Londres, jeudi, 28 avril.
Le Time» assure que deux traités d'alliance
existent entre la Frauce et la Russie.
Far le premier la Russie s'engage, si la guerre
éclate entre l'Autriche et la Frauce, li assister la
France par la coopération de sa flotte dans la Bal
tique et dans la Méditerranée, et h placer un corps
d'observation de 5o mille hommes sur la frontière
autrichienne.
Le second prévoit l'éventualité d'une iovasion
de l'Autriche en Piémont, et il contient l'engage
ment, de la part de la Russie, de déclarer la guerre
h l'Autriche, dans la quinzaine qui suivra la viola
tion du territoire sarde.
Le Times suppose que le premier de ces traités
existe depuis quelque temps.
DÉPÊCHES ITALIENNES.
Florence, 27 avril.
Aujourd'hui le grand-duc a réuni le corps
diplomatique et lui a déclaré qu'ayant chargé le
marquis de Lajalicode former un nouveau cabinet
celui-ci et ses amis avaient exigé de lui son abdica
tion; que ne voulant pas abdiquer et se voyant
d'autre part abandonné par ses troupes, il était
décidé li quitter la Toscaue avec sa famille.
Pendant toute la journée les soldats fraternisant
avec la population oui parcouru la ville en chantant
des airs patriotiques et en criant Vive l'Italie
vive la France!
L'ordre n'a pas été troublé du reste.
Ce soir le grand-duc est parti pour Bologne avec
uue escorte d'bonoeur.
Le gouvernement provisoire est composé pour le
moment de Permuzzi, Daozini, Malenchini.
Ou attend pour demain le général Ulloa qui
prendra le commandement des troopes.
Gènes, le 27 avril.
On annonce de Spezzia que des troubles oot
éclaté dans les duchés.
A Massa les prisooniers politiques ont été délivrés.
Les communications télégraphiques sont inter
rompues entre Carrare et Modèoe.
^-TïTiiQ«Qrg—
REVUE POLITIQUE.
Nous nous abstiendrons aujourd'hui de rassem
bler dansonerevueséparéelesoouvelles principales
du jour. C'est, en effet, h ce point qu'elles se
précipitent que la nouvelle de hier est déjb vieillie.
Nous renverrons donc nos lecteurs aux dépêches
télégraphiques et aux nouvelles de pays étraoger
consignées dans le corps du journallaissant
Arrière! lui dit son camarade, ne voix-tn
pas que sa vie est maintenant empoisonnée? Si
nous la tuons, ton père oe nous accusera pas; et
nous pourrons eolever toute la caisse, qui conlieot
quatorze mille florins.
Je ne veux pas qu'on la tue, dit Siméon
avec force. Tu me tueras avaut-elle. Allons-
nous en.
Puisque tout est découvert, reprit l'autre,
nous n'avons rien h ménager. Prends donc ces
deux sacs, et .partons si tu le veux.
En remettant b Siméon deux groupes de florins,
que celui-ci prit d'un air hébété, Théodore lui fit
signe de sortir. Mais le jeune homme ne voulait
pas laisser son compagnon seul avec Michelle. La
servante oe cessait de snpplier et de pleurer; elle
parlait de son maître; elle rappelait aux deux
coupables les principes de la probité et de l'hon
neur. Elle les priait, au nom de Dieu qui voit tout;
elle les menaçait de la vengeance céleste. Mais,
sans l'écouter, et sans que Siméon, qui s'épuisait
la rassurer, s'en aperçût, Théodore avait vidé la
caisse. Chargé de tout ce que son jeune cousin
n'avait pas voulu prendre, il prit le bras de Siméon.
Partons, lui dit-il; nous sommes hors
d'embarras; nous irons h Madrid; nous écrirons h
ton père. Il faudra bien qu'il pardonne.
toutefois b leur bon seosb démêler les bruits faux,
les nouvelles invraisemblables que forgent et
qu'accréditent l'esprit de parti, les préveutions de
oatiooalilé ou les exigences d'une mauvaise cause,
d'avec les faits authentiques et basés sur des
témoignages dignes de créauce.
