43me Année.
Samedi 23 Juin 1860.
No 4,458.
L'EGOÏSTE.
LE PR0PA6ATEUR.
POUR LA VILLE 6 FR. PAR AN,
4 FR. POUR 6 MOIS, 2-50 POUR
TROIS MOIS.
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
POUR LE DEHORS FR. 7-50 PAR
AN, 5 FR. POUR 6 MOIS, 2-75
POUR 5 MOIS.
7PF»ES25 JUIN.
REVUE POLITIQUE.
L'enlrevoe de Bade n'a point cessé, ces derniers
jours, d'êlre l'objet des préoccupations et des
hypothèses de la presse. Toutefois les journaux
allemands n'attachent point, en général, cet
événement l'importance politique que les feuilles
françaises et celles de Londres lui attribuent. On
prétend eo Allemagne que sans toucher aux ques
tions pendantes de la politique européenne, l'Em
pereur n'aurait fait que renouveler, avec beaucoup
d'insistance, les assurances de son désir de vivre
eD paix avec la Confédération.
A Paris, le bruit a couru qu'avec le Prince-
Régent le souverain français aurait surtout parlé
de la nécessité pour la France et la Prusse de
se tenir en dehors des complications qui pourraient
surgir autour d'elles, soit en Italie, soit en Autri
cheles événements dussent-ils amoindrir ou
mettre eo péril des dynasties plus fortes et pins
puissantes que celles que vient de détruire la
révolution italienne.
Quoiqu'il en soit, l'entrevue de Bade a eu pour
effet de relever singulièrement la position de la
Prusse et de la placer eo quelque sorte b la tête
des États de la Confédération. Après le départ de
l'Empereur, le Prince-Régent a manifesté, devant
les souverains réunis, des velléités de rapproche
ment avec l'Autriche. Le Roi de Wurtemberg, b
son tour, a fortement inéisté pour que l'entente se
rétablisse entre les deux grandes puissances alle
mandes. a Le sort du Rhin, dit on journal de ce
pays, dépend, avant tout, du patriotisme germa
nique. Aussi longtemps qu'il y aura unité de vues,
de principes, d'intérêts eolre les divers États con
fédérés, nul n'oserait revendiquer le Rhin, b titre
de frontière naturelle, quand même le suffrage
universel s'offrirait b fonctionner ici comme il a
(Suite.) Voir le n° 4,4^7 du Propagateur.
Devant les fenêtres de la maison, un pauvre
vieillard était assis depuis une heure, demandant
l'aumône avec des instances réitérées. C'était un
pauvre voyageur car nul de ceux du village
n'aurait osé venir sous les murs de la maison. Les
pauvres connaissaient madame Cardon. Ils l'avaient
stigmatisée par celte phrase qu'ils disaient tous en
la voyant passer C'est celle-là qui ne donne jamais
Ennuyée d'entendre ce pauvre vieillard, elle
sonna brusquement et cria de fsçon b être
entendue de lui
Qu'on me chasse ce mendiant-lb. Vraiment,
si je donnais b tous ceux qui me demandent,
il faudrait que je fusse plus riche que le roi.
Voleurs que tous ces gens-lb ils vous tueraient
s ils étaient seuls avec vous; et il faudrait leur
donner et prendre sur son nécessaire.
- U,) morceau de pain, madame? dit en
s'avançant aux carreaux de la fenêtre le pauvre
mendiant qui mourait de faim.
Comment il ose approcher d'ici, dit-elle en
fonctionné en Savoie et dans les petites souverai
netés de l'Italie. Malheureusement, cette unité de
vues est loin de se manifester au sein de la Con
fédération.
Un télégramme de Marseille annonçait derniè
rement une nouvelle qui paraîtrait au moins invrai
semblable n'était-ce que l'Aogleterre et le
Piémont nous ont appris b ne plus nous étonner de
rien en fait de brutale impudence. Le ministre de
Sardaigne b Naples aurait réclamé la restitution
des hommes et des bâtiments de l'expédition gaii-
baldienne capturés par la croisière napolitaine, eu
alléguant que les personnes qui se trouvaient b
bord étaient munies de passe-ports pour Malte.
Le ministre d'Angleterre, M. Elliot, aurait appuyé
cette déclaration.
La Patrie a nié cependant que le gouvernement
anglais eut appuyé la réclamation de la Sardaigne,
mais ce démenti même confirme le fait de la
réclamation.
Une dépêche de Marseille dément positivement,
sur la foi de nouvelles de Naples, le bruit du
débarquement du colonel Medici en Calabre, mais
elle ajoute que le gouvernement napolitain a
envoyé de nouveaux renforts dans cette province,
qu'il considère comme très-menacée.
