D'YPRES.
46me Année
N° 4,694.
REVUE POLITIQUE.
ENTRÉE DU ROI.
LE PROPAGATEUR
Le Moniteur universel vient de publier trois
pièces officielles sur la qoestioo de Rome. Elles
contiennent un exposé complet du dernier incident
des négociations depuis longtemps ouvertes pour
l'erraogemeot des affaires italiennes. Elles se rap
portent h ou fait désormais accompli qui a eu son
commencement, son milieu et sa fio. Elles éclairent
donc un point du passé; mais nous ne voyons pas
qu'elles projettent la moindre lumière sur le présent,
moins encore sur l'avenir.
Or, voici ce qui s'est fait dans les mois de mai et
de juin de cette année: M.de Lavaletle a été chargé
de soumettre U cour de Rome des propositions de
conciliation. Il s'agissait d'accorder le Saint-Père
avec le roi d'Italie.
Ces propositions étaient au nombre de quatre
1* maintien do statu quo territorial, avec on sans
réserve de la part du Souverain- Pontife; le gou
vernement français devait tâcher d'y faire participer
les puissances signataires de l'acte général de
Vienne. 2" Transfert, la charge de l'Italie, de
la plus grande partie, sinon de la totalité de la dette
romaine. 3' Constitution d'une liste civile au profit
dn Saint Père par les puissances européennes; le
gouvernement français offrait trois millions pour
lui seul; 4° Concession de réformes intérieures
par le Pape.
Aux trois premières propositions, le cardinal
Anlonelli a opposé la conscience de Sa Sainteté
Le Saint Père, a-t-il dit, ne peut consentir b rien
qui, directement ou indirectement, consacre d'une
manière quelconque les spoliations dont il a été la
victime. Il ne peut aliéner ni directement ni indi
rectement aucnoe parcelle d'un territoire qui con
stitue la propriété de l'Eglise et de la catholicité
tout entière. Sa conscience s'y refuse. Par la
même raison, il ne saurait laisser attribner au
gouvernement usurpateur les dettes do gouverne
ment légitime; car ce serait, de sa part, reconnaître
la spoliation elle-même, a Après ce double refus,
la constitution d'une liste civile n'avait plus de
raison d'être; elle tombait sans qu'il fut nécessaire
seulement d'y toucher. C'est la juste observation
du cardinal Anlonelli.
Sur la quatrième proposition, S. Em. a répondu
d'une manière bien différente. Elle n'a pas repoussé
les réformes intérieures; loin de lb. Elle a déclaré,
au contraire, qne ces réformes sont prêtes;
mais elle a ajouté qu'elles De seront promulguées
que le jour où les provinces usurpées rentreront
sons l'autorité légitime dont elles ont été distraites.»
M. le marquis de Lavalette, en rendant compte
son gouvernement de ses conférences avec le
cardioal Anlonelli, a conclu qoe a les propositions
ont été repoussées par une fin de non-recevoir
absolue. Mais c'est le passé, cela; maintenant, le
présent, quel est-il? quel sera l'avenir? Les pièces
ne fournissent cet égard aucune indication pré
cise. Tout ce que nous pouvons en inférer, c'est
que la solution de la question romaine n'est pas
trouvée.
On lit daos la correspondance de la Gazette du
Midi, sous la date de Rome le 20 Le roi de
Naples vient de recevoir une lettre de l'empereur
de Russie dans laquelle l'autocrate fait de vains
efforts poor atténuer, aux yenx du monarque in
justement dépossédé, ses deux actes de la recon
naissance du royaume d'Italie et du rappel de son
ambassadeur, le priuce Wolkonski. Que V. M.,
dit le czar, ne tegarde pas ma conduite comme une
marque de mon peu d'affection pour elle, ni comme
on affaiblissement des bons rapports d'amitié qui
existaient entre oous. Le dernier mot n'est pas dit
sur les affaires de Naples; et j'espère qu'un congrès
viendra bientôt les régler d'une manière satisfai
sante pour tous.
C'est un correspondant piémontiste qui s'ex
prime de la manière suivante daus une lettre
adressée au Messager du Midi, sous la date de
Naples, le 20 Le brigandage reprend toute son
importance. On dirait que les bandits se prévalent
des hésitations du pouvoir. Je viens de consulter la
chronique compilée depuis huit jours; je suis
effrayé de l'aboudauce des faits qu'elle présente.
Un peu plus loin, dans la même lettre, le corres
pondant dit encore Ici, malgré l'état de siège,
on tourne en risée la situation que s'est faite le
miuistère. Garibaldi triomphe de fait. On le com
pare b un lion pris au filet par des gazelles. Le parti
d'action relève la tête; on regarde l'armée de Ira-
vers. La scission se déclare plus profonde qu'aupa
ravant. L'union s'évanouit. Telle est, en peu de
mots, la siluatiou du royaume de Naples. Tels sont
les progrès de l'uoité dans l'Italie méridionale.
