FRANCE. Pakis, i" octobre. a L'impératrice a quitté Saint-Cloud jeudi six heures. L'Impératrice, en tenue de voyage, c'est-à-dire en costume marron, relevé par des nœuds noirs, loquet brun, gants de Suède, s'est rendue, accompagnée de l'Em pereur et du prince impérial, l'embarca dère spécial construit dans le parc de Saint- Cloud. Leurs Majestés et le prince étaient en voiture fermée; la suite se composait du général Frossard, du général Malherbe, de service, et de tous les dignitaires accourus (le général Fleury des premiers) pour saluer l'auguste voyageuse. On écrit de Constantinople le 23 sep- tembreà la Patrie qu'une jeune musulmane, la princesse Nazli Hanoum, fille de Musla- pha-Fazil Pacha, frère du vie roi d'Egypte, vient, par une décision du Sultan en date du 22, d'être attachée l'impératrice des Français en qualité de demoiselle d'honneur pendant son séjour Constantinople. La princesse Nazli Hanoum a passé plu sieurs années Paris pour y faire son édu cation, qui est très-soignée; elle parle et écrit parfaitement le français, et c'est uni quement son mérite distingué qu'elle doit la mission dont elle est honorée. Le crime de Pantin. La police vient de découvrir Lille une correspondance échangée entre Tropmann et Jean Kinck. De nouveaux agents de la police de sû reté viennent d'être envoyé Soullz, qui va devenir le centre d'activés recherches. Le Soir dit que Tropmann a reçu une lettre de sa sœur lui annonçant que sa mère était dangereusement malade. Il en a été profondément ému et a longtemps pleuré; mais après l'interrogatoire, il est revenu son indifférence habituelle. La population de Pantin est épouvantée. Il y a, pour ce terme cidix fois de dé ménagements qu'à l'ordinaire. Les rondes de police sont plusnombreusesqu'autrefois mais les habitants sont loin d'être rassurés. Les fouilles sont plus actives que jamais entre Bolwiller et Cernay. Les étangs de Herzog sont demi des séchés déjà, sans qu'on ait rien pu décou vrir encore. Tout le pays est en émoi. Un cabaretier de Pantin, M. Villeminot, a raconté que Tropmann, très exalté, avait le travail en horreur et parlait constam ment de projets qui devaient l'enrichir. La police de sûreté a fait une descente judiciaire hier Pantin. Quelques-uns des individusen tend us jusqu'ici comme témoins pourraient bien, d'ici peu, être mis en état d'arrestation. On a trouvé au domicile de Jean Kinck un vieux livret de chemin de fer renfer mant une lettre écrite en allemand, où Tropmann conseillait Jean Kinck de ne venir Guebwiller qu'après s'être mis en parfait accord avec sa femme sur les ques tions d'intérêts. La lettre était parti des environs de Bolwiller. Voici un épisode vraiment bizarre de l'affaire Tropmann On a expédié de Paris, un journal hon grois, une de des petites photographies qui se vendent sur le boulevard et qui sont censées reproduire les traits du farouche assassin de Pantin. Or, il se trouve que ces portraits cartes représentent exactement la figure d'un riche Hongrois, qui n'appré cie que fort peu cette ressemblance, qu'il a peine croire fortuite. Le fait a été l'instant, par ses soins, si gnalé la police française. On lit dans le Progrès du Nord Le train de huit heures trente minutes a trans porté de Lille Tourcoing les corps des victimes du septuple assassinat commis Pantin. Un wagon tendu de noir et formant l'intérieur une sorte de chapelle ardente renferme les sept cercueils. Un prêtre de Paris, qui n'a pas quitté un seul instant ce poste funèbre, prie côté des victimes; dans le même wagon se trouve, en costume d'apparut, un employé des pompes funèbres. La locomotive se met en marche, traî nant une longue file de voitures de toutes classes où les voyageurs sont entassés les uns sur les autres. Sur tout le parcours et le long de la voie, les populations des fau bourgs et des villages voisins sont rassem blées et saluent au passage le wagon mor tuaire, qui a été placé la queue du train. A Boubaix, la gare est encombrée de monde; on se dispute pour trouver place. Aux alentours et jusque sur les talus qui entourent la voie ferrée, il y a des milliers de curieux. Sur la route de Boubaix Tourcoing, qu'on aperçoit dans le lointain, c'est une véritable fourmilière on ne voit plus que les têtes des piétons serrés les uns contre les autres. Le train reprend sa course. Des deux côtés de la voie, même afiluence. A mesure que l'on approche de la gare de Tourcoing, les flots de la foule vont en grossissant. Enfin, voici l'arrivée. La gare présente un spectacle impo sant elle est entièrement tendue de noir, ainsi que les bâtiments environnants. Sur un des côtés on remarque un char monu mental avec des tentures en noir et en blanc, attelé de quatre chevaux blancs re couverts d'un drap funèbre. Il est entouré par les autorités et par un détachement de la compagnie des pompiers en armes, qui essaient d'empêcher l'envahissement de la foule. o Tout coup il se fait un grand silence chacun se découvre. Le wagon qui contient les corps des victimes vient d'être amené vis-à vis du char. On va procéderau trans bordement des cercueils. Un commissaire de police remplit les formalités ordinaires. Les cercueils sont ensuite amenés un par uncelui de M"8 Kinck en premier lieu puis ceux des en fants par rang