Il est malheureusement incontestable que cet
état précaire des choses dans le royaume de Naples
doit, en se prolongeant, avoir pour première con
séquence de miner le crédit du gouvernement,
d'ébranler la confiance de l'armée et de surexciter
les passions et les espérances révolutionnaires. Puis
encore, il est toute une catégorie de gens réputés
honnêtes qui jamais ne manquent de prendre fait et
cause pour le plus fort et pour le plus heureux. Les
victoires multipliées de la force brutale sur le bon
droit et la justice, dont l'histoire de ces derniers
temps est remplie, l'abus scandaleux du principe
facile du fait accompli, ont misérablement dévoyé
les consciences et détraqué le sens moral des nations
comme des individus.
le repoussant avec sou mouchoir, comme une
abeille. Le vieillard tomba sans connaissance. Des
villageois, passant près de lui, l'emportèrent chez
eux. Un peu plus tard il mourait de faim!
Madame Cardon, en refermaut la fenêtre, enten
dit la voix forte et sonore d'un paysan lui crier
avec énergie Malédiction sur vous! malédiction
Elle se retira promptement, rouge de honte et
d'un eflroi involontaire. Elle tremblait de tous ses
membres. Mais la haine ne corrige pas le
méchant. Elle l'irrite, voilb tout.
Pour achever sa puoition, elle eut le malheur de
voir Clary jeter une aumône en se cachant aussitôt.
Mais elle avait été devinée par le paysau Dieu
vous le rende,pauvremartyre! dit-ilea s'éloiguaui;
et il donna au pauvre homme la petite offraude de
Clary. C'était bien le denier de la veuve.
Madame Cardon monta chez sa fille.
De quel droit, ma chère amie, lui dit-elle eu
pinçaut ses lèvres pour adoucir les rudes paroles
qu'elle allait dire, vous établissez- vous en dame de
charité daos ma maison? Est-ce donc si extraor
dinaire, reprit Clary, de donoer l'aumôce b un
malheureux qui la demande?
Niaiserie, dit ia belle-mère, je vous prie de
ne plus recommencer.
Ce qui nous épouvante, dit très-bien une
feuille belge, ce qui nous épouvante dans la
situation actuelle, ce n'est pas tant l'attitude mena
çante des séides de la révolution, que la progression
des idées subversives chez des hommes qui, jusqu'à
présent, s'étaient flattés d'appartenir au parti de
l'ordre et qui, bien que soi-disant libéraux, n'eu
sont pas moins des conservateurs très-peu désin
téressés par état et par position. Eo j848, ces
mêmes hommes arborèrent des premiers le drapeau
de la résistance, ils opposèrent au mouvement qui
entraînait la société, une énergie qui contribua b la
sauver de la ruine. Aujourd'hui nous sommes
témoins d'un spectacle tout différent. Au lieu de
résister au torrent qui les emporte, ils se laisseut
aller b la dérive, avec une insouciance de sinistre
augure. Égarés par d'injustes préventions, ils n'ont
de force que pour combattre la religion, dont ou
leur a fait un épouvantait et qu'on s'obstine b leur
représenter comme le seul ennemi redoutable.
Ce sont ces soi-disants amis de l'ordre, ces
conservateurs d'espèce singulière que M. Laurentie
a en vue: Les fabricants de théories politiques,
dit-il, secondés des journaux révolutionnaires de
toute l'Europe, nous font assister a l'un des plus
tristes spectacles de l'histoire, b savoir, au renver
sement systématique de toutes les nations qui ont
constitué la morale politique chez tous les peuples.
Il y a des révolutions de fait qui n'impliquent
pas l'abandon des principes sur qui repose la
société. Les meurtres, les usurpations, les conquêtes,
sont des cas fortuits qui ne dérogent pas au droit
humain.
C'est pour la première fois, dans toute l'his
toire, que l'on s'efforce de produire une exception
publique b cette loi fondamentale de l'ordre dans
l'humanité. On dirait un dessein arrêté de faire
comme une révolution radicale daos la conscience
publique. Il faudra que la religion, la raison,
l'expérience, les traités, les traditions, tout ce qui
Je vous devine, allez; avec votre air hypocrite,
ne croyez pas que je m'y laisse prendre. Vous seriez
bien aise d'attirer sur vous tous les suffrages, afin
de me laisser de côté, n'est-ce pas?
Oh! fit madame Ernest, sans rien dire
davantage.
Oui, oui, je vous connais bien. Heureusement
on juge entre nous. Vous n'y gagnez rien.
Un silence d'indignation régna dans la chambre.
Madame Cardon avait presque honte de ce qu'elle
venait de dire. Clary en rougissait pour elles deux.
Elle tâcha de détourner la conversation et apaiser
peu b peu sa belle-mère, eD attachant son esprit
sur des intérêts personnels qui pouvaient la distraire
de celui-lb.
Ce n'était pas difficile, attendu qu'elle en avait
beaucoup. Enfin, heureusement pour Clary, elle la
quitta.
Demeurée seule, la pauvre femme, élevant son
cœur b Dieu, lui offrit les mauvaises heures qu'elle
avait b souffrir.
Sa saoté, qui dépérissait chaque jour, l'aidait b
se consoler de tout. Elle voyait promptement la fin
de ses souffrances. Si, réfléchissant sur sa vie
éteinte, elle y comparait celle d'une mère, d'une
épouse heureuse, entourée du bonheur intérieur.