Nous serions entraînés trop loinsi nous voulions pénétrer avec M. Cochin dans le monde invisible qu'il a parcouru avec tant de succès. Force nous est donc de mettre un frein nos désirs, pour nous borner mettre en relief deux ou trois incidents de la conférence du plus causti que et du plus spirituel orateur que nous avons entendu. Deux de ces incidents sont très émouvants c'est d'abord celui qui concerne la récente défaite des Danois; c'est ensuite l'allocution qu'a proroncée ce^jours derniers notre Saint Père le Pape, pour protester au nom de Dieu et de son Eglise, contre l'odieuse conduite de la Russie l'égard de la valeureuse et noble Pologne. C'est propos de la presse que M. Cocbin a évoqué ces faits d'intérêt politique. Il a dit, en parlant de la défaite de la vaillante et héroïque armée danoise Eh bienè-cette presse que j'aime, que je bénis, nous a donné hier deux exemples que je désire vous rapporter, pour vous montrer ce que c'est que la justice invisible. Le même jour, le -télégraphe, avec celte forme sommaire que vous connaissez, annonçait qu'à Berlin on avait illuminé grande musique militaire, grand feu d'ar tifice, lampions, etc. Ou avait été les plus forts. Puis, le même jour, on racontait que, dans un petit coin, sur une route obscure du Danemark, un cortège funèbre s'en allait4au cimetière. Il était suivi par un homme grand, dont l'air était triste, solennel, et qui marchait la tête décou verte. C'était le Roi! A quelque distance des cercueils, renfermant les restes sacrés, obscurs, mais illustres et touchants, de quelques guerriers morts pour l'indépen dance de leur pays, ce Roi traversait, défait, vaincu, battu, les flots pressés de son peuple, sans qu'un reproche lui fût adressé. Il arriva la dernière demeure de ces gens, que lui avait conduits là, sans qu'une larme tombée des yeux d'une mère montrât la moindre amertume qui pût lui sembler un reproche. Il enterra ces pau- vres gens morts; puis, pris d'une soudaine inspiration, il alla de cercueil en cercueil, de tombe en tombe: il donna la main en pleurant des mères, des sœurs, des frères, toute cette foule qui pleurant en ce moment se trouva consolée, récom pensée en ayant serré la main de son Roi. Vous le voyez, dans le même journal, d'un côté la victoire, les lampions, la sérénade; de l'autre, le deuil, l'humiliation, la défaite. Ici, les puissants et les grands; là, les faibles et les petits. De toutes vos con sciences au moment où je parle, il sort un cri: Ah! ces vainqueurs ils étaient deux contre un; c'étaient des forts qui ont do miné des faibles; nous ne voulons pas de leur victoire! Ces derniers mots de l'orateur ont pro voqué dans la salle un enthousiasme indescriptible. Tout le monde était ému; M. Cochin lui même partageait l'émotion que ses généreuses paroles avaient provo quée. Il s'est écrié, en présence de la manifestation si énergique de son audi toire: Vos applaudissements sont l'ex* pression de la justice, une des réalités du monde invisible; vos applaudissements et votre émotion sont l'expression des sentiments de justice d'un petit peuple libre, grand par son patriotisme et son amour de la liberté, pour un peuple brave qui combat avec héroïsme, afin de maintenir son indépendance. Nouvelle émotion et nouveaux applaudissements, tel a été le résultat de ces paroles. Le second incident a surgi la suite du rapprochementfailpar M.Cochin touchant 1s Saint Père et Garibaldi. Le même jour, la même heure, l'éloquent orateur avait lu dans les journaux: d'une part, le récit emphatique de la réception faite en Angle terre au représentant honnête d'une cause malhonnête, Garibaldi; de l'autre, l'analyse télégraphique d'une allocution vigoureuse prononcée, au sujet de la Polo gne, par l'illustre et vénéré Pie IX, dans un récent consistoire. Tandis que l'Angle* terre iêtaii avec ostentation la bienvenue de celui qui sert sa cause en Italie, sans rien lui coûter, disait M. Cochin, a un petit souverain, odieusement persécuté et spolié par ceux-là mêmes que sert Garibaldi, trahLet inquiété par l'Angle* terre, osait se lever du fond d'une sacris* tie pour prolester contre la conduite du chef d'un grand Etat ne comptant pas moins de quatre vingt millions d'âmes. le saint vieillard du Vatican, courbé par l'âge, éprouvé par les vicissitudes de la Révolution, a osé reprocher un poten- tal sa coupable conduite l'égard d'un pie valeureux, digne par son courage et ses vertus civiques, de recouvrer son autonomie perdue; il lui a dit, au nom de la justice invisible, de la justice de Dieu Tu as dans les mains le sort d'un peuple brave que lu opprimes; les bout* mes de celte petite nation, que tu tiens sous le joug, souffrent et meurent héroï- quement pour la défense de leurs