D'YPRES.
46"ie Année. Samedi 9 IHai lSlî»5. A*1 4?58.
LE PROPAGATEUR
FOI CATIIOLIQFE. - COKTITITIOII BELOE.
REVUE POLITIQUE.
Avant-hier, M. le ministre d'Etat a communiqué
au Corps législatif de France le décret impérial qui
prononce la clôture de la session de 1862 La
Chambre s'est immédiatement séparée aux cris de
Vi«e l'Empereur f Le Moniteur rient de publier le
décret portant dissolution du Corps législatif actuel,
et celui qui fixe les élections au dimanche 5t mai
courant. Celles de la Corse auront lieu le 7 juin.
Le cabinet de Beilin ne s'est pas contenté de
refnser de s'associer aux démarches de la diplo
roatie européenne. On assure que dans une dépêche
circulaire en date du 24 avril, M. de Bsmaik
a engagé les cabinets allemands ne pas donner
soite k l'invitation des cabinets de Paris et de Lon
dres. Il aurait fait valoir surtout la considération
qu'il ne conviendrait pas aux membres de la
Confédération germanique de s'associer dans une
questioo de politique internationale k une puis
sance non allemande.
Le gouvero1 ment, danois va se trouver dans la
situation la plus embarrassante où poisse tomber
un gouvernement. Il a pris, k la date >in 3o mars
dernier, une décision relative au duché d'Holsleio,
qui est combattue eu Allemagne et en Danemark,
et jusque dans le sein de la tamille royale elle-
même. La Diète germanique s'est emparée de
l'ordonnance du 5o mars et va fulminer contre elle
ses arrêts. Le Rigsraad nu conseil sup'êrne danois
demande que l'initiative royale reçoive la sanction
législative, et un projet d'adresse, présenté pat un
des membres les plus iriflneuts, déclare même
qu'elle est illégale. Enfin, le prince Christian,
héritier présomptif de la couronne danoise, pro
teste, d'après une dépêche de Berlin, contre la
patente du 3o mars, comme portant atteinte an
principe de l'intégrité de la monarchie.
On mande de Ragnse qu'une conjuration a été
découverte k Mosiar. Elle avait pour but l'exter
mination des chrétiens dans la Bosnie et dans
l'Herzégowine. De nombreuses arrestations ont été
opérées.
La Chambre des représentants a été témoin, dans
sa séance de mardi d', d'un grand et légitime succès
de tribune. M. Schollaert, le nouveau député de
Louvain, a pris pour la première fois la parole; il
s'est placé d'emblée au premier rang de nos meil
leurs orateurs politiques. Le discouts qu'il a pro
noncé contre le projet de loi spoliateur des bourses
d'études est uoe page éloqueote qui aura beaucoup
de retentissement et qui restera comme un modèle
d'argumentation, de logique, de bon sens et de
véritab e inspirâtiouLe nouveau venu a débuté
d'une manière aussi heureuse pour la réputation
qui l'avait précédé k la Chambre que pour les
principes de justice et d'équité qu'il a défendus
avec autant de conviction que de fermeté. Les
tribunes, par leurs applaudissements plusieurs fois
répétés, ont prouvé a l'honorable député de Loo-
vaio que ses paroles avaieot trouvé le chemin de
leur cœur. Cette manifestation toute spontanée du
public nombreux qui assistait la séance a visible
ment cootrarié le cabinet et sa majorité. Celte
manifestation n'est-elle pas l'expression de l'opi-
nion publique Or, si l'opinion publique applau
dit les orateurs qui combatteut l'udieux projet de
loi sor les bourses d'études, c'est que le principe
«mueré par ce projet est antipathique an pays et
que le pays le coDdaraoe hautement. M. Schollaert
a terminé Soft discoms par deux mots qui catacté-
riseot l'œuvre niiuisiérielle les dispositions légis
latives soumises k la sanction des Chambres sont
injustes pour le passé et elles setout stériles dans
l'avenir.
Voici le discours de M. Schrllaerl
M. Schollaert. Le projet de loi tue semble
surtont regrettable parce qu'il porte aiieiuie k la
propriété privée, pareequ'il rétroagit uoo seulement
dans le pays, mais encore k l'élrauger.
La commission de 184g cette cou>u>issiou
respectable et savante dout M. le minislie de
la justice a invoqué l'au toi i té dans son Exposé des
motifs, a reconnu le caractère civil des collateurs.
Due qoe la fondation était soumise k des conditions
politiques, c'est soutenir uue impossibilité histori
que. Le gouvernement n'intervenait que pour pro
téger, pour conserverk peu près comme il
iutervient dans les établissements d'aliénés, en
vertu de la loi de i83o que la plupart de vous ont
votée. Si vous voulez intervenir de cette façon,
nous ne nous y opposerons pas; au contraire, nous
y applaudirons.
Le gouvernemeot des Pays Bas s'est inspiré de
l'idée de rendre aux inutiles ce qui leur appai-
lient, d'exécuter la volouié îles fondateurs ou tout
au moios de procéder par analogie. Le projet de
loi renverse uoe juiispnideoce constante.
Le droit n'est acquis k aucune individualité, il
est acquis k la foudatioo même.
L'hooorable M. Orts nous a parlé de l'évêque
sebismatique d'Utrecht et il a demandé si cet
évêque pouvait devenir le collateur d'une bourse
attachée k un office ecclésiastique. L'honorable
membre a perdu de vue qu'il y a toujours eu
k Utrecht un é'êque orthodoxe, reconnu par
le gouvernement hollandais.
