relatioos officielles. C'était la preove qae les deux
gouvernements seraient désormais non-seulement
alliés, mais amis. C'était la preuve que la Hollande
noas serait assez étroitemeot unie pour assister sans
amertume h l'enthousiasme que noas inspire notre
indépendance.
Le roi Léopold s'est avancé avec le duc de
Brabaot la reocontre du roi Guillaume et les deux
monarques se sont serré la main. Les acclamations
ont été vives, ardentes, et tous ceux qui étaient Ik
semblaient consacrer et célébrer cette entrevue
amicale des deux souverains.
Le cortège s'est formé selon l'usage et les deux
princes se sont rendus au palais en traversant les
boulevards. La ville de Liège avait réservé toutes
ses splendeurs d'illumination pour cette réception.
Vraiment, lecoupd'ceil était magique. Le boulevard
de la Sauvenière se marquait d'un bout k l'autre par
deux rubans de feu, rubans relevés, çk et 1k, par des
festons, des chiffres, toutes sottes d'agréments
lumineux. Sur la place du Théâtre et sur la Place-
Verte, c'étaient des entrelacements, des combi
naisons, des dessins, des entassements de verres de
couleurs et de lanternes vénitiennes, d'un effet
charmant. Ajoutez k tout ce flamboiement, une
foule énorme, broyante, frappant l'air de ses
bourras, houleuse, agitée, innombrable. A coup sur,
la plus grande partie des Liégeois valides était sur
pied; il y avait du monde dans tootes les maisons,
mais surtout daus les moindres coins des rues, sur
les bornes et sur les réverbères.
Le banquet dooné par le roi Léopold k son hôte
illustre a eu lieu presque immédiatement après
l'arrivée du cortège au Palais. Les invitations
avaient été faites en petit nombre. Outre la maison
civile et militaire des deux Rois, on ne comptait
guère que les autorités principales de Liège, l'éche-
vin faisant fonctioos de bourgmestre, M. le gouver
neur de Macar, M. le lieutenant-général Fleury-
Duray, quelques autres fonctionnaires, Mgr l'évêque
de Liège, Mgr Mercy-Argenteau, M. le comte
Mercy-Argenteau, M. Ftère-Orban, et M. de
Rossius, président du conseil provincial et consul
des Pays Bas.
A dix heures, la musique du régiment des
guides et la Société de chant la Légia ont donné
devaul le Palais une grande sérénade. La foole
était immense; elle était restée vaillamment en
place depuis l'arrivée du cortège. Les étodiaots de
l'Université de Liège s'étaient joints k la Société la
Légia et lui faisaient uoe brillante escorte de leurs
drapeaux et des mille lanternes qu'ils portaient. La
malade revint k elle. Dès qu'elle eut ouvert la
paupière, ses yeux se portèrent sur la bourse, et se
gonflèrent de laimes. Incapable de parler, la jeune
mère interrogeait du regard Louise, qui ne.com-
prenait rien k cette scène.
Au bout de quelques instants, elle murmura
d'une voix presque inintelligible
Lofant, vois celte broderie; elle représente
les armes de mon père. Ces initiales sont les siennes.
Louise, depuis tant d'années, je crois mon père
mort. Est-ce pour souffrir davantage, que je viens
d'apprendre qu'il vit. Où est-il? Par où se diriger
pour le suivre?... Hélas! hélas! je ne le reverrai,
sans doute, jamais...
Un sourire angélique illumina les traits de Louise.
Dans trois semaines, madame, vous reverrez
votre père. Il a donnérendez-vousau digne pasteur.
Oh! j'a vais bien vu qu'il a votre regard
La craiute de ne plus revoir son père, venait
d'arracher Malhilde des plaintes déchirantes
l'espoir que l'on ramène en son cœnr, est pour elle
une félicité dont le poids l'accable. A peiue ose-t-
elle croire a cette réunion qui mettra un terme a
tant de maux, supportés en silence.