Maisce n'est passeulernent dans lesimple énoncé
des faits que réside tout l'inléiêt des uouvelles du
jour; elles doonent lieu de la part des publicistes
el des hommes d'état b des considérations souvent
d'un haut intérêt. Entre tous nous sigoalerons la
récente brochure de M. Ad. Dechainps, sur le
Second Empire. Qu'il nous soit permis d'en
reproduire ici un léger extrait et de faire ressortir
après lui le volte-face politique inattendu que la
France vient d'accomplir.
a La situation extérieure de l'Empire, dit il,
comprend trois époqnes qui correspondent trois
politiques. La première est l'époque de la guerre
de Crimée; c'est l'alliance occidentale et la haute
fortune qu'elle apporte b l'empire. La seconde date
du Congrès de Paris La France se rapproche de la
Russie et se sépare de l'Autriche, en nourrissant
l'espérance vaine de ne pas rompre l'entente avec
l'Angleterre. La troisième naît après l'attentat du
i4 janvier; c'est l'alliance avec le Piémont et
le mariage sarde qui la caractérisent; c'est la
rupture de l'alliance occidentale et la menace d'une
guerre générale et révolutionnaire qui la signalent.
Napoléon III trouve la France dans l'isolement,
entourée des défiances européennes; un coup de la
fortune ou de la Providence ouvre la guerre
d'Orient d'où sort la triple alliance occidentale;
l'empire, par la gloire des armes et le bonheur de
sa politique, ne se trouve pas b la suite, mais b la
tête de cette forte alliance et il la domine; il rend a
la France la gloire militaire dont elle avait été
depuis loogterups sevrée et eo même temps lui
conserve la paixcondition de sa prospérité
intérieure.
Napoléon III, appuyé sur l'Angleterre, assurait
la sécurité de la France et la paix de l'Europe;
appuyé sur l'Autriche qui engageait inévitable
ment la Prusse après elle et qui lui apportait
l'influence germanique tout entière, il arborait le
principe conservateur que l'Autriche représente
appuyé sur Rome, il participait b la force du
principe religieux et catholique dont l'Eglise
dispose. Il avait fait de la France la première des
puissances militaires, la première des puissances
conservatrices, la première des puissances catho
liques.
Obi dit Siméon, Michelle ne nous trahira
pas. Elle dira que des voleurs sont venus. Adieu,
Michelle; plains-moi.
Alors la paovre fille fit un nouvel effort. Rete
nant son jeune maître par le bras
Ne volez pas, dit-elle; au nom du Seigneur,
ne volez pas votre digne père! Si vous avez fait
des fautes, paovre jeune homme, s'il vous faut de
l'argent, demandez-le b M. Balthasar; confiez-lui
vos peines, il ne vous repoussera pas; et s'il le
faisait, je le prierais, moi, de vous écouter, de vous
donner mes gages b venir; je le servirais pour rien
le reste de ses jours. Mon enfant, je vous ai servi
de mère, écoutez-moi...
Théodore, tandis qu'elle parlait, tirait Siméon
de l'autre côté, pressé qu'il était de fuir, Michelle
se jetant au devant de lui
C'est vous, dit-elle, qui me perdez et qui
perdez mon jeune maître. Car qui accuserai-je?
Si je vous nommais, vous auriez votre appui dans
le fils de la maison. Mais Dieu vous punira; vous
le voyez Ib-bas qui vous menace.
