nier attentat, le plus odieux de tous, vient de
consommer? Qui pourrait ignorer toutecette guerre
déloyale, avec ses perfidies et ses violences, ses
calomnies et ses insultes, les sourdes menées, les
provocations ténébreuses, les attaques ouvertes, les
trahisons cachées, les délaissements? Mais je veux
détourner les yeux de ce spectacle. Mon cœur,
comme dit l'Écriture, se trouve plus l'aise avec
les morts qu'avec les vivants, laudavi mortuos
magis quam viventeset mon âme attristée de
tant de hontes a besoin de se reposer près de
la tombe des jeunes héros, qui périrent glorieuses
victimes de ces iniquités.
Oui, ils furent héroïques, ces nobles jeunes gens,
héroïques quand ils partirent car ils allaient se
dévouer la mort, et ils ie savaient; héroïques
quand ils tombèrentcar ils tombèrent en com
battant comme combatteot les braves.
Il est vrai qu'en se dévouant, ils marchaient sur
les traces d'un héros. Il est vrai que, le premier, on
illustre général, un des plus chevaleresques capi
taines de nos grandes armées, avait répondu
l'appel du Pontife délaissé, en loi offrant sa vail
lante épée, et sou nom cher tous les amis de la
valeur guerrière et du nom français et cette grande
résolution qui demeura glorieusement inscrite
dans les fastes de l'honneur, dans les annales de
l'Église et de la patrie, décida, entraîna tous ces
braves jeunes gens ils suivireul ce grand exemple.
C'était d'ailleurs, il le faut ajouter, le, poste le
plus périlleux comme le plus noble; ils le savaient,
ils y volèrent car c'est le péril des grandes
causes qui enflamme les grandes âmes. Ils étaient
donc de ces âmes généreuses qui aiment se dé
vouer au faible et secourir l'opprimé; qui ont
compris ce secret ignoré des âmes vulgaires que
c'est surtout aux jours de l'infortune qu'il est beau
de faire éclater son amour. Ils avaient vu les maux
dont était accablé le Père commun des fidèles:
hi viderunt ma/a quce Jiebant (7). Ils avaient
entendu leur père, leur mère, leur pasteur, les
amis et les ennemis de celte sainte cause, faire le
récit des attentats dont le Saint-Siège était menacé
et frappé; et alors une flamme de cette ardeur qui
avait animé le vieux Matathias et ses fils, s'alluma
dans ces jeunes âmes, et, comme ce héros des an
ciens jouis, chacun d'eux s'écria Malheur moi
vas mi/ii! Ne suis-je donc né que pour voir la
désolation de la cité sainte? TJt quid natus sum
i> videre conlritionem Civitalis Sanclœ? et
i) demeurer là, pendant ce temps, assis, tranquille
et inutile, sous le toit qui m'a vu naître, au coin
démon foyer, et sedere illic? Est-ce donc cela
uniquement que doit servir ma vie et le sang
que m'ont donné mes pères Non, vivre ne suffit
pas en un tel temps, il faut savoir mourir:
Quo ergo nobis ad hue videre (8)?
Et sous ce crisous cette impression de leur
conscience, dans ce profond tressaillement de leur
âme, ils s'en allèrent la fatigue des aunes, aux
périls des combats.
Ils étaieot jeunes, ils étaient libres, et ils parti
rent, laissant la le repos et la sécurité, leur famille
et la patrie, leurs mères, leurs sœurs, tout ce qui
attachelecœur de l'homme sur la terre; que sais je?
peut-être même les affections les plus délicates et
les plus tendres Dieu a connu tous ces sacrifices.
11 y en avait d'autres, parmi eux, qui étaieul
pères de famille; les liens les plus forts et les plus
chers ne les retinreut pas ils avaient déjà beau
coup fait pour l'Église et pour leur pays, ils ne se.
crurent pas, cinquante ans, le droit du repos, ils
paitirent.
11 y eut aussi, disons-le, ce' n'est plus un
secret pour la France, des épouses héroïques
qui répondirent, devant de jeunes petits enfants:
Va, si Dieu te met au cœur ce dévouement, pars,
(-) Mica.Lib. 1, cap. xi. v. 6.
(8) Ibid. cap. ti et aey.
et s'il le faut, meurs Dieu nous gardera!...»
Nobles femmes! vous avez été entendues et obéies!
