conversation de l'accusé avec le témoin
l'inet. 11 n'a rien entendu, mais il a remar
qué que Kestelyn s'exprimait avec une
grande animation.
Pinet a rapporté au témoin le sujet de
îa conversation. L'accusé, d'après Pinet,
aurait dit que dans la matinée du crime il
serait sorti pour couper un bâton dans
les bois.
Le témoin Pinet est rappelé.
D. Vous avez déclaré ce matin que vous
n'aviez rapporté qu'à votre femme votre
conversation avec Kestelyn. K. J'avais,
ce malin, oublié cette circonstance.
M. le juge d'instruction est rappelé.
D. Que vous ont dit les enfants de
Kestelyn? IL En avril dernier, un nommé
Gruson me dit qu'il employait, comme
apprenti, Edouard Kestelyn. Un jour que
le maître causait avec son apprenti, il lui
aurait demandé si sa mèreélail fort afTeclée
de l'arrestation de son mari Mon, répon-
dit l'enfant, parce que mon père est un
d mauvais sujet; il lui fallait un fr. tous
les dimanches pour aller boire. A cela
Edouard ajouta que le jour du crime ils
avaient mangé de la viande, qu'il avait été
battu par son père pour avoir mangé
sa part sur la rue, et qu'enfin sa mère avait
été fortement grondée pour ne pas avoir
transporté la viande dans la place de
derrière.
Le juge d'instruction, ayant entendu la
déposition de Gruson, fil comparaître le
petit Edouard qui, après quelques hésita
tions, fit toute la déposition rapportée
dans l'acte d'accusation.
M. Missiaen entendit aussi le petit Henri
Kestelyn, qui confirme toutes les révéla
tions de son frère.
Keslelyn. Celle déposition a été suggérée
mes enfants.
Un des jurés. M. le juge sait-il que l'on
avait enjoint au petit Henri de frapper du
talon sur les planches pour simuler des
coups du marteau? H. Cettecirconslance
n'ayant pas été révélée encore, je n'ai
adressé aucune question ce sujet.
Le maréchal des logis Brixis est rappelé.
D. 1 .'enfant vous a-t il déclaré spontané
ment chargé de frapper du talon sur les
planches? IL Mahieu a demandé en ma
présence qui a frappé contre les planches?
Moi, répondit Henri Pourquoi? dis je.
Pour faire croire que mon père travaillait
la maison, répliqua-t il.
D Pourquoi n'avez vous pas d'abord
parlé de celle circonstance? H. On
ne m'avait pas interrogé ce sujet.
Mahieu, rappelé, raconte comment l'en
fant frappait pour simuler les coups de
marteau. 11 ajoute que personne n'aurait
pu distinguer le bruit des coups de pied du
bruit d'un marteau.
M. le chef du jury. Le maréchal des-logis
pourrait-il nous dire si, en sortant par sa
fenêtre de derrièreKestelyn se dérobait
aisément aux regards? R. Certainement.
D. Pouvait il sortir par la fenêtre, sans
faire grand bruit? R. Aisément. L'enta
blement est un mètre dix c"" de terre.
Mahieu a fait une expérience. 11 est sorti
et rentré par la fenêtre sans bruit et sans
la moindre difficulté.
D. Quel est l'âge d'Édouard Kestelyn?
R. Il est né le 9 décembre 1852.
D. Est-il intelligent?
Hl. Messiaen. Très-intelligent.
D. Quel est l'âge d'Henri Kestelyn?
R. Il est né le 5 mai 1856.
68* témoin, Henri Barroo, "15 ans, ou
vrier, Ylaraerlinghe.
Le jour de la première communion des
enfants, allant la messe avec Edouard
Keslelyn il me dit Les assassins sont
découverts. Qui est-ce? demandai je?
Les Vermeersch, me dit-il, mais mon père
pourrait bien être pris également.
D. M. le juge d'instruction, n'avez-vous
pas entendu une déposition d'Edouard
Barroo, portant qu'Edouard Kestelyn
affirmait que sa mère le poussait désigner
les Vermeersch commeétant lescoupables
R. Mon, M. le président.
D. Est ce qu'É louard Barroo ne peut
affirmer que la mère des Kestelyn, d'après
ses enfants, les poussait mettre les Ver
meersch en cause.
Edouard Barroo. rappelé, n'a aucune
connaissance de ce fait.
69" témoin, Charles Gruzon56 ans,
ouvrier Vlamerlinghe.
Je travaillais un jour avec Edouard
Keslelyn Votre mère, lui dis-je, pleurait
sans doute quand elle vit votre père gar-
roté et emmené par les gendarmes"?
Mon, me dit-il, elle ne pleurait pas.
El vous, vous pleuriez? Mon. Pour
quoi? Parce que ma mère ne pleurait
pas. Écoulez, lui dis-je, vous ne devez
jamais imiter l'exemple de votre père. Vous
voilà déjà grand, et comment se fait-il que
vous ne soyez pas encore allé l'école?
Ma mère ne m'y a jamais forcé. Allez-
vous tous les dimanches la messe? Ma
mère ne m'y envoie pas. Je n'ai d'ailleurs
pas de bons habits pour aller l'église.
Ainsi, vous n'êtes jamais allé la messe?
Si, une fois, le jour du meurtre des
Salomé. Votre père était avec vous?
Mon. Que faisait-il Des cages
lapins. Plusieurs cages? Deux cages.
