-_ 3 -
I
La police était nombreuse. Le cortège se
composait d'une douzaine de garibaldiens en
chemises ronges, et de quelques amis en habits or»
binaires. Lui-même avait une chemise rouge,
recouverte en partie par one espèce de manteau
gris. Il avait la tête couverte jusqu'aux jeux par
ou chapeau gris, bas de forme, et on le préservait
do soleil au moyeo d'un parasol.
Au premier jour, il doit j avoir une grande
consultation de médecins étrangers pour décider si
l'on doit tenter l'extraction de la balle, ou si l'am
putation est orgente, comme on le prétend.
La Banque de France a eo longtemps pour
directeur général le baron Garat. C'était loi qui
signait ces billets soyeux, si recherchés, et le
Figaro loi attribue l'anecdote suivante, qui ne
manque ni de sens ni d'originalité
M. Garat, adoré de ses gens, avait h son service
one coisioière et un valet de chambre.
a Ils avaient chacun une qualité et un défaot,
ce qui est déjà fort convenable pour des gens
gages.
Ils étaient tous deux très-probes.
Ils étaient tous deux très-avares...
a Ce que voyant, M. Garat jngea h propos de
totaliser ces diverses aptitudes... Il les maria.
a Le ménage ne fut pas heureux tout d'abord...
L'épouse jalouse, avec ou sans raisoo, quitta son
mari et ne voulut plus le revoir.
Lettres, démarches, prières, rien n'attendrit
l'irascible cordon-bieu... elle était dure comme on
gigot trop coit.
a Le bon M. Garat résolut de réconcilier ce jeune
ménage.
a II ordonna h l'homme et h la femme de com
paraître h la même heore devant lui...
Il ne leur fit ni admonestation, ni reproche, ni
sermon h la manière du père Bridaine...
Il prit tout bonnement on billet de banque de
mille francs dans sa caisse...
Le conpa en deux.
Et en donna la moitié chacun des conjoints.
Pour les réunir il avait exploité leur vice tout
en récompensant leur vertu.
Le billet était one prime h leur probité...
Le billet était on appât 'a leur avarice...
Or, ils ne pouvaient toucher le billet qu'en
semble.
Ils s'embrassèrent.
Et le bon M. Garat leur en donna la monnaie
pour économiser... les frais du change.
En fait de paris excentriques, nous n'en
connaissons pas qui vaille celui-ci, dit le Journal
du Cher: On nous racqg^|que la semaine
dernière, trois individus arrêtés au passage niveau
de ia station deregardaient passer un train
de marchandises composé de trente voitures envi
ron. Les trois promeneurs s'extasiaient sur la lon
gueur du convoi et surtout sur la puissance de
la machine qui traînait avec une vitesse relative un
poids si considérable. Et dire, repartit l'un
d'eux, qu'il faudrait ai peu de chose pour faire
dérailler tonte cette masse roulante
Peu de chose... ceci est une question,
le crois, moi, répliqua l'on des interlocuteurs,
qu'en raison de la pesanteur il faudrait une cause
beaucoup plus sérieuse que vons ne le pensez.
La-dessus, une discussion s'engage, et au
moment où elle est le plus animée, celui qui niait
la facilité d'un déraillement, s'écrie:
Pour vous convaincre du pen de danger qu'il
y a, je parie me coucher entre les rails et attendre
ainsi l'arrivée d'un convoi que je laisserai passer
sur moi.
Le défi fut accepté. Le soir du même jour,
vers dix heures, nos trois personnages se retrou
vaient presque au même endroit. Aussitôt qu'on
aperçât les denx lanternes rouges d'nn train de
marchandises, celui qui avait porté le défi s'élança
sur la voie et se coucha an milieu des rails. La
machine, soufflant comme uo millier de phoques
réonis, passa, aiosi que les vingt voitures qu'elle
traînait, sur le téméraire original qui, plus mort
que vif, gisait sur le sol. L'inquiétude des deux
témoios ou plotôt des complices de cet acte de
folie, fut grande lorsqu'ils virent qne leur camarade
restait immobile, bien que le train fût déjà très—
éloigné. Ils s'approchèrent en toute hâte, et le
transportèrent sur le chemin.
Après s'être assurés que le corps était intact
et que le ma!si mal il y avait, ne devait pas être
bien grand, l'un d'eux alla chercher de l'eau dans
le fossé de la route et la jeta au visage de la victime.
La sensatioo ne tarda pas h faire revenir h lui
le parieur qui n'était qu'évanoui. C'est alors qu'il
raconta que, croyant être tué par le cendrier de la
machine, qui touche presque h terre et auquel
il n'avait pas songé, il avait perdu connaissance.
Quand on songe que ce pari aussi audacieux
qu'absurde a été proposé et accepté pour un
déjeûoer, il est permis de se demander si la raison
n'avait pas complètement abandonné ceux qui l'on
teno.
Les exploits d'un somnambule. Nos
lecteurs se rappellent, sans doute, dit /'Impartial
dauphinois, de Grenoblele jeune homme dont
nous avons raconté plusieurs fois Us excursions
nocturnes dans les rues de la vilU. Ils les a
recommencées avant hier soir avec des circon-
stances véritablement étranges.