Ah! messieurs, quand de tels actes, quand de
telles paroles sortent des cœurs, quand il y a encore
de tels cœurs sur la terre, non-seulement il faut là
saloer l'héroïsme, mais il ne faut désespérer de rien.
Et cependant, 00 les railla, on les insulta
l'heure de leur départ; faut-il donc que sur
cette noble terre de France se rencontrent toutes
les extrémités des choses humaines, et côté des
plus grandes noblesses du cœur, des bassesses qui
ne se peuvent dire? mais ils ne se troublèrent
pas plus des interprétations injurieuses que de la
menace des prédictions sinistres.
Ah sans doute, ils quittaient tout et n'espé
raient rien, quand tant d'autres ne quittent rien et
espèrent tout! Sans doute, selon l'antique devise
des preux, ils partaient sans espoir comme sans
peur l'un d'eux m'écrivait Je pars le 25 pour
Rome avec le second de mes fils, sous-officier
exonéré d'un régiment de chasseurs, et quelques
nouveaux volontaires bretons. Nous allous offrir
notre dévouement la plus sainte et la plus
désespérée des causes!
J'abaodonne ma famille et mes nombreux
intérêts en ce monde, pour suivre la mauvaise
fortune de celui qui ont été confiées les pro-
messes éternelles.
Ah! sans doute, ils partaient en petit nombre; ils
ne se comptèrent pas, et au jour du combat ils se
trouvèrent un contre dix et quelquefois deux con
tre cent, et ils ne reculèrent point. Et vous, qui
vous comptez toujours, qui ne vous décidez la
lutte que quand vous vous seotez dix cootre un,
vous vous étonnez Ah je le comprends, tout cela
déconcerte vos pensées et paraît folie votre vul
gaire égoïsme... Il y a des temps, des atmosphères,
où je ue sais quelle vapeur maligne se répand dans
les âmes, les pénètre, les amollit, affaisse tous les
courages et rend iocapable de comprendre le
dévouement et le sacrifice.
Et toutefois, je dois l'avouer, l'égoïsme a eu sa
part aussi dans ce grand dévouement, et je vais la
dire je ne parle pas seulement de ce grand et
sublime égoïsme qui anime les âmes immortelles et
les fait tendre l'éternité; je parle d'un égoïsme
qui a son mérite aussi et sa grandeur.
Il, en avait donc parmi eux, héritiers de grands
noms, possesseurs de grandes fortunes, qui n'esti
mèrent pas que l'oisiveté de leur jeunesse suffisait
h l'honneur de leur nom et au mouvement de leurs
cœurs: cette inutilité sans gloire pesait comme un
remords ces descendants de nos vieilles races; ils
ne savaient comment la secouer. L'appel de Pie IX,
l'exemple du général Lamoricière, vint tout coup
réveiller leurs âmes. La soif du dévouement
l'amour de la gloire, le besoin d'honorer leur vie,
le souvenir de leurs aïeux la séduction d'une
grande action d'un grand péril d'une grande
missioo, s'empara d'eux tout coup et ils s'écriè
rent Allons recouvrer, avec la piété magnanime
des preux, l'aotique héritage de leur valeur
Et ils vinrent de toutes parts, non-seulement du
beau pays de France et de toutes nos meilleures
provincesmais de la religieuse Belgique de la
noble Savoie, de la courageuse Irlande, des bords
du Rhin, de la Suisse, de l'Allemagne catholique:
l'Espagne en euvoie aussi en ce moment. Ils vin
rent des châteaux et des chaumières; car je ne veux
pas seulement ici célébrer les noms connus, les
noms illustres: j'aime et je n'oublie pas les incon
nus, ces braves paysans bretons ou irlandais, qui
n'atiront pas un panégyriste qui puisse les nommer
ici-bas, mais dont les noms désormais sont inscrits
au livre de vie dans le cielquorum nomina
scripta sunt in libro vilce (9), et dans les fastes
de l'éternel honneur. Oui, je suis aise de leur ren
dre cet hommage, et je n'ai pas aujourd'hui de plus
(9) Apoc., cap. xviiv. 8.
douce joie que de ne pas oublier ceux qu'on ou
bliera peut-être sur la terre.
