Kesle/yn est très-agité. Il se déclare innocent.
Il s'écrie qu'il montera sans souci l'échafaud.
91e témoin, Pierre Vloer48 ans, cultiva
teur Staden. La nuit du mercredi des
Cendres, vers une heure du matin, j'ai
entendu frapper mon volet. Je ne me
suis pas levé d'abord. Entendant frapper
encore et gémir, j'ai allumé la lampe et
ouvert. La servante d'Assez était devant,
moi, couverte de sang, les cheveux épars,
peine vêtue d'une chemise et d'un jupon.
Je n'ai jamais vu pareille horreur. Je ne
reconnaissais pas cette femme. Elle ne
parlait pas. Elle était inerte. Ma femme et
moi nous l'avons lavée l'eau tiède, pris
nous lui avons donné d'autres vêlements.
Ses trais étaient si défigurés par les coups,
ses lèvres tellement gonflées que, malgré
le pansement, nous ne pouvions dire qui
était cette malheureuse. A quatre heures
seulement elle s'est nommée et elle a parlé
de son maître. J'ai pris une bêche (tour
m'en faire une arme et j'ai été prévenir la
policequis'est rendue avec moi chez Assez.
La porte était fermée au loquet seulement.
En entrant j'ai vu le cadavre d'Assez,
l'armoire défoncée, des papiers éparpillés
par la chambre.
D. Comment gisait Assez? R. Sur le
côté la partie droite du visage aplatie,
les pieds repliés contre les bords du lit.
,17. Poupartmédecin légiste. J'ai été
requis par le juge d'instruction pourvisiter
la servante et faire l'autopsie du cadavre
d'Assez. La fille avait deux blessures sur le
côté gauche du front, l'œil gauche fermé.
Les plaies sondées, j'ai reconnu qu'il n'y
avait pas de lésions mortelles et que les
plaies avaient été faites avec un instrument
contondant.
Assez était étendu sur le côté gauche
dans une mare de sang La face gauche
aplatie, broyée. Le sang et la cervelle
avaient jailli avec violence sur le mur, sur
les rideaux de la fenêtre, par toute la
chambre. En retournant le cadavre, nous
avons constaté, mon confrère et moi, sept
côtes brisées. La brisure des côtes avait eu
lieu avant le coup sur la tète, qui a dû
être instantanément mortel. Les lésions
internes étaient mortelles aussi, mais
n'avaient point occasionné de mort immé
diate. Les coups avaient été portés avec un
maillet cerclé de fer (kliefhamer), maculé
de sang, très-pesant, long inanche, posé
contre le coin de la cheminée.
D. Avez vous vu déjà, monsieur le doc
teur, un meurtreaussi cruel, un instrument
de mort aussi épouvantable? R. Jamais,
depuis dix-sept ans que j'exerce la pro
fession de médecin légiste.
D. Combien de coups furent portés avec
cet instrument? R. Quatre ou cinq, tous
mortels.
D. La servante avait des lésions la
gorge? R. Des égratignures la gorge
et la face.
D. Y eut-il interruption de travail pen
dant plusieurs jours? R. Non, M. le
président.
Le docleur Lagrange, midecin légiste
Ypres, a été chargé avec le docteur Poupart
de l'examen du cadavre et de la constata
tion des blessures faites la servante. Il
déclare aven son collègue qu'un gonflement
àjp partie brisée des côtes et l'infiltration
de l'air cette place prouvaient que les
coups sur les côtes avaient été portés en
premier lieu; s'ils avaient été portés après
le coup sur la tète qui provoqua la mort
immédiate, il n'y aurait eu ni gonflement
ni infiltration de l'air.
La défense. Le docteur croit-il que la
servante était dans un état tel qu il a fallu
deux heures Pierre Vloer pour la re
connaître! R. Je le crois aisément.
D. Les coups ont été portés la servante
avec un bâton?
Evarisie et Desot répondent affirmati
vement.
J7. l'avocat général. Je voudrais qu on
prit unemesurequelconquepourempècher
la femme Vanderzype de jeter sans cesse
des regards sur son fils pendant qu il
répond.
M. le président ordonne l'accusée de
prendre place sur le banc supérieur, au-
dessus de son fils.
92e témoin Henri De Cueninck, 61 ans,
échevin chargé de la police Staden.
Le témoin déclare que l'autre échevin,
le secrétaire de la commune et le garde
champêtre ont fait les premières constata
tions. II s'est rendu sur les lieux avec
la gendarmerie, vers 7 heures du malin.
En arrivant, il vit le cadavre d'Assez, tel
que l'ont décrit les précédents témoins. Il
vit l'armoire ouverte et tout ce qu'elle
contenait éparpillé sur le plancher. Au
toit, il constata l'enlèvement de plusieurs
tuiles et la brisure d'une latte de support.
D. Savez vous combien d'argent Assez
pouvait avoir chez lui? R. Non.
D. Qu'avez vous remarqué encore? R.
Derrière la ferme la trace de pas de deux
personnes chaussées de sabots de petite
dimension qui, eu marchant, se tenaient
par la main.
D. Quelle était la direction de ces pas?
R. Vers la demeure de Desot.
D. Est ce ainsi, Evarisie? R. Oui, M.
le président; ma mère et moi, nous nous
sommes enfuis par les champs en nous
tenant par la main.
