43me Année. Mercredi 12 Octobre 1859. No 4,385. FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE. 7PRSS, 12 Octobre. REVUE POLITIQUE. DES SOCIÉTÉS SECRÈTES. Les sociétés secrètes dominent de nos jours chez tous les peuples, et jouent un très-grand rôle dans presque tous les gou vernements. Si l'on examine d'un œil at tentif le caractère de notre siècle, l'histoire des nations de l'Europe, les faits contem porains; si l'on recherche les causes qui ont amené tant de révolutions, dans un si court espace de temps, on aperçoit bientôt l'intervention criminelle,la main impitoya ble des sociétés secrètes; celte main qui brise et détruit tout ce qu'elle rencontre sans pouvoir élever autre chose en place. C'est un fait admis par les hommes les plus instruits, par les témoins les plus intègres. Qui prétend le contraire, méconnaît l'état actuel de l'Europe, fait preuve de vues res treintes, de connaissances bornées; et l'on peut dire de lui, qu'il n'a jamais passé le seuil de la maison paternelle ni quitté le coin de son feu. Oui, l'Europe entière rend témoignage de la puissance des sociétés secrètes qui minent sourdement les bases sociales; et chose singulière! les rois les connaissent, les peuples en redoutent les fureurs; ce pendant et rois et peuples se laissent sou vent prendre aux pièges trompeurs qu'elles savent si bien dissimuler. Les sociétés secrètes ont pour emblème un serpent, elles ne pouvaient se choisir une image plus juste ni plus frappante; comme le serpent cache sa tête sous l'her be et ne présente l'attaque que le do's et la queue, ainsi les sociétés secrètes déroben t auxregardslechef qui les dirige. Traquées, déconcertées tant de fois, et comme cou pées en tronçons, elles renaissent, hydres modernes, des débris de leur corps en lambeaux, pour distiller un venin plus perfide. Pour se former une juste idée de l'or ganisation des sociétés secrètes, et bien comprendre leur influence, il faut les ran- LE PROPAGATEUR pour la ville 6 fr. par an, 4 fr. pour 6 mois, 2-50 pour trois mois. pour le dehors fr. 7-50 par an, 5 fr. pour 6 mois, 2-75 pour 3 mois. La dépêche annonçant le meurtre affreux du comte A*iti, a provoqué un mouvement d'horreur dans tontes les âmes. Voici bien l'oeuvre de la révolution. Celle-ci montre enfin sa face. Le comte Avili, ancien colonel des troupes de Parme, passait, le 5, par la ville, allant k Plaisance il fut reconnu h la station et arrêté. La population instruite de cette arrestation et travaillée par les doctrines k l'ordre du joor en Italie, la population força les portes de la caserne de la gendarmerie où était renfermé le malheureux Avili qui fut entraîné dans la rue et frappé de tous côtés. On lui attacha une corde au poignet et on le traîna par les rues encore vivant. Arrivé devant le café, autrefois fréquenté par le comte, il eut la tête tranchée, d'autres disent sciée sur une table par cette popu lace en délire. Cette tête fut portée triomphalement sur la Grand'Place et posée sur une colonne. Les cris de joie de la multitude augmentaient eucore la terreur de la situation. La garde natiooale et les troupes appelées aux armes arrivèrent quand tout était fioi. Ce qui nous frappe surtout, dit une feuille du parti de l'ordre, daos le récit de la mort du comte Avili, ce n'est pas la rage de la populace qui se jette sur un homme désarmé et emprisonnéqui l'abreuve d'outrages et le meurtrit de coups, qui lui attache une cordeau poignet pour le traîner sur le pavé des rues, qui, non assouvie encore après tant d'excès, lui tranche la tête et promène triom phalement cette tête sanglante! non; ce sont toutes les circonstances qui nous paraissent, josqo'k plus ample informé, établir la complicité des autorités L'arrestation du comte Avili; pourquoi l'a-t-on arrêté? Il passait, simple voyagenr, et la dépêche ne donne pas même h entendre qu'il ait parlé légèrement et avec imprudence; la molle défense de la caserne de geodarmerie, qui a tenu 'a peine une demi heure contre les assaillants; l'absence de tout fonctionnaire sur le théâtre de l'assassinat; la lenteur de la garde nationale et des troupes h intervenir; elles sont arrivées quand tout était terminé! L'émeute avait commencé k six heures; k neuf heures le calme se rétablissait, porte la dépêche; le cadavre avait été transporté1 l'hôpital; la ville était sillonnée par des patrouilles! De recherches, d'arrestations, de poursuites, pas un mot. Les magistrats n'avaient rien dit, n'avaient rien fait! la justice se taisait et elle était inactive! Quelle effrayante impassibilité devant une pareille scène. On annonce que la France retirera son consul h Parme, si justice n'est pas faite des