Peu k peu, sa force de caractère reprit néauinoins
le dessus. Elle fit mille questions k la jeune fille
qui se sentait si heureuse de pouvoir y répondre.
séréoade a été très- brillante. On connaît la musique
du régimeot des guides, et l'on sait que sa réputa
tion n'est pins k faire; pour la Légia, elle a cbanté
avec beaucoup d'ensemble et de goût.
Les deux Rois ont paru ensemble k une des
fenêtres dn Palais, et c'a été alors des cris, des
acclamations, des honrrask rendresourd. L'enthou
siasme a redoublé, quand on a vu le roi Guillaume
agiter son chapeau eu saluant la foule. Le spectacle
était remuant et bean.
Tout porte k croire que cette entrevue ne sera
pas sans résultats. Associons la devise belge a la
devise hollandaise: L'union fait la force a, dit
l'une; Je maintiendrai dit l'autre. Eh bien!
maintenons cette union qui fait la force, et la
Belgique et la Néerlande, libres toutes deux, indé
pendantes toutes deox, u'en seront queplus grandes
et plus heureuses-
Ou lit dans le Journal de Liège du 30 octobre
Ce malio, k huit heures piécises, des coups de
canon annonçaient le départ de S. M. Néerlandaise.
Uo détachement de la garde civique k cheval
ouvrait la marche. Le roi des Belges, ayant k sa
droite S. M. Guillaume III et accompagné de S. A.
R. le duc de Brabanl, était en voiture découverte.
Les dignitaires de la cour des Pays-Sas, M. le baron
Gericke, ministre des Pays-Bas en Belgique; M. de
Rossius-Orbanconsul des Pays-Bas, suivaieut la
voiture royale. Elle était précédée par les aides de
camp du Roi.
Dans l'intérieur de la station, un bataillon de
la ligne, de la garde civique et les grenadiers
étaient rangés k droite et k gauche de la tente. Près
du train royal se trouvaient MM. Belpaire et
Fassianx, iugéuieur et directeur du chemin de fer
de l'Etat, en costume officiel.
Le premier échevin, le gouverneur, le lieute
nant-général Fleury-Duray, le conseil communal,
des délégués des divers corps, un grand nombre
d'officieis de la garde civique se trouvaient daus
l'intérieur de la tente royale.
A huit heures et quelques minutes, les accla
mations du dehors annonçaient l'arrivée des deux
Rois. Les voilures arrivaient et sont entrées au
grand trot dans la station. Des hourras immenses
ont accueilli LL. MM. k leur descente de voiture.
LL. MVI. causaient amicalement et portaient
sur leur physionomie l'expression évideute du
contentement. Les acclamations si spontanées, si
énergiques de toute la foule ont paru les émouvoir.
Ils ne cessaient de saluer eD réponse aux hourras, et
Trois semaines, Louise, disait-elle, comme
c'est long pour attendre UDe immense joie Retrou
ver mou père, après eu avoir été séparée pendant
plus de dix-huit années! après avoir pleuré sa
mort! Comment supporter cette pensée?
Malhilde attendait Richard depuis la veille. Elle
lui avait fait annoncer la naissance d'un fils. Ce
retour était ardemment désiré; mais depuis qu'un
changement si merveilleux s'était opéré dans leur
destinée, oh combien ce désir augmentait k chaque
instant
Le soir approchait. Louise consultait le chemin,
et Richard ne paraissait pas- Enfin la jeune fille
courut près du lit de la malade, et lui dit
Soyez heureuse, madame, voilk votre mari
et je ne sais ce qui me porte k le croire, mais il
doit avoir une bonne nouvelle k vous annoncer.
Au même moment entra un homme d'une tren
taine d'années; sa physionomie était douce et
agréable; il portait l'uniforme de caporal bavarois.
S'élançant vers le lit, il s'écria d'une voix où per
çait la plus vive tendresse
Chère Malhilde, combien j'avais bâte de te
voir; d'embrasser notre petit nonvean-né; de
t'aunoncer qu'un ambassadeur de l'empereur
Ferdinand III est venu en personne, nous payer les
soldes ariiétées.
les huorras recommençaient chaque fois avec p|U5
de force.
