D'TPRES.
46me Année.
Samedi 6 Septembre 1862.
No 4,688.
REVUE POLITIQUE.
LE PROPAGATEUR
Garibaldi pris, le ministère Ratlazzi n'en a
pas fini avec les difficultés où Ta jeté son anta
gonisme avec le garibaldisme et le parti d'ac
tionAprès avoir beaucoup hésité sur le parti
a prendre l'égard de ses prisonniers, le gou
vernement sarde parait s'être décidément arrêté
au projet de faire leur procès devant le Sénat
transformé en haute cour de justice. Celtè réso
lution aurait été adoptée dans un grand conseil
auquel avaient été appelés le chevalier Desam-
broisle négociateur du traité de Zurich et
plusieurs anciens ministres.
Mais cette question tranchée, il s'en pose
immédiatement une autre assez embarrassante
impliquera - t on dans le procès les députés
arrêtés malgré le caractère inviolable qui les
couvraitet contre lesquels aux termes du
Statut, nulle poursuite ne saurait être intentée
sans Tautorisation préalable de la Chambre?
Déjà plusieurs députés ont adressé une lettre
au président de la Chambre pour lui demander
des explications au sujet de l'arrestation de
quelques-uns de leurs collègues Naples.
Les députés Mordini et Fabrizi, incarcérés
Naples, ne sont pas les seuls que le ministère
sarde ait fait saisir. Nicotera et Miceli ont
été pris dans le camp de GaribaldiAspro-
monle; d'autre part, MM. de. Boni. Zuppetta
et Cadolini, craignant sans doute d'être arrê
tés. ont pris la fuite. Mais la ferme attitude de
leurs amis les engagera probablement reve
nir, et M. Ratlazzi pourra rencontrer de ce
côté des obstacles qu'il n'avait pas prévus.
La correspondance turinoise du Journal des
Débats constate elle même que le parti qui se
montre le plus déconcerté de la déconvenue du
parti d'action n'est pas ce parti lui même. Il
va donc falloir compter avec lui, compter avec
les garanties parlementaires qui protègent les
députés garibaldiens, dont toute la faute comme
celle de leur chefest d'avoir logiquement
poursuivi la réalisation du vote législatif qui a
revendiqué Rome, et l'exécution des formelles
promesses de M. Ratlazzi lui même.
En attendant que l'on sache quoi s'en tenir
sur le parti définitif que prendra le cabinet de
Turin relativement a la convocation des Cham
bres et au procès des garibaldiens tous les
patriotes italiens se rendent en pèlerinage la
Spezzia c'estdit le correspondant de
Unioncomme une fièvre de voir le déchu
d'Aspromonle.
Les Nationalisés annoncent que le ministère
vient de consacrer, par une récompense en
quelque sorte nationale, la conduite des Mille,
c est à-dire des premiers volontaires qui, hau
tement désavoués par le gouvernement de Turin,
débarquèrent en 1860, Marsala, avec Gari
baldi, pour tenter la conquête de la Sicile. Une
pension annuelle de 48o francs est allouée par
décret tous ceux de ces volontaires qui sur
vivent.
L'heure pourra paraître singulièrement choi-
Sle pour une semblable mesure! Récompenser
les premiers volontaires qu'on n'avait pas
moins répudiés que les secondsaù moment
même où on s'apprête juger et condamner
ces derniers, n'est-ce pas trop clairement laisser
voir que ce n'est pas la justice des mobiles, mais
seulement le résultat que l'on apprécie Turin,
où Ton tient en réserve des pensions pour ceux
qui réussissent et des tribunaux pour les im
prudents et les maladroits qui échouent.
Le Times, dans un nouvel article qu'il con
sacre aux affaires italiennesse prononce
netlemenlcontre toute comparution de Garibaldi
devant un tribunal italien, et il regarde comme
suffisant que Le captif donne au roi Victor-
Emmanuel sa parole de quitter l'Europe pour
un certain nombre d'années. Est ce que le
Times serait partisan des reloursde l'île d'Elbe?
Les correspondances adressées de Madrid
la Presse signalent des agitations assez sérieuses
dans cette capitale. Presque toutes les nuits,
des bombes éclatent dans les rueset des grou
pes se rassemblent dans différents quartiers.
Les troupes sont presque constamment sous les
armes dans leurs casernes. Le 27 août au soir,
la garde civile occupait les avenues de l'am
bassade française comme pour la protéger
contre quelque éventualité.
Le dernier paquebot d'Orient apporte des
nouvelles graves. Une dépêche d'Alexandrie, 2
septembre, annonce de nouveaux égorgements
et de nouveaux désordres. Dans ta ville de
Marach, située 4o lieues nord ouest d'Alep,
70 Arméniens et leur évêque ont été massacrés
par les musulmans. Les Arméniens se sont
insurgés. Le consul anglais d'Alep accompagne
les troupes envoyées pour châtier les auteurs de
ces massacres. Il règne beaucoup d'agitation
dans les montagnes qui avoisinent Marach.