assassins. Est-ce là tout, et le gouvernement français professe-t-il k ce degré sa maxime qu'il faut laisser l'Italie régler elle-même ses affaires? Un article du Constitutionnelauquel on attribue une origine semi-oflicielle, abonde complètement dans le sens de la non-intervention quand même. D'après cet article, le cabinet des Tuileries adopterait complè tement la politique du cabinet de Saiot-James: il regarderait sa tâche comme terminée en Italie, et il bornerait désormais son ambition au tôle de con seiller officieux, dut-il être conseiller impuissant, convaincu qu'il n'a plus maintenant qu'un devoir, celui d'empêcber qu'aucune force étrangère n'in tervienne dans les complications intérieures de l'Italie. C'est VIlalia fare dase sous le protectorat de la France réduite au rôle de seotinelle montant la garde autour de l'Italie et acceptant d'avance tout ce qui s'y fera. Une partie déjà de la presse impérialiste cherche des circonstances atténuantes au meurtre affreux qui vient de souiller les rues de Parme. Elle ne s'épargnera guère non plus k combattre la noble et courageuse intervention de l'épiscopat français en faveur de N. S. Père le Pape, daDs cette lutte où son! engagés les principes les pins sacrés sur lesquels repose l'indépendance de l'Église. Une correspondance romaine assigne k la France on rôle plus conforme k sa dignité et k ses intérêts bien entendus. La France,dit-il, a laissé échapper une magnifique occasion de conquérir une influence sérieuse dans l'Italie centrale et de faire oublier l'origine révolutionnaire de la guerre. Si, après le traité de Villafranca, où elle avait obtenu de l'Autriche toutes les concessions qu'il était possible de lui demander, elle se fot déclarée le champion de l'ordre dans l'Italie, aidant partout au rétablis sement des gouvernements réguliers dont elle avait Stipulé la restauration, doonaot des institutions libérales aux populations d'accord avec les souve rains et rappelant k tous les grands principes d'ordre et de joslice qui rendent les nations puissantes et heureuses, nul doute qu'elle ne se fût acquis toutes les sympathies et la reconnaissance des opinions conservatrices. On eût vu, avec plaisir, dans la majeure partie de l'Italie, l'influence de la France se substituer k celle de l'Autriche et on loi eût su peut-être gré do système nouveau de politi que qu'elle eut inauguré dans la Péninsule. A tort ou k raison l'Italie aspire vers un nouvel ordre de choses. C'était une expérieuce qui pouvait être teutée, mais avec sagesse et mesure, car on sait combien sont péuibles et laborieuses toutes trans formations chez uo peuple. La Fraoce pouvait puissamment contribuer k celte transformation de l'Italie, mais k la condition qu'elle se mît k la tète des idées conservatrices et qu'elle employât tous ses efforts pour les faire triompher en toute circon stance. Sans doute cette manière d'agir aurait excité les cris de la révolution, mais elle n'aurait pas osé remuer en présence des armées victorieuses de l'Empereur. Au lieu de s'emparer hardiment du rôle de restaurateur de l'ordre et de la liberté qu'il pouvait remplir avec tant de facilité, le gouvernement français préféra se tenir complètement k l'écart. Qu'est-il arrivé? C'est que le Piémont a absorbé, k son profit, le mouvement italien et l'a dirigé dans le sens de sa politique révolutionnaire et ce, malgré les conseils et les désirs de la Fraoce. Quels sont maintenant les avantages retirés par la France de son sacrifice de 6o mille hommes et 5oo millions? de la gloire pour ses armes, mais k côté un échec complet pour sa politique. Où se fait ressentir l'influence de la France en Italie? Où ses conseils sont-ils écoulés et suivis? La politique française s'est complètement fourvoyée dans la question italienne. Elle s'est aliéné toute la partie conservatrice du pays en s'alliaot k la révolution, en venant porter le désordre et la confusion dans la Péninsule et en déclarant qu'elle ne prêterait jamais son concours pour le rétablissement des prioces dépouillés de leurs États. Elle n'a pas conquis les sympathies de la révololion qoi trouve qu'elle fait trop peu pour elle, de sorleque la France jouit d'une influence fort minime dans la Péninsule. Signalons eu terminant l'acte d'adhésion que Mazzioi vient d'accorder k Victor-Emmanuel. Osez, lui dit-il, et mon parti toot entier est k votre disposition. Mazzini, le légtcide, salue dans le chef de la noble et catholique maison de Savoie l'un de ses séides les plus actifs et les plus méritants. Le Roi Victor-Emmauoel, n'avait pas encore reçu un pareil outrage.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1859 | | pagina 1