droits; les citoyens de cette petite nation qu'on appelle la Pologne, mais qui est grande par ses infortunes et son courage, iront auCiel,dontlaportevous sera fermée A ces mots, les applaudissements ont éclaté avec une sorte de frénésie, et M. Cochin a dû faire une pause forcée de plus de cinq minutes avant de pouvoir reprendre le fil de son discours. Ici encore, il a trouvé des mots pour peindre d'une manière saisis sante les souffrances du peuple héros; il a, dans un élan réellement inspiré, parlé de la patrie avec des accents qui n'appar tiennent qu'à lui et qu'il est impossible de rendre. Il était vraiment beau! ©M©I(RiT Ali PROFIT DES INCENDIÉS. Le Concert organisé au profit des mal heureuses victimes de l'incendie Brielen, qui a été remis cause du mauvais temps aura irrévocablement lieu Jeudi prochain, 26 courant, 5 1/2 heures du soir, au Jardin public; en cas de mauvais temps, l'exécution aura lieu dans la grande Salle des Halles. Bruxelles. Les candidats doctrinaires ont» ^'U5, - - Assche. Le parti conserfateor a triomphé a une graode majorité. Diesl. La liste ministérielle n'a triomphé qu'b l'aide de la di«ision qui s'est produite dans l'opinion conservatrice b propos de questions de personnes. tiaechtSur 282 électeurs, 178 ont pris part ao rote. Oot été élus M. Hollemans, membre sor tant, par 166 suffrages; M Kumps, avocat Bru xelles, par 161. M. Kumps remplace M. le profes seur Smoldersqui n'a pas sollicité de nouveau mandat. C'est donc on soccès complet pour l'opi nion conservatrice. CONFÉRENCE DE M. COCHIN A BRUXELLES. Le 21 mai, b midi ei demi, S. A. R. Mm* la duchesse de Brabant a douce le jour b une princesse. Le procès-verbal d'accouchement a été dressé b 2 heures au palais de Laekeo par M. Victor Tesch, ministre de la justice, accompagné de M. Potzevs, secrétaire général du département de la justice,en présence des témoins appelés au palais par l'ordre du Roi. La princesse a reçu les prénoms de Stéphanie- Clotilde-Louise -Herm in ie- Marie-Char lotte. L'acte de l'état-civil a été dressé par M. Herry, bourgmestre de Laeken, accompagné du secrétaire communal. D'après les ordres du Roi, la naissance de la princesse a été annoncé par message du ministre de la justice aux Chambres, aux cours de justice, aux chefs diocésains, ainsi qu'aux présidents du'synode protestant et du consistoire israélite. NOUVELLES DIVERSES. I.'époque du bapiême solennel de la jeune princesse de Rrabaut ne paraît pas fixée encore. La royale enfant a été ondoyée, comme d'usage. Voici de nouveaux et bien émouvants détails qui se rapportent la catastrophe du chemin de fer de Namur Dînant. Ou nous écrit b la date du 20 mai Ayant Tu l'article de votre journal relatif a la catastrophe de Lustiri, j'en ai admiré l'exactitude jusqu'au passage ou il est dit que le cadavre de la comtesse Cornet a été transporté .b Dînant. C'est an château d'Anue- voie même que furent recouduits, par M. Charles de Montpellier, lesresies mortels de la malheureuse victime. Elle y fut déposée dans la chapelle du château, où on l'entoura de tout le respect dû en ces tristes et soleouelles circonstances. C'est Ib que que le jeune comte, son fils, la revit encoie, et, fou de dooleur, ne la quittait que pour leveniry plier, l'embrasser et pleurer. M. le vicaire d'Annevoie dont le zèle et le dévouement dépassent souvent les forces, fut pour le jeune comte on puissant consolateur; ses idées élevées et la noble manière avec laquelle il les exprimait fireot descendre dans le coeur du pieox jeune homme la seule douceur possible dans ces terribles événements, la coosolatiou de la Religion. C est avec un bonheur indicible et que ses yeux seuls manifestèrent, que le jeune comte appris dans la soirée par une femme de chambre de sa mère, échappée b la catastrophe, que M1"* la comtesse avait fait ses dévotions l'avant-veille de sa mort; il se le fit répéter deux fois, et malgré sa douleur ses yeux trahirent un instant de bon heur. Il la voyait au ciel!! A minuit, le comte Félix Cornet arrivait b Aouevoie, accompagué de son ami, le docteur Sovet, de Beauiaiug. Il se rendit immédiatement b la chapelle où, plongé dans la plus profonde dou leur, il pria longtemps; le lendemain de graod malin, il voulot voir le lieu de la catastrophe, et Ib, maîtrisant sa poignante afflictionil recueillit comme des reliques les vêtements et les bijoux de sa malheureuse épouse, il remerciait aussi généreu sement les braves gens qui l'avaient recueillie l« veille. Le corps est parti le soir pour Vooêche, où l'eo- terrement en a lieu. Uo fait extraordinaire, mais qui n'est pas sans précédent, vient d'arriver dans la commnne de Hodeigr, près de Waremme.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1864 | | pagina 2