d'âge. Une fois placés sur le char, ou les recouvre d'un immense drap mortuaire, et on place sur chacune des bières une couronne d'immortelles. Les pompiers entourent le char et le cortège se met en marche vers l'établissement de l'Enfant Jésus, où une chapelle ardente est préparée depuis la veille. Dans la rue de la Station, que l'on tra verse la sortie de la gare, les candélabres des becs de gaz sont recouverts de drape ries noires et blanches. Dans toutes les rues qui seront parcourues par le cortège, la foule est immense. C'est a peine si IVm peut se frayer un passage. Aux fenêtres, il n'y a pas une place qui soit inoccupée. La ville entière est en chômage; dans plusieurs fabriques qui n'ont pas été fermées, les ou vriers ont quitté le travail. Malgré tout l'ordra*n'est pas troublé un seul instant et le recueillement est général. A l'établissement religieux, les cer cueils sont descendus du char monumen tal et déposés dans la chapelle ardente. A dix heures, le cierge de Saint-Christophe, grossi d'ecclésiastiques et dechantres venus en grand nombre de Lille, de Boubaix et des communes voisines, fait son apparition. Un vieux prêtrequi compte cinquante- deux années de prêtrise, préside la triste cérémonie. Quelques instants après, on se dispose prendre le chemin de l'église. En tête du cortège marchent la police et la gendarmerie, qui ouvrent le passade travers la ioule de plus en plus compacte- C'est grand'peine qu'on la repousse en masses serrées sur tes trottoirs. Les pom piers font la haie. A la suite du clergé, viennent un par un lescercueilsportésà bras Ils sont procédés d'une grande croix en bois noir où a été inscrit le nom de chacune des victimes. Devant chaque cercueil, une M fut d'atis de soumettre Massumat-Rahusia une e'preufe Mettes-loi, dit-il, la main sur une lampe allome'e, poor voir si elle supportera la dou- leur. La lampe fot apportée la veuve mit sa main b la flamme jusqu'à ce que la chair fot Doire et crevassée Cela ue m'a poipt fait de mal, dit- elle, et je sois toujours piête au sacrifice. Les voisins s'assemblèrent en grand nombre, et beaucoup manifestèrent une grande appréhension des résultats qoi pourraient soivre la sottie même les membres de la famille delà femme déclarèrent qu'ils s'y opposaient, les suites pouvant être très- sérieuses. L'affaire en resta là tout le jour, la veove tenait bon. Le lendemain matin, elle partait avec quelques- uns de ses parents poor Bilhoor dans le but de rendre les devoirs b son mari, quand le pondit la rappela en loi disant que la journée se montrait sous des auspices défavorables. Alors Massomat Rahusia recommença b crier Sutt Ram Sait Ram Je veux brûler avec mon mari. Et ainsi toute journée. Pendaot ce temps le peuple s'attroupait. Vers le soir, la future victime s'adressa b quelques sé- mindars, et les pria de loi prêter on champ pour le sacrifice. L'un d'eux vaioco par ses supplica tions, lui dit Allons, je vais vous donner un champ, quelques qu'en puissent être les conséquen ces et bien que beaucoup y trouvent du danger. Les opposants diminuèrent ou se turent, et la foule, toojours croissante, viot présenter ses hommages b la saiote femme. On croyait b tort qne le sacrifice aurait lieu immédiatement dans la soirée. Massumat Rahusia n'avait pas mangé depuis deux jours et n'avait bu que de l'eau du Gange elle semblait épuisée. Elle pria les gens de la mai son de préparer le bûcher et resta quelqoe temps sur le dos, respirant convulsivement. Les amis la crurent mourante le pondit, aper cevant no vêtement qoi avait appartenu au mari, pria le fils de la veuve de le porter b sa mère: l'âme de Massumat Rahusia, disait-il, soupire après son mari; sûrement la mourante b la vie. Le pundit eut l'air d'avoir raison. A la vue du vêtement, la veove porta violemment ses deux maios b sa poitrine, se leva, demanda des musiciens et s'informa auprès des zémindars si on lui avait trouvé un champ pour le bûcher. En ce moment, arriva le zémindar qui avait of fert son champ la veille il se déclara prêt b tenir sa promesse, ordonna qu'on coupât du bois et qu'on le portât b l'endroit du sacrifice. Les tra vailleurs ne manquèrent' pasb la besogne; le bûcher fot construit on en informa la veuve, qui s'attafa mit ses plus beaux joyaux, et, sans perdre de temps, marcha ou plutôt courut vers le lieu de sa mort, suivie de deux ou trois ceots voisins les hommes venaient les premiers, les femmes ensuite; derrière, une bande de musiciens. Arrivée au bûcher, la sottie (c'est le nom que prend eo ce moment la veuve) monta tranquille ment, croisa ses jambes sous elle, et pria son fils de mettre le feu. Ce fils, d'environ dix-huit ans, por tait nue poignée d'herbes b cette intention. Il ne se le fit pas dire deox fois et mit le feu. Les flammes raontèreot la sottie se leva b demi, sor quoi les spectateurs murmurèrent; mais la veuve se rassit immédiatement et fit comprendre par des gestes qu'elle ne voulait point échapper b la mort. Les assistants jetaient du nnoveau bois sor le bûcher la flamme augmenta, enveloppa et recouvrit la vic time. Le sacrifice était consommé. Les spectateurs jetèrent des fleurs et diverses offrandes sur le bû cher, puis on se sépara.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1869 | | pagina 2