Et il a travaillé ces cages pendant toute
la malinéé? Je ue sais pas, car je suis
resté longtemps dehors, je jouais sur la
rue. A mon retour, il y avait des tartines
et du café sur la table. J'allai jouer. A tnon
retour, mon père m'appela dans sa cham
bre et me donna une saucisse. Je la pris et
m'en allai j'étais pressé d'aller jouer. Mon
père m'arrêta et me défendit de manger
ma saucisse sur la rue. Je dus manger près
de lui. Ma mère et lui mangeaient des
saucisses également. Les saucisses,
demandai je alors, étaient-elles bouillies
ou rôties? Rôties. Sur un gril?
Mon, nous n'avons pas de gril, sur des
pincettes. Les avez-vous vu cuire?
Mon, mais les pincettes étaient encore
grasses et de petits morceaux de viande y
étaient encore attachés. Etaiet elles
chaudes ou froides, vos saucisses? Elles
étaient brûlantes. Et qu'avez-vous tnangé
le soir? Encore de la viande de cochon.
Et le lendemain? La même chose,
mais après nous n'avons plus rien eu.
Vous aimeriez bien votre père, repris-je,
s il vous faisait souvent manger de la
viande? Je ne l'aimerais pas. Il ne fait
rien pour la famille, il lui faut de beaux
habits et de l'argent pour boire. Tenez,
Gruson, continua t-il en tondant en larmes,
vous ne savez pas tout. Ç'est alors qu'il
me raconta que son père était rentré par
la fenêtre les mains teintes de sang, sa
veste sous le? bras.
D. Devant le juge d'instruction, l'enfant
n a pas fait d'abord les mêmes déclara
tions? R. Mon, il avait peur de sa mère.
Je le rassurai, et c'est alors qu'il se décida
parler.
D. Eh bien! qu'en dites-vous Kestelyn?
R. Qu'il doit être démontré l'évidence
que 1 enfant aété insliguépar mes ennemis.
D. Quels sont ces ennemis? R. Tous
mes persécuteurs, tous les témoins qui me
chargent faux, Mahieu et ce cordonnier
de Poperinghe qui, devant le Juge d'in.
struction, a déclaré que je l'avais payé
avec une pièce de 10 fr.tandis que je luj
ai donné des sous.
D. Le garde-chasse n'est pas votre
ennemi, pas plus que le témoin présent?
R. Dit-il vrai, ce garde chasse? 0q
le surprend tout instant en flagrant délit
de mensonge. 11 prouve par tous ses dires
la haine qui l'anime contre moi. Qui m'a
vu commettre le crime? Que celui là se
lève. Je suis innocent. Jamais, non jamais,
je n'aurais dû subir une minute de puni,
tion pour le crime des Salomé, dont je
suis innocent.
M. le président. II est temps que cette
comédie finisse. Est-ce là tout ce que vous
avez répondre la déposition du témoin?
Keslelyn. Veuillez demander la femme
Bouillet si mon fils Edouard n'a été
la messe que le jour de l'assassinat?
Le témoin femme Bouillet, rappelée,
déclare qu'à sa connaissance Edouard
Kestelyn allait quelquefois, mais non tous
les dimanches, la messe.
70" témoin, Amélie Desodt, 19 ans, den
tellière.
Le lendemain du crime, Sophie Hoyaert
me conseilla de demander au petit Henri
Keslelyn ce qu'il avait mangé. Nous
avons eu une assiette pleine de viande et
de pommes de terre, me dit il; Edouard
n'en a pas eu autant que moi, parce qu'il a
fait le vagabond pendant toute la journée,
71" témoin, Sophie Hoyaert, dentellièreà
Vlamerlinghe.
Elle confirme la déposition du précédent
témoin.
L'audience est levée 2 heures 50 minutes.
Audience du 2 Avril.
D'après les bruits du palais, le doute que
je vous ai exprimé samedi dernier sur la
persistance des aveux du jeuue Ëvariste
Vanderzype et de Pierre Desot, n'existe
plus. Tous deux nient avec obstination
toute participation dans lecrime deStaden.
Quinze témoins ont été entendus hier:
pour terminer ce qui concerne les Salomé,
il en faut entendre dix sept encore.
L'audience est ouverte 10 h. 7 tn.
Le témoin Mahieu est rappelé.
D. Corn ment avez vous eu connaissance
de la tache de sang sur la laie d'oreiller?
J'ai été chargé du transfert des enfants
Keslelyn chez leursgrands parents. La tête
du lit de Kestelyn touchait la fenêtre.
Cependant, je n'y ai point remarqué de
tache. Après le déménagement du mobilier,
j appris qu'une couturière, la femme Mo-
noncourt, avait fait une camisole d'enfant
avec une laie d'oreiller sur laquelle était
empreinte une main ensanglantée. Je me
rendis chez la couturière et je saisis le vête
ment. Une partie de la tache avait disparu
sous le ciseau. Le fils Kestelyn prétendit
que son père avait fait la tache en rentrant
par la fenêtre.
D. La mère de Kestelyn n'a-t elle pas
avoué que la tache avait été empreinte eu
présence d'Édouard? Quand Edouard
me fit part de cette circonstance, sa grand-
moi e lui enjoignit de se taire. L'en faut
persista dans son dire, déclarant que
vérité pouvait se révéler.
D. Quand avez vous opéré le déménage
ment? R. Le lendemain de l'arrestation
de la femme.
D. Etiez vous présent aux perquisition
de la gendarmerie? R. Quelquefois-
Keslelyn. Chaque fois.
En femme Kestelyn. Taisez-vous. C'est