La capitale, laquelle s'était joiute une foole
immense venue de tous les points du pays, a fait au
Roi une réception vraiment magnifique. Nous
publions plas bas le compte rendu de cette fête
nationale.
On a remarqué daos la physionomie du Roi une
graode sérénité. Le rétablissement de Sa Majesté
est complet b ce point, que sur son visage n'appa
raissait nulle trace de l'affection dont elle avait
souffert. La santé du Roi est parfaite. Ses traits
ODt pris une expression particulière d'animation en
présence des démonstrations sans exemple par les
quelles la foule lui a témoigné son patriotique
bonheur.
L'entrée du Roi dans la capitale a été un véri
table événement.
Personne ne nous taxera d'exagération, lorsque
nous aurons dit que de toutes les grandes solennités
qui ont eu lieu depuis i83i, en l'honneur de
Léopold I", la démonstration de mercredi a été
certainement la plus extraordinaire. Le sentiment
national s'est révélé avec une spontanéité, une
unanimité incomparables.
Une superbe et chaude journée d'automne est
venue favoriser cette fête. La population était cer
tainement plus que doublée.
De bonne heure, l'aspect de la capitale offrait
une animation qui tenait du prodige. Dans toutes
les rues et places, toutes les façades, les drapeaux
aux couleurs nationales flottaient depuis la veille.
Le tir national a été interrompu pendant toute
la journée, et les gardes civiques des provinces,
comme les sociétés des différents tirs, des jeux et
dn festival, ont tenu honneur de participer b la
grande fête de l'entrée du Roi. D'un autre côté,
tootes les affaires étaient suspendues; toute la po
pulation du royaume semblait réunie b Bruxelles.
Dès onze heures, les gardes civiqoes, corps spé
ciaux et légions de la capitale et de la banlieue
avaient pris les armes et se réunissaient aux em
placements indiqués.
La cavalerie, les cbassetirs-éclaireurs avec leur
drapeao de i83o, se trouvaient postés b l'entrée
de l'Allée-Verte, b une heure, en même temps que
le conseil communal de Bruxelles, escortés par les
sapeurs pompiers et la musique.
A une centaine de pas de distance de la pro
menade étaient rangés les décorés de la Croix de
Fer, les combattants et blessés de septembre i83o.
L'Allée-Verte, dans toute sa longueur ainsi que
les boulevards d'Anvers, du Jardio-Botaniqne, la
rue Royale, les places Royale et des Palais, étaient
couverts d'oue multitude et la circulation y était
devenue impossible.
La garde civique occupait toute la ligne des
boulevards, la rue Royale, etc., jusqu'au Palais.
A une heure et demie, les voitures de la cour b
petite livrée gala sortent do cbâieau de LaekeD
elles sont attelées de quatre chevaux et conduites s
la Daumont.
Tons les habitants de Laeken sont sur pied et
font retentir l'air d'énergiques et longs vivats.
Le Roi, M"" la duchesse de Brabant, le duc de
Brabant et le comte de Flandre occupent la pre
mière voitore. S. M. et les princes sont revêtus de
l'uniforme d'officier général. La physionomie de
l'auguste souverain est d'une sérénité frappante.
Un enthousiasme indicible, tenant du délire,
des acclamations comme jamais on n'en a enten
dues se sont produits do commencement b la fin de
cette solennité.
A partir do pont de Laeken, les élèves de l'école
militaire et les élèves de l'Université ont entouré
la voiture du Roi. Ils avaient spontanément décidé
le matin de se rendre b la rencontre du Roi et de
la famille royale; ils formaient comme un rempart
autour de l'équipage royal pour le protéger coDlre
le trop grand empressement de la foule qui ne
cessait de se précipiter sur le passage du souverain
aux cris mille fois répétés de Vive le Roi!
A toutes les fenêtres, les dames agitaient leurs
mouchoirs et lançaient une pluie de bouquets tri
colores; les hommes, dans la rue, mettaient leur
chapeau au bout de leur canne et chacun criait b
l'unisson Vive le Roi! Hourrah
Une seconde voitore de la cour conduisait LL.
AA. RR. la princesse Louise-Marie-Amélie et le
comte de Hainant. Ces charmants enfants battaient
de leurs petites mains en souriant b la foule.
Lorsque le cortège royal, précédé de l'escadron
de cavalerie de la garde civique arriva b l'entrée de
la ville, on eut grand'peioe b faire taire les accla
mations pour quelques instants de cérémonie offi
cielle. Les équipages royaux s'étant arrêtés, M.
Fontainas, bourgmestre de la ville de Bruxelles,
s'est approché de la voitore du Roi et a harangué
S. M., selon l'antique usage. Le compliment de
bienveoue du premier magistrat de la capitale a
produit une douce émotion sur S. M.qui a ré
pondu avec son affabilité ordinaire.