie agressiveC'est très-louable de la part du
Moniteur de uous dire comment le peupleallemand
doit penser et seutir, et de nous assurer que
l'Allemagne n'a rien b craindre pour son iudé-
peudance. C'est-ce que nous croyons aussi
seulement, ce n'est point sur les bords de la
Seine, mais Berlin, Fienne, Munich que
nous en chercherons la garantie.
La presse autrichienne n'est naturellement pas
la moius ardeute b démolir la malencontreuse note.
Le Moniteur, dit l'Osl Deutsche-Post, parle
du haut de son trône aux États et aux peuples
allemands. Il loue ies uns et blâme les autres,
se montre affable envers les uns, hautain envers les
autres, menaçaut b l'égard des troisièmes. Evidem
ment l'auteur de cet article s'est inspiré d'une
proclamation publiée par \e Moniteur en t8o5 ou
1806, et l'on croit entendre la voix grondeuse du
vieil Empereur au petit chapeau, signifiant ses
avertissements b la Confédération du Rhin, au
royaume de Westphalie et au prince primat.
Tout l'article de IOst-Deutsche-Post est sur
convives affamés le saluèrent d'un hourrah qui
avait l'air d'un gémissement.
Parmi tous ces affamés, le plus malheoreux, dit
un témoin oculaire, était le bon d'Aigrefeuille son
corps n'était que souffrance, et la douleur du Lao-
coon était sur soo visage. Pâle, égaré, ne voyant
rien, il vint se hucher sur uu fauteuil, croisa ses
petites mains sur son gros ventre et ferma les yeux,
non pour dormir, mais pour attendre la mort.
Hélas! lorsque l'archichancelier revint, il était
trop tard, le moment de l'appétit était passé, on
avait l'air étonné de commencer b dîner b une henre
aussi indue, et daus la nuit plusieurs convives
furent incommodés.
Les commensaux dn palais allaient se trouver
dans un cas pareil et plus grave encore, puisque le
retour de Cambacétès ne s'effectuerait pas, et que,
comme on igoorait le lieu où il était allé, soo
absence causerait une véritable inquiétude. Qui
sait même si le Journal de Paris ou celui de
l'Empire ne ferait pas de cette disparition un
événement politique! Ce fut dans ces mauvaises
dispositions qu'il prit place b table, a côté de M11'
Rose. On servit un potage dont l'aspect seul décida
ce ton, et c'est ainsi qu'il relève les reproches de
la note du Moniteur, faisant sonoer haut le mérite
qu'eût l'Empereur, en montant sur le trône, de
n'avoir point voulu racheter les souvenirs de i8t4
et i8i5, et c'est du même ton qu'il rappelle et la
déclaration de Napoléon III, lors de son avènement,
de respecter les traités, et l'empressement que met
l'Autriche, toute la première, b le reconnaître,
entraînant les autres gouvernements b l'imiter.
La Gazelle nationale réplique au Moniteur
avec non moins d'amertume.
Qu'est-ce que cela sigoifie, dit-elle, que
l'Empereur nous félicite de ce qu'il n'a pas dès soo
avènement pris les armes pour nous punir de
1813, 1814 et 1815 Il sait mieux que personne
que cette politique eût ressuscité la coalition d'alors
et amené sa chute soudaioe. Depuis qu'il est par
venu b prévenir cette coalition par la guerre
d'Orient, nous n'avons pas vu de sa part une seule
preuve de modération, mais bien une série noo-
inlerrompue d'actes injustes, d'immixtion et de
démonstrations inquiétantes qui ont tenu l'Europe
en haleine et porté atteinte b l'indépendance des
États on peu faibles.
On pourra juger par ces quelques extraits des
feuilles des différentes parties de l'Allemagne de
la surexcitation des esprits au delà du Rhin.
En dehors de la question de la guerre ou de la
paix, la Gazette autrichienne s'attache b justifier
l'Autriche du reproche de chercher b dénationaliser
le f.ombardo- Véniiieo. L'Autriche a rétabli dans
ces pays l'ancienne organisation communale qui
leur garantit un self-government que non-seule
ment les autres proviucesautrichienncs, mais beau
coup d'Étals européens, pourraient envier au
royaume lumbardo-vénitien. Les lois générales de
l'Autriche sont en vigueur en Lombardie, mais
jamais on n'a porté atteinte b la nationalité ou b
l'existence individuelle du pays. Non-seulement on
a respecté rigoureusement dans l'instruction publi
que et l'administration la langoe et les usages du
pays, mais le gouvernement est loin d'appartenir b
Cambacérès b n'y pas goûter. Mu* Rose avait
déclaré, en se mettant b table, qu'elle ne mangerait
qu'un oeuf frais. Le charretier Dunkett s'accom
moda d'une copieuse assiettée, qu'il avala avec
grand appétit Roussel déclara qu'il se conformerait
an goût de M. Ducotnun, et le potage fut enlevé
presque intact.
A ce premier service succéda une omelette con
fectionnée avec ce lard tant vanté par le postillon
qui avait conduit Cambacérès ati Cheval blanc.
Au seul fumet du plat malencontreux, le courrier
déclara qu'il n'y toucherait pas. Le lard, suivant
lui, était rance et les œufs suspects.
Doooez-moi deux œufs frais, si cela vous est
possible, demanda Cambacérès b l'hôtesse.
Avez-vous point de la choucroute? dit le char
retier alsacien.
La cabaretière (car elle méritait ce nom), n'avait
plus b offrir b ses hôtes qu'une salade équivoque et
dont les feuilles nageaient dans le vinaigre. Alors
le charretier demanda avec énergie un morceau
de fromage parce que disait-ilil était décidé b
ne pas mourir de faim.
Ni moi, non plus, s'écria Roussel. Le courrier