Avaot de dire adieo, S. M. le roi des Belges a
présenté k S. M. le roi des Pays-Bas les quelques
personnes notables qoi se trouvaient dans |e
pavillon royal.
LL. MM. se sont ensuite avancées sur le devant
de la tente. Le toi Léopold et le roi des Pays-Bis
se soot serré la main k différentes reprises. I|s
paraissaient très-satisfaits. Autant que nous avons
pu comprendre les paroles prononcées, le roi des
Pays-Bas, leoaot la main du roi Léopold, l'a
remercié de l'accueil cordial qu'il avait reçu; j| a
exprimé l'intention que cette entrevue ne soit pas
la dernière. Le roi des Belges a témoigné son bon
heur d'avoir reçu S. M. sur le territoire belge, et a
dit qu'elle conserverait longtemps le souvenir de
celte bonne réception.
Se tournant ensuite vets le duc de Brabant, qui
était k la droite de son auguste père, le roi Guil
laume, lui prenant aussi la main, lui a fait ses
adieux et l'a prié de présenter encore nne fois k la
duchesse de Brabant ses hommages. Le duc de
Brabant a vivement remercié S. M. de cette atten
tion, lui a renouvelé l'assurance de ses sentiments
et de ceux de la duchesse pour son auguste famille
en ajoutant qu'il espérait que cette entrevue serait
suivie de relations plus iotimes entre les denx
dynasties.
Le roi des Pays-Bas et le roi des Belges, qui
pendant ceteinpss'éiaienlavaocés jusqu'au marche
pied de la berline royale, se sont encore salués
cordialement; pois le roi des Pays-Bas est monté
daos la voiture royale, suivi des haots dignitaires
de sa cour.
Tout le monde, y compris LL. MM., était
découvert. Pendant que les officiers qui accom
pagnent le roi des Pays- Bas, son ministre plénipo
tentiaire k Bruxelles, son consul k Liège et les autres
personnes de sa suite montaient dans les voitures
adjacentes, le roi des Pays-Bas a fait remettre ao
duc de Brabant de grands exemplaires photogra
phiés de son portrait.
Le roi des Pays- Bas et le roi des Belges se sont
salués eocore plusieurs fois de la main au milieu des
plus enthousiastes acclamations. Les cris de vive
Guillaume! s'élevaient continuellement daos les
airs.
Le roi et le duc de Brabant sont restés debout
auprès de la berline royale jusqu'au départ du
convoi. Le roi des Pays-Bas a fait alors appeler
dans sa berline le lieutenant-général Lahure et le
a Vois, Malhilde, cet argeot t'appartient. Que
n'as-tu va l'imposaot personnage qui est venu
nous encourager; nous prodiguer des paroles d'es
poir; sa figure m'a fait une indicible impression.
J'aurais voulu le regarder toujours; on eût dit que
quelque chose en lui me parlait de toi.
La jeune femme, k ces mots, se redressa, appuyée
sur les bras de son époux.
Cet homme que tu as admiré, Richard, dont
tu as deviné la noblesse, cet homme est mon père...
Ciel, Malhilde! que dis-lu?
Il est le parrain de notre fils, de notre petit
Christian. Voici une bourse qoi vient de loi, elle
porte ses armes et ses initiales.
Malhilde, ta félicité doit être k son comble?
Richard, ce bonheur dont tu parles est loin
d'être complet. Je n'ai pas vu mon père; il ignore
que j'existe.
Alors, la pauvre femme, rassemblant tontes ses
forces, raconta ce qui s'était passé.
Le soldat prenait, tour k tour, sa femme et sou
enfant dans ses bras; il leur donnait les plus douces
paroles de tendresse, et s'écriait k chaque instant
Oh! c'est pour toi, Malhilde, pour toi qui as
tant enduré, que je bénis le ciel Chère bien-aimee,
tes jours d'angoisse auront enfin un terme.