D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
50me Année.
Samedi 9 Février 1867.
Ko 5,150.
REVUE POLITIQUE.
Une dépêche de Vienne transmet la liste
du ministère hongrois, il se composerait
ainsi président du conseilM. le comte
Jules Andrassy; ministre de l'intérieur,
M. Somnisch; de l'instruction publique,
M. le baron de Eotvos; de la justice, M.
ilorvvalh; des finances, M. Lonyai; des
travaux publics, M. le comte Miko; de la
guerre, M. le baron Menkhein; du com
merce, M. Grove. La nouvelle n'est pas
officielle, mais elle est des plus accréditées,
et l'on peut tenir, croyons nous pour cer
tain, que si la liste définitive du ministère
hongrois diffère de celle que transmet le
télégraphe, elle n'en différera pas sensible
ment. Les hommes qui y sont inscrits sont
ceux qui par leur position dans la Diète
sont appelés en faire partie.
La ville de Francfort ne semble pas
encore avoir renoncé l'espoir d'obtenir
la restitution de la contribution de guerre
qui lui a été imposée. Dans sa séance se
crète du 1" février, la députalion perma
nente, chargée de l'administration de la
villea résolu d'envoyer cet effet une
nouvelle députalion au Roi de Prusse.
La Gazelle de Cologne prétend qu'il règne
en Hollande un esprit d'hostilité systéma
tique contre la Prusse. Elle conseille au
gouvernement prussien de traiter le plus
tôt possible avec h Confédération du Mord,
dans le but de dégager le duché de Lim-
hourg de ses rapports avec l'Allemagne.
Elle pense que comme compensation de
cette faveur, la Hollande devrait céder la
Prusse la rive droite de la Meuse.
La Chambre des Représentants a repris
la discussion du Code pénal. Le litre III du
livre II relatif aux crimes et aux délits
contre la foi publique et les chapitres I
VII du titre IV qui traite des crimes et des
délits contre l'ordre public commis par des
fonctionnaires dans l'exercice de leurs
fonctions ou par des ministres des cultes
dans l'exercice de leur ministère, ont été
adoptés avec quelques changements de ré
daction proposés tant par la commission
spéciale de la Chambre que par M. le mi
nistre de la justice; quelques articles ont été
réservés ou renvoyés l'examen de la
commission. Les débats ont continué sur le
chapitre VIII, du titre 1" qui s'occnpe des
infractions commises par les ministres des
cultes dans l'exercice de leur ministère.
GRÈVE DE MARCHIENNE.
Nous empruntons au Bien public l'extrait
suivant d'une lettre qui lui est adressée sur
les troubles du Hainaut
LE PROPAGATEUR
FOI CATnOLIQt'E. - CONSTITUTION BELGE.
Mu.ce.c-scr-Sambrb 4 février.
Les journaox tous ont apporté déjb bien des
détails sur les graves événements qui se sont ac
complis b Marcbienoe depuis trois jours. Tout le
pays s'en est ému et l'on éprouve de vives inquié
tudes au sujet des localités voisines. Noos avons,
en effet, dans ce pays un nombre énorme d'ou
vriers, doot beaucoup d'étrangers. Il semble qu'il
suffise de peu de chose pour enflammer une masse,
composée de taot d'éléments divers. Aussi le gou
vernement a-t-il pris des mesores incomplètes sans
doute, mais propres cependant b imposer déjb aux
hommes de désordre. Il était temps. Croirait-on
qn'b Cbarleroib 4 lieues de la frontière française;
au centre d'une populatioo industrielle de plus de
100,000 âmes, il n'y avait qu'une garnison de 200
a 3oo hommes? A qaoi sert ilje vous le de
mande, d'avoir une armée et de dépenser pour
elle 5o ou 4o millions par au, si 00 n'en relire pas
au moins quelques garanties de sécorité, si elle ne
peut rendre en temps de paix les services les plus
élémentaires?
A Marchienoele sang a été versédeux hom
mes ont été tués, ou grand nombre blessés, dont
plusieurs dangereuscmeut; uu grave attentat b la
propriété a été accompli invasion armée, pillage,
tentative d'incendie. Eh bien, si au lieu de 70 ou
80 soldats, il y en avait eu 4oo, rien de tout cela
ne serait arrivé. Mais comment en avoir 4oo sur
uu point, quand il n'y en avait pas 3oo pour toute
la contrée? Maintenant il est arrivé quelques ren
forts de Mous et de Namur, infiniment trop peu,
me semble-1 - il, car on déploiement de forces con
sidérables produirait un effet préventif b peu près
certain. Craindrait-oo, par hasard, de paraître
avoir peur, si l'on massait 3,000 hommes dans ou
pays agité et travaillé? Ou bien nos lignes ferrées
et télégraphiques ne août-elles pas capables d'ap
peler et d'amener en deux jours quelques bataillons
et quelques escadrons?
Ou se plaint généralement dans le pays de
l'imprévoyauce et de la mollesse Je l'administration
Communale de Marchienne. Aux premiers symp
tômes du désordre, elle n'a pris aucune mesure et
elle n'a pas lait counattre la situation aux autorités.
Eusuite elle a usé de ces méuagemeuts si communs
cbex des magistrats électifs et qui ont toujours pour
résoltat d'enhardir les agitateurs. Le veudredi, il
n'y avait eucore presque rien. Samedi, eoflés par
uu premier succès, les émeutiers étaient plos animés
que ne le fureut les agents de plusieurs révolutions
contemporaines. Et cepeodant si l'on décompose
celte masse de 4,000 ouvriers qui étaient Ib, hur
lant et vociférant, on reste convaincu qu'elle ne
renfermait pas aoo bommes ayant des projets ar
rêtés et résolus faire do désordre.