En disant ce mot, elle indiquait du doigt par la
fenêtre la lune dans son plein, coupée en quatre
par une croix noire qui semblait appliquée sur sou
disque d'argent. Théodore recula d'un pas. Mais
en une seconde il se rassura. Celte vision, qui lui
L'Europe de 181Ô était dissoute, avec les
alliances qui la constituaient. Napoléon III avait
rencontré la fortuue inouïe de prendre celte
éclatante revanche de Waterloo, avec l'aide de
l'Angleterre et de l'Autriche. Il marchait visible
ment b la suprématie européenne; il avait trouvé
son étoile et commeut l'avait-il trouvée? En ne
cherchant pas b créerb précéder les événements,
b les précipiter, b les faire se cabrer en les fouettant,
mais eo se bornant modestement a les suivre et a
s'en servir avec sagesse et habileté.
Il ne lui restait plus qu'b jouir des fruits de
cette politique extérieure, eu consolidant la situa
tion, b donner b la France, après une guerre
glorieuse,une paix féconde qu'on lui avait promise,
b semer dans ce sol labouré par les révolutions des
institutions forteset vivantes quela liberté politique
plus tard aurait couronnées, b fortifier les digues
opposées b la révolution, qui était domptée, mais
qui ne se croyait pas vaincue, b ramener b l'empire
les classes politiques indifférentes ou hostiles, b
conquérir la religion,la morale, l'aisance,
cette partie encore si nombreuse de la popula
tion qui, au milieu d'un pays de foi et de
croyance,connaît a peine les préceptes du Christ
qui, au sein de la terre la plus fertile du monde,
peut peine jouir de ses produits de première
nécessité. (Disc, de Bordeaux.) Il ne lui restait plus
enfin que des ruines relever, des faux dieux
abattre et des vérités faire triompher. (Id.)
De celte situation d'hier, jetez directement le
regard sur la situation d'aujourd'hui, et mesurez la
distance qui les sépare: Au lieu de cette grande
alliance occidentale b la tête de laquelle on se
trouvait et qui ouvrait de si admirables perspectives
b la France, on se met b la suite de la petite
alliaoce du Piémont qui lui-même est b la suite des
réfugiés, b la suite de la révolution réveillée,
encouragée, excitée, beaucoup plus sûre aujour
d'hui de tout bouleverser que M. de Cavour n'est
sur de vaincre. On marche vers la rupture avec
l'Angleterre, qu'on avait juré, d'éviter, en courant,
b travers les hasards, après l'alliance de la Russie
que peut-être on n'atteindra pas. On consomme la
rupture avec l'Autriche, eo ressuscitant au bénéfice
de cette poissance, le mouvement germanique de
1815. On prépare la rupture avec Rome, qui n'a
jamais profité b personne. On alarme l'Europe
qu'on avait rassurée; on inquiète les intérêts con
servateurs et religieux qu'on avait accepté la mis
sion de défendre. Les traités de i8i5, rerois
avait semblé un prodigeétait produite par la
croix de l'église de Saint-Jean, qu'on voyait an
loinet derrière laquelle passait la lune. Cette
croix, élevée s quatre cents pieds du sol, termi
nait une flèche élégante qui n'existe plus, mais
qui s'effilait, gracieuse et légère, sur la tour de
Saint-Jean, aujourd'hui Saint-Bavon.
Ce signe que vous méprisez me vengera, dit
encore Michelle avec désespoir.
Théodore, avec on sonrire sardom'que, proféra
un triste jurement et repoussa violemment la
servante, qui tomba contre la porte, où elle resta
évanouie.
Le jour commençait b poindre lorsqu'elle revint
b elle. Elle se trouva seule; elle se rappela tout ce
qui s'était passé comme un rêve épouvantable.
Mais la caisse ouverte et vide, ne pouvait lui laisser
de doutes sur son malheur. Son cœur se déchira, et
elle pleura de nouveau avec amertume.
Je suis perdue, dit-elle, perdue b jamais.
Sa lete s'égara; elle ne se sentit plus la force
de soutenir le regard de son maître; et, sans savoir
ce qu'elle faisait, elle s'enfuit; elle marcha comme
une machine jusqu'à Zotteghem, où elle arriva chez
sa mèrequila voyant décomposée et n'en
pouvant tirer une parole, la fit mettre au lit.
I {Pour être continué.)