D'après ce qui nous a été raconté, il paraît
que, vers onze heures, le jeune somnambule est
sorti de chez lui, place Grenelle, et s'est dirigé
par la Grand'Rue, du côté de VIsère. Il est des
cendu par l'escalier du quai Perrière, sur le
chemin de service établi en charpente dans le
chantier de M. Ciel, et qui passe sous le pont
suspenduil a franchi avec beaucoup de légè
reté les décombres des maisons en démolition
qui bordent l'Isèreet arrivé en face d'un
bateau, il s'y est rendu en passant sur la plan
che de service, suivant le bord du bateau jus
qu'à F arrière; il est monté sur la rame et a
suivi ce chemin étroit en tenant les bras éten
dus pour conserver son équilibre, jusqu'à ce
que son propre poids ayant provoqué les oscil
lations de la rame, il a sauté terre et s'est
dirigé vers un pieu vertical peu élevé; il y a
grimpé et s'est assis un moment au sommet.
Un instant après, passant une seconde fois sur
la planche, il a regagné le rivage, a escaladé
les décombress'est dirigé vers une échelle dont
il a rapidement monté les échelons, et il a dis
paru dans une ouverture du mur.
Les personnes rassemblées sur le pont sus
pendu, et qui avaient jusque-là suivi des yeux
le jeune somnambule, ne tardèrent pas s'in
quiéter; on craignait qu'en parcourant l'inté
rieur de ces maisons en partie démolies il ne
se fût précipité, quand tout-à-coup il reparut
Centrée de la rue S® Laurentse dirigeant
vers le pont.
A partir de ce moment, nous avons vu nous
même ce que nous allons raconter, et nous en
pouvons certifier la parfaite exactitude
Le jeune somnambule n'avait pour vêlement
que sa chemise et un pantalon retenu par des
bretelles; il était nu-tête et chaussé seulement
de chaussettessa marche était rapide régu
lière, sans hésitation aucune. Autant que nous
avons pu nous en assurer diverses reprises,
l'occlusion des yeux n'était pas complète, mais
elle l'était peu près; les traits, qui sont très-
jeunes, ne révélaient aucune espèce de souf
france; ils paraissaient même, par moment,
près d'exprimer le sourire.
Arrivé peu près au milieu du pont, dont il
suivait le trottoir du côté d'aval en se dirigeant
vers la ville, il s'est arrêté tout coup, a sauté
cTun bond sur la balustrade et a emjambé les
cables de suspension, sur lesquels il s'est assis
plaçant alors ses pieds sur les deux Cables in
férieurs, saisissant les deux supérieurs avec
les mains, il s'est dirigé lentement avec pré
caution. vers le point culminant. Les liens de
suspension du pont de Grenoble ne passent
point, comme pour beaucoup de ponts suspen
dus, au-dessus du sommet des pyramydes; ils
les traversent environ 70 centimètres au-
dessous du sommetpour redescendre ensuite
sous un angle très aigu vers les puits d'amarre.
Arrivé au terme de son ascension, le som
nambule rencontrait donc devant lui cet obsta
cle du sommet de la pyramidedont le plan
supérieur est taillé en pointe de diamaol. Après
un instant d'irrésolution, il s'est dressé debout,
et plaçant ses deux mains sur ce plan incliné
de tous côtés, il s'y est élancé d'un bond, s'y est
placé cheval, et a paru regarder s'il pourrait
redescendre de l'autre côté, où, comme nous
Favons dit, la pente est très rapide.
L'anxiété était grande dans la fouledont
les regards suivaient avidement les moindres
mouvements du somnambule; mais il y a eu
véritablement un moment d'angoisse générale
quand on l'a vu se mettre d'abord sur ses
genoux, se lever ensuite lentement debout sur
cette surface étroite, se tourner de plusieurs
côtés comme pour suivre de F œil le cours de la
rivière. On tremblait que le moindre mouve
ment le précipitât sur le pont ou sur Cavant-
bec de la pile, ou qu'en voulant regagner son
périlleux chemin, il ne manquai les cables.
Chacun semblait retenir sa respiration pour
ne pas occasionner le bruit le plus léger.
Le sommet de la pyramide esi 6 mètres
environ au dessus du sol du pont et 17 mètres
au-dessus du niveau actuel de la rivière.
Enfin il s'est accroupi de nouveau, s'est
laissé glisser doucement jusqu'aux câbles, sur
lesquels il s'est trouvé debout un instant: re
prenant ensuite la position qu'il avait en
montant, il s'est dirigé reculons vers son
point de départ. Soit que cette marche lui
parut incommode, soit qu'il voulût abréger, il
s'est arrêté au-dessus d'une des barres verti
cales qui suspendent le tablier aux câbles, l'a
saisie avec les mainsla serrant en même
temps avec ses pieds et ses genoux, et a glissé
ainsi jusque sur l'appui de la balustrade du
pont, où il s'est trouvé debout; il a marché quel
que temps sur ce chemin si étroit, se dirigeant
vers le milieu du pont, et se servant, pour
s'assurer de distance en distance, des barres
de suspension.
Quand par l'effet de la courbe cet appui lui
a manquéil a sauté sur le trottoiretaprès
un moment d'hésitationil est revenu sur ses
pas et s'est dirigé vers le quai Napoléon. A ce
moment encore, nous avons pu constater que
son visage ne décelait pas la moindre trace
d'émotion, que ses traits avaient la même ex
pression presque souriante, et que ses yeux
étaient dans le même état de quasi-occlusion.
En face de la cour impériale il est monté
prestement sur le mur d'appui en bahut du
quai et Va suivi en marchant rapidement.
Arrivé la solution de continuité de ce mur,
vers l'escalier en face du théâtre, il a sauté
terre très - volontairementet a continué
marcher de son pas régulier pendant quelques
instants; puis il s'est élancé rapidement jusque
vers le pont de pierreest revenu sus ses pas,
marchant et courant alternativementet a
parcouru ainsi les rues des A ug us tinsde
Moidieu,de l'Hôpital, jusqu'à la rue Mentor ge;
là il s'est arrêté un instant indécis, puis il se