Les autres, simples curieux d'abordsubissaient
peu b peu la cootagion de l'exemple et euhardis
par l'impuoité, eux aussi, ils bravaieot l'autorité et
résistaient b ses injonctions. C'est l'histoire de
toos les soulèvements. Le gouvernement des ma
jorités est une chimère. Qoelques-uds mènent
toujours les foules, et cela s'appelle le règne de la
liberté et de la souveraineté populaire!
Un point important b noter, c'est que dos trou
bles n'ont ni le caractère d'one grève, ni celui d'un
mouvement provoqué par la famiue. Dans les grè
ves, l'ouvrier refuse d'abord de travailler; il reste
inactif deux, trois, cinq jours, josqu'b ce que les
provisions de l'argent soient épuisées; pois, ponssé
par le besoia, il reprend soo travail ou il fait du
désordre. Ici le désordre a commencé subitement,
dès le premier jour. A vrai dire, il y a eu émeote,
bien plutôt que grève.
Quant b la famine, il est bien vrai que toos les
efforts oDt été dirigés vers les moulios, mais 00 a
remarqué que le mouvement partait surtout des
ouvriers les mieux payés. Ainsi daos les grandes
nsines de la Providence, ceux qui gagnent de
petites joornées sont généra e ueot restés ati travail;
ce sont ceux qui ont des salaires de cinq, six et
josqu'b sept francs qui ont refusé de travailler
d'abord, puis qui sont veous piller les moulins.
Chose plus remarquable, au boni de quelques heu
res, il y avait plos d'ouvriers bouilleurs parmi
les émeutiersque d'ouvrierssidérurgiques, etcepen-
dant l'industrie houillère est prospère et le -taux
des salaires n'a subi aucune réduction, tandis que
les maîtres de forges ont imposé une retenue de
10 p. c., en raison des circonstances très-pénibles
dans lesquelles ils se trouvent.
La faim n'a donc pas été la cause, mais le pré
texte. On a soulevé le peuple en accosaot les chefs
de nos grands moulins d'accaparer le blé et d'en
faire hausser artificiellement le prix. C'est aux cris
de La farine 3u Jranc»! que les groupes se
sont formés.
D'où est parti eo premier lieu le mouvement
y a-t-il eu des instigations étrangères? On ne peut
encore le dire exactement. Il est certain qu'il n'y
avait pas d'organisatioo proprement dite, car an-
cuoe des mesures et précautions usitées en pareil
cas n'avait été prise, mais ne se ponrrait-il pas que
quelques agems étrangers aient poussé an désordre
pour mettre b l'épreuve et l'esprit de nos popula
tions et la force do pouvoir? c'est possible c'est
même vraisemblable. Raison de plus pour agir
promptement et vigoureusement.
Nos lois nouvelles ne punissent plus la coalition;
elle est parfaitement légale de la part das patrons
comme de la paît des ouvriers. Mais est-elle tou-
jonrs piudeote? Ne doit 00 pas souvent redouter
des représailles?
Que nos maîtres de forges, en présence de la
crise qu'ils traversent aient réduit les salaires de
leurs ouvriers, rien n'est plus naturel. Mais pour
quoi ces réonioos, cette publicité donèée b leurs
délibérations? Les ouvriers se disent si nos patrons
se liguent entre eux, il fant aussi que nous nous
liguions entre oous. Or la ligue des ouvriers, c'est
la grève; la grève, c'est presqueltoujours le désordre.
Quoique trop bien justifiée par la nécessité des
circonstancesla décharge d'armes b feu dirigée
contre les mutins dans la journée de samedi n'ea
est pas moins l'un des plus tristes incidents de la
grève, c'est pourquoi nous croyons devoir apporter
dans le récit du fait la plus grande exactitude sous
ce rapport, la version que nous avoos suivie laissait
b désirer.
M. le sous-lieutenant baron de Vicq de Comp-
tich du nm" régiment de ligne ayant sons ses
ordres six gendarmes b cheval et a5 hommes de
service, devait arriver pour renforcer uoe autre
troupe devant le monlin de Marchienne. La situa
tion était critique, le Dombre des assaillants consi
dérable. M. de Vicq n'hésite pourtant pas, et, ne
consultant que le devoiril prend héroïquement
son parti malgré l'infériorité numérique de sa
troupe. Une grêle de pierres et de lourds pavés
sont laocés par les mutins, sept de ses hommes sont
renversés, c'est alors seulement que le jeune officier
se décide b faire feu. On ne l'accusera pas b coup
sûr d'avoir manqué de prudence et de patience.
Après la décharge,vM.'dé'Vicq eut le bonheur et
l'habileté de sauver ses hommes en se retraocbaut
dans le jardin de M. Cossée, Tue de Châtelet. il
avëit duMraverser^ pour opérer sa retraite, les
gtoupes exaspérés de lapopnlace enrfureur.
C'est ce petit détachementtde 25 hommes qui a
porté.le; poids -principe* fde la sombre,joarnée de
samedi. Le.sous-iienteoaotidè Vicqeoojmandaii b
la fois les gendarmes es les ab hommes dei la ligne,
mais ce sont ces derniers seuls qui ont tiré. Quinze
de ces braves et leur chef avaient été blessés.
Le peuples parfaitement reconnu lesoos-lien-
tenant de Vicq et deux.coups, de,pistolet tirés
pendant la jnornée sur cet officier ont prouvé
clairement qu'il ne l'avait pas oublié.