Selon les besoins de la cause, on nous dit tantôt
que le catholicisme est immobile, tantôt qu'il
change incessamment, de telle sorte que les fonda
teurs, s'ils existaient aujourd'hui, u'iinposeraietlt
plus k leurs fondations les mêmes conditions
qu'autrefois. Pour moi, je crois que la pensée
religieuse qui a fait instituer des bourses est la
même k présent qu'elle l'était k l'époque de la
fondation. Les anciens fondateurs s'opposeraient
avec indignation k l'usage qu'on compte faire de
leurs œuvres. Applaudissements dans les tri
bunes.)
M. le président. Je préviens le public que si
ces manifestations se renouvellent, je ferai évacuer
les tribunes.
M. Schollaert. Pour les fondateurs, la bourse
est un patrimoine, une propriété particulière,
qu'aucun d'eux o'a voulu laisser sortir de sa famille.
Dans certains actes de fondation, il es> dit que s'il
y a impossibilité d'exécuter la volonté du donataire,
le capital ou la terre fera retour k la famille. Les
tribunaux ont décidé que les boutses d'études
n'ont jamais été frappées de main-mise nationale.
Or, si les bourses sont des propriétés privées, il y a
rétroactivité dans le projet de loi; oous faisons ce
qoe la Convention n'a pas osé faire.
La propriété est uoe chose telleroeot haute et
sactée que les législateurs qui réforment les codes
ne peuvent pas loucher k la propriété. La propriété
est la clef de voûte de l'édifice social; si vous en
enlevez une seule petite pierre, vous risquez de
produire un écroulement général.
Le projet de loi fait passer dans le domaine
public ce qui appartient au domaine privé. Il est,
en outre, iujuste envers l'étranger; car il rompt des
oblgations, sinon légales, du moins morales, que le
gouvernement est tenu de respecter.
Un aitèté royal cootre-stgné par M. Fauter,
wioistie de la justice, a ratifié une transaction
conclue entre le gouvernemeot et la ville de Lou
vain dans celle convention, il est dit exp<e<sément
que les collateurs auront a tenir compte du lieu
d'études.
S'il surgit des embarras k l'étranger, on ne les
fera disparaître qu'à l'aide de grands sacrifices. Ce
sont la des inconvénients qu'un gouvernement sage
doit toujours piévnir. Il est évident que nous serons
obligés de modifier les arrangements que nous
avons faits avec nos voisins, et notamment avec le
grand-duché de Luxembourg.
Il n'y a pas de cause sérieuse pour passer ainsi
sur la justice, tant k l'égard des indigènes qu'k
l'égard des étiaugers. Ou regrettera un jour d'avoir,
par esprit de parti, compromis peut-être nos
relations internationales.
Les anciens collateurs ont-ils manqué k leurs
devoirs? Depuis 18x3, aucune plainte ne s'est
élevée. N'est ce pas la meilleure preuve de l'boo-
uêteté, de la loyauté des collateuis?
L'honorable M. Defré a cité un fait une bontse,
dit-il, a été conféré k un jeune homme qui n'était
pas ué dans uue des localités spécialement insti
tuées. Or, il est k rematquer que depuis longtemps
il ne s'était plus présenté d'institués. Selon moi,
une bourse doit toujours être conférée.
On prffMftrd xjue mm va k Louvain. C'est une
erreur. La majeure partie des fonds passe k d'autres
qu'k Louvaiti. J'ai fait le relevé des boutses en
1846; il y en avait 5io pour la théologie, repré
sentant une somme de t5o,ooo fr. De ces 5iO
bourses, une autre bonne part est dévolue aux
séminaires; elles le seraient encore, lors même que
le Sénat, après la Chambre, aurait adopté le projet
de loi; elles ue profitent pas plus aujourd'hui
k Louvain qu'elle ne lui profiteraient alors.
D'après les comptes do receveur des fondations
pour 1860, Louvain prélève pour 24.gt4 fr. sur
ou total de 1 38,724 fr. Les Louvanistes étudieront
toujours k Louvain; il n'y a donc pas lieu de faire
entrer en ligne de compte la somme de 6,757 fr.
qui leur est attribuée; les étudiants étrangers jouis
sent de bourses pour une somme de 18,17 1 fr. Eu
tésurué, le privilège dont Louvain jouit consiste en
un revenu de tô k 13,000 fr. Je vous demande
s'il y a Ik de quoi faire taot de bruit.
L'Université de Louvain était une institution
pareille aux graudes Uuiveisilés d'Oxford et de
Cambridge. C'est uq conquéiaot étranger qui
l'a supprimée et qui ne nous a pas apporté la
liberté en retour. L'ancienne Université elle-même
n'était pas propriétaire des bourses; celle-ci, comme
je l'ai dit, étaient des propriétés privées.
L'Université catholique n'a pas plus d'aïeux que
l'Université de Bruxelles. Elle est issue de la Con
stitution. Il n'y a pas un professeur qui ait k
ce titre la collation d'une seule bourse. La collation
se fait par un fonctionnaire nommé par le gouver
nement.
Suivant certains actes de fondation, Louvain est
désignée comme lieo d'études, parce que le fonda
teur a une préfétence pour cette localité. D'une
autre part, la conveotioo signée par M. Faider, dit
que l'on aura égard au lieu d'é<udes, que la pré
férence sera accordée k Louvain. Voilk pourquoi
Louvain a une supériorité moios considérable, k ta
vérité, qu'on ne le soutient.
Je voterai en faveur de l'amendement de M.
Orts quant k la liberté des boutsiers pour l'avenir.
Mais je ne pois en conscience aller au delk et
stipuler pour le passé. Sous ce dernier rapport,
c'est moins la volonté du boursier que la volonté
des fondateurs qu'il faut consulter.