D. Qu'en dites-vous, femme Vanderzype?
R. M. le président, ce n'est pas vrai.
Demandez l'écheviu si les traces de pas
portaient l'empreinte des clous dont Eva
risie avait rempli les talons de ses sabots.
(Evarisie reconnaît trois sabots dont un
cassé. Le témoin déclare que lesempreintes
avaient celte forme et celle dimension,
mais qu'il u'a point remarqué de traces de
clous.)
.17. le juré Deltour. Est ce avec les sabots
ferrés qu'Evarisle s'est rendu chez Assez.
Evarisie. Oui, c'est avec ceux là, mais les
clous étaient usés, ils n'ont pu marquer
dans la terre.
M. le président. (Au témoin.) Votre de
meure n'est pas éloignée de celle d'Assez?
R. Non.
D. Avez vous encore quelque chose
dire ce sujet? R. iNous nous sommes
rendus l'après dînée chez Desot et nous
l'avons vu lavant un pantalon qu'il nous a
dit avoir été apporté de France par Vander
zype. En sortant de là, le brigadier de
gendarmerie, porteur de la casquette, a
demandé des enfants revenant de l'école
s'ils reconnaissaient la casquette. Ils ont
dit qu'elle appartenait Evarisie, que nous
avons arrêté avec Desot. Le lendemain, 7
mars, nous avons conduit Desot devant
Thérèse Mortier, qui a déclaré ne pas
le reconnaître.
En voyant Desot arrêté, la femme De-
gryze a paru fort affectée. Elle s'est écriée
Jésus, mon Dieu, il est lié! Dès ce
moment l'inquiétude l'a prise. Elle avait
reçu avec assurance la nouvelle de l'arres
tation de son fils.
La femme Degryze. Je n'ai rien dit.
L'arrestation de mon fils ne m'effrayait
pas, il est innocent.
Desot. Elle revenait d'une commission
La voyant passer devant la fenêtre, j'ai (ev^
les mains pour montrer mes menottes.
Evarisie. Me voyant arrêté, elle m'a
demandé: Pierre est il pris? J'aj
oui. Ma mère alors s'est lamentée.
I\P Macrlens. M. l'échevin sait-il si Reste-
Ivn était connu Staden? R. 11 n'v pa
pas connu.
D. Vous avez fait une visite chez Lepon.
tre? R. Oui, mais nous n'avons rien
trouvé de suspect.
D. Le petit Lepoutre était là? r
Nous l'avons interrogé. Il n'a rien répondu
d'important.
93e témoin, Fr. Degrave,61 ans, échevin
Staden.
M. l'échevin Degrave, qui a fait une
première visite des lieux, rapporte des
faits connus. D'après l'état du lit, |es
couvertures rejetées la hâte sur le côté
il est présumahle, dit-il, qu'Assez s'est levé
en apercevant de la présence des mal.
faileurs chez lui.
M. l'avocat général. Qu'avez vous appris
de la famille concernant l'argent trouvé
par elle dans la maison du mort? H,
Elle m'a déclaré avoir trouvé 670 fr.
D. Vous ne l'avez pas dit ainsi d'abord?
R. Il y a plusieurs rapports.
D. Cet argent a été trouvé dans l'armoire
fracturée? R. Non, caché sous l'escalier,
D. Assez avait la réputation de posséder
beaucoup d'argent? R. Oui, beaucoup
et d'être très-avare.
D. Quel était son âge? R. 66 ans.
D Qui a trouvé la casquette? R. Le
garde champêtre et moi.
D. Les héritiers vous ont dit la première
fois qu'ils avaient trouvé 400 fr.; la seconde
fois, qu'ils n'avaient rien trouvé. C'est une
femme journée qui vous a dit que 670 fr.
avaient été cachés sous l'escalier? H.
Oui, c'est ainsi.
94e témoinCli. Vandamme, 52 ans,
garde champêtre Staden.
Le témoin a eu connaissance du crime
vers 5 heures. Un peu après, P. Vloer
vint lui dire que la servante maltraitée
était chez lui. Le témoin a trouvé sur le
grenier, sous la brèche du toit, les débris
de l'allumette qui servit allumer la
chandelle écrasée sous le cadavre d'Assez.
II vit aussi des taches de suif sur le plan
cher. Le. témoin raconte ensuite que la
femme Scagier, voisin de Lepoutre, lui a
déclaré que Lepoutre était sorti pendant la
nuit. Quand Lepoutre fut arrêté, il
demanda son collègue Morel Si l'on me
tranche la tête, aurez vous soin de mon
enfant? Plus tard, L.epoulre prétendit
que ce propos n'avait pas d'importance.
Lepoutre. Je n'ai point dit cela. Jai
demandé si l'on nourrirait mon enfant
pendant mon arrestation.
Le témoin maintient son dire.
J7. le président. Nous saurons cela de
Morel.
Lepoutre (en colère). Morel et lui feront
tous les deux un faux serment.
D. (Au témoin.) Au moment de l'arres
tation, avez- vous interrogé le fils Lepoutre-
R. Oui, il n'a rien dit. il n'a parlé qu
1 hospice. C est alors qu'il a déclaré que son
père était sorti vers dix heures, qu'il était
rentré tard et que plus tard encore, la fi'J®
Cockuyt était venue laver les vêtements de
son père et couvrir d'une pièce une tache
de sang.
Le 93r témoin est malade. C'est le notaire