Mais laissons là mes tristes joies, et élevons
encore plus haut nos pensées. Je vous le demande
tons, ne faut-il pas, comme le dit admirablement
quelque part Bossuet, ne faut-il pas qu'il y ait, en
ce qui s'appelle devoir et dévouement, un charme
bien profond, une beauté bien exquise, pour que
ces jeunes gens eu aient été épris? Et, comme
Bossuet l'ajoutait encore Ne faut-il pas que les
grandes âmes aient découvert, aux rayons d'une
lumière divine, un agrément immortel dans
l'honnêteté et la vertu, pour aller s'exposer, je
ne dis pas sans crainte, mais avec joie, des
fatigues immenses, des douleurs incroya-
bles, et quelquefois a une mort assurée, pour
la religion, pour les autels?
Ainsi, par un mouvemeut de foi catholique qui
ne s'était pas rencontré depuis longtemps dans
l'histoire du Saint-Siège, et qui comptera parmi
les plus généreuses inspirations de notre âge, une
armée de volontaires catholiques avait été donnée
au Saint-Père, non pour attaquer comme on l'a
dit bassement, mais pour défendre; pour défendre
chez lui ce qui doit être partout défeudu l'ordre,
la paix, la sécurité des populations, la tranquillité
des familles.... Où est-elle maintenant, celte armée
fidèle, cette troupe héroïque? qu'est-elle devenue?
Considéra, Israël, pro bis qui ceciderunl
super eàccelsa tua, vulnerati. Considère, Israël,
ceux qui sont mo'ts sur tes hauteurs. Les vaillants,
Israël, ont été tués sur tes montagnes, Inclyli,
Israël, super montes tuos interfecli sunt. Com
ment sont-ils tombés, les forts? comment les armes
ont-elles été arrachées des mains de ces guerriers?
Quomodo ceciderunl fortes, et perierunl arma
bellica (10)? Comment? Vous allez l'apprendre.
Ah! je puis raconter leurs malheurs, car c'est
raconter leur gloire; je puis célébrer leurs désas
tres, car ils sont plus glorieux qu'un triomphe. Ils
succombèrent; mais ce fut sous le nombre, ce fut
par embûche, ce fut après une invincible résistaoce!
Tout coup, sans déclaration de guerre, sans
aucun des respects qui sont le dernier rempart de
l'honneur dans le monde civilisé, comme en pleine
barbarie, des masses armées envahissent les pro
vinces pontificales, et aussitôt, l'improviste, après
avoir bien préparé dans l'ombre toute cette glo
rieuse campagoe, marchent sur eux, perrexerunt
ad eos et constituerunt prœlium s'emparent
des hauteurs, les hérissent de fer et de feu, apprê
tent soixante bouches de bronze pour vomir la
mort et, après s'être ainsi sûrement rangés en
bataille, sûrs de leur nombre et de leurs positions,
avec la bravoure qui convient aux guerriers de
cette trempe, ils leur crient Eh bien! mainte-
nant encore nous résisterez-vous? resislitis et
nunc adhuc (ri)?»
Ah sans doute, ils résisteront; car s'ils ne peu
vent pas vaincre, ils peuvent mourir; la mort est
la suprême résistance des âmes insurmontables
l'injustice; et ce cri de l'antique héroïsme sortira
de leur poitrine Moriamur et nos, insimpli-
cilate nostra; oui, mourons tous dans la si m pli—
cité de nos âmes; mourons dans la simplicité et la
force invincible de notre cause et de notre droit;
et ie ciel et la terre seront témoins contre vous
que vous nous écrasez injustement! Et lestes
erunt cœlum 'et terra quod injuste perdilis
nos (12)! .-> (La suite un prochain n°.)
Le Journal de Francfort exprime aujourd'hui
son avis sur la réunion de Varsovie. Il n'admet pas
qu'il s'agisse de réformer la sainte alliance, mais il
ne croit pas non plus a un simple échange de
courtoisie entre les trois souverains
La vérité, dit celte feuille, nous semble être
entre ces deux extrêmes La réunion Varsovie
est la conséquence rigoureuse des entrevues de
Bade et de Tœplitz. C'est dire qu'elle est essen
tiellement politique de sa nature or, sans que l'on
songe le moins du monde rétrograder vers le
passé en voulant renouveler un traité qui dans les
conditions actuelles ne saurait exister, pourquoi les
trois grandes puissances orien laies ne chercheraient-
elles pas a conclure entre elles une alliance qui
(io) I.ib. II, r<%., cap. i, y. 18, 19.
(rai Mach. lib I. cap. n, v. 32, et seq.
(12) Ib., y 3;.