Le Journal de Saint - Péiersbourg, du 29 août,
annonce que les débats judiciaires du procès
Jaroszynski, ainsi que ceux de deux autres, ont
amené la découverte d'un vaste plan de con
spiration. Les chefs se tenaient toujours
l'écart, et, au moment du danger, réussissaient
toujours échapper aux poursuites. Les per
sonnes qu'ils ont entraînées la perpétration
du crime étaient tenues de prêter serment. Ils
leur fournissaient de l'argent et les instruments
homicides, surveillaient chaque démarche, et
préparaient les moyens d'évasion. L'autorité est
en ce moment en possession de documents prou
vant l'existence de cette conspiration, et signés
par le soi disant comité centralils ont été saisis
sur une des personnes suspectes. Le programme
des conjurés tend principalement opérer un
soulèvement général dans le pays, et c'est sur
les classes inférieures de la société que les con
jurés devaient s'efforcer d'agir. Tous les cer
cles étaient chargés collectivement et indivi
duellement de faire de la propagande révoluti
onnaire par laparole,par des écrits et des actes.
ARRIVÉE DE LA REINE D'ANGLETERRE A
RRDXELLES.
La reine Victoria est arrivée mardi dr Auvers,
bord du yacht Fictoria and Albert, quatre
heures dix minutes de i'après-midi. Elle était at
tendue depuis la veille au soir; mais la traversée,
quoique très heureuse, a été retardée de près de
vingt-quatre heures par d'épais brouillards.
Mardi matin, b 6 heures, les deux frégates h
vapeur de guerre le Black-Eagle et VOsborn,
se suivant b la dislance de quelques encablures,
ont jeté l'ancre, le premier en aval, le second en
amoot do fleuve, b hauteur du débarcadère. Aucun
salut n'a été échangé eDtre les navires d'avant-
garde et les batteries de la côte. Le deuil austère
de la reine interdit toute espèce de cérémonial. La
veuve désolée du prince Albert repousse les hon
neurs officiels dûs b la souveraine de la Grande-
Bretagne.
A midi, le yacht royal fut signalé b la hauteur
de Flessingue.
A onze heures dix minutes, LL. AA. RR. le duc
et la duchesse de Brabant, le comte de Flandre,
accompagnés de M. le comte d'Hanins de Moer-
kerke et de Mme la comtesse de Marche, partaient
de la station de la coupure de Laeken pour se ren
dre au devant de la reioe Victoria.
Le train royal, dirigé par M. Fassiaux, directeur
général des chemins de fer, postes et télégraphes,
et conduit par M. Belpaire, ingénieur en chef des
chemins de fer de l'Etat, est entré en gare, b
Anvers, b midi.
Les princes, la cour et les chefs de l'administra
tion des chemins de fer portaient un deuil sévère,
cravate et redingote noires.
La famille royale, en attendant l'arrivée de la
reine, s'est rendue, dans les e'quipages de la cour,
au palais, sur la place de Meir.
Le débarquement s'est opéré dans un morne
silence et avec une graude simplicité. Un long
tapis avait été placé du bas de l'embarcadère au
bord du marche-pied de la voiture destinée b la
reine. C'est la seule marque d'houueur que l'ad
ministration anversoise pot rendre b l'auguste
parente du Roi.
Quand Ie Fictoria and Albert, suivi du Fivid,
eut jeté l'ancre b distances égales entre les deux
steamers d'escorte, Leurs Altesses Royales se ren
dirent, avec Mra° la comtesse de Maiche, b bord du
yacht de la reine, dans un canot d'honneur, com
mandé par M. le capitaine de marine Van Haver-
beeck et nagé par quato'ze pontonuiers en costume
complet de marin qui maniaient la rame avec
autant d'adresse et de célérité que les plus habiles
matelots de la flotte anglaise. La réception bord
fut longue; la reiue débarqua cinq heures avec
les princesses Hélène, Louise et Béanix et ses Jeux
plus jeunes fils, les princes Arthur et Léopold. La
suite de la reioe est très - nombreuse. On distingue
parmi les personnes qui l'accompagnent le comte
Russell, le général Gray, le colonel du Plat, le
major Elphinstoo R. E., le docteur Jernrer, la
marquise d'Ely et lady A. Bruce.
L'équipage, pendant le débarquement, fut con
signé sons le pontcontrairement a la coutume qui
est de ranger les marins sor les vergues et dans les
enflechuies. Les voitures de la cour se rendirent
diiectemeni la gare. A l'an i »ée comme au dé par t,
le gouverneur d'Anvers, M. Pycke, fut seul admis
b piéseuter ses hommages b la famille royale.
Le train spécial fit arrêt la coupure a 6 heures
précises. Une foule uombreuse attendait sous les