L\ VÉKÏTE. legs dont il dépose en faveur du pauvre, ceci paraît absurde. Telle n'est pas cependant l'opinion d'un grand nombre des membres du Corps législatif; ces derniers pensent que le testateur est omnipotent, qu'il peut imposer sa donation telles conditions qu'il vent, parceque disent-ils, sans l'exécution de ces conditions le testateur n'eût pas donné, parce qu'aucune loi n'en porte la défense expresse. A entendre les défenseurs «le ce système, celui-ci ne peut olfrir l'ombre d'un doute, et serait d autant mieux établi, qu'il aurait été consacré récemment par un arrêt de la Cour suprême. Cependant, s'il n'y avait pas eu lieu de douter, comment l'arrêt de la Cour «le Cassation serait-il intervenu? Si le doute était impossible, pourquoi présenter k la Chambre un projet de loi pour con sacrer ce principe? Pourquoi susciter «les discussions inutiles, des discussions, qui ont mis en émoi tout le pays, des discussions, qui ont manqué de compro mettre nos libertés constitutionnelles? I/oii voulait une loi, dira-t-on peut-être, mais la volonté du testateur fait loi; c'est sur cette loi que l'on basait le système; pourquoi en demander une antre? Pourquoi demander une loi pour con sacrer une autre loi? n'est-ce pas l'a de l'absurde? Si l'on veut être sincère, si l'on veut être consé quent avec soi même, l'on est forcé de dire ou il y a une loi régulatrice, claire et précise sur ce point et alors inutile d'en provoquer une seconde; ou la loi, dont on suppose l'existence, laisse des «loutes et dans ce cas il importe de faire disparaître ces doutes par «les interprétations législatives; on bien il n'existe aucun texte de loi réglant la matière et c'est le cas de débattre le principe et de consacrer le résultat des discussions «les Chambres. Or, d'un côté il y a eu un cas de déféré la décision de la Cour suprême, parconséquent il est certain qu'il y a doute; d'un autre côté la Cour de Cassation n'a pu juger que par inductions, parsuite il n'existe pas de texte de loi explicite cet égard; donc il y a lieu de provoquer une interprétation et de consacrer définitivement le principe par une loi. C'est parceque nous sommes convaincus qu'il n'existe aucun texte de loi autorisant un testateur a confier l'arbitraire la gestion d'un legs fait an profit du pauvre; parceque nous connaissons au contraire des lois et règlements, qui interdisent indirectement cette faculté au testateur, parceque le xixn,e siècle est trop éclairé, pour se lancer encore dans l'obscu rantisme, que nous avons avancé que ceux qui sou tenaient que le testateur avait le droit de donner, qui bon lui semblait, avec droit de substitution après sa mort, l'atlministration d'un legs au profit des pauvres, soutenaient un système absurde. Il existe tant de lois, tant de règlements, qui don nent aux administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, la gestion et l'administration de tous les biens des pauvres et qui déterminent la manière, dont ces gestions et administrations doivent s'effec tuer, et ces lois et règlements sont pour la plupart si généralement connus, que ce serait faire tort la sagacité du public, que d'en donner même la nomenclature. Ces lois, ces règlements sont faits pour tous et obligent le testateur comme tous les autres. An ino- ineut de la confection de son testament, le donateur, qui doit connaître les lois, qui règlent l'administra tion du bien «lu pauvre, comme il doit conoaîire celles qui règlent la validité des testaments),fsaitjqn'il a le droit de nommer un exécuteur testamentaire, qui sera chargé de l'exécution de ses dernières volontés, mais il sait aussi, ou est censé savoir, que s'il fait un legs au profit des pauvres, les devoirs de son exécu teur testamentaire quant ce legs, se borneront et devront se borner a remettre aux administrations des hospices, ou aux bureaux de bienfaisance, les objets ainsi légués. L'on ne peut donc pas dire que c'est en vue de voir les condition., contraires aux lois, qu'il lui piait d'imposer, s'exé«-uter, que le testateur a fait le legs et que sans cela il ne l'eut pas fait, puisqu'il savait d'avance «pie cette condition illégale d'administra tion ne serait pas remplie; puisqu'il était censé con naître la loi, qui «lit bien clairement, «pie toutes les conditions impossibles et tontes celles contraires aux lois et aux bonnes mœurs, seront réputées non éciites. C'était donc bien une nouvelle loi, une loi anéan tissant les anciens principes, que voulaient les auteurs de la loi sur la Charité. Il faut être juste, ce projet de loi renfermait du hou, beaucoup de bon, mais «1 un autre coté, il était élaboré de manière a faire admettre un principe subversif et contraire 'a nos institutions. C'est par erreur que l'on a répendu dans le public que ce projet de loi, ne tendait rien d'autre qn faire revivre la main morte; pas une expression de ce travail ne peut donner lieu a pareille supposition. Mais ce que l'on y rencontre, c'est la création d un pouvoir dans le pouvoir, d'une administration dans une administration. I,'honorable rapporteur a donné 'a entendre que les institutions d'enseignement, qui naîtraient par suite de legs semblables, seraient uniquement sous la direction immédiate de l'administrateur désigné par le testateur et par suite 'a l'abri de toute domination étrangère. N'est-ce pas là la création d'un nouveau pouvoir, d'un pouvoir dans le pouvoir, non subor donnés l'un l'autre. Le projet de loi porte que les administrateurs nommés, par le donateur, devront rendre compte aux administrations des hospices ou aux bureaux «le bienfaisance, de leurs gestions respectives; n'est-ce pas ici une administration dans une administration; n'est-ce pas une complication inutile? Et voyez dans quel labyrinthe l'on se trouverait bientôt lancé, par suite de la multiplicité de ces petits pouvoirs, par suite du grand nombre «le ces adminis trations particulières On serait réellement tenté de croire que ce projet de loi a été présenté la légère, sans réflexion, lors- qu'en l'examinant, en l'étudiant un peu, l'on apper— coit le dédale dans lequel l'on allait s'engager par son acceptation. Mais dira-t-ou sans doute le projet n'avait d'autre but que de tranquilliser le testateur, que de lui as surer l'exécution^le sa volonté, que d'engager les personnes, par suite de cette assurance, a multiplier leurs libéralités. Ceux qui seraient tentés de faire cette objection, s'appercevraient bien vite de son peu de fondement, en songeant qu'il n'est pas possible que l'on mette toute sa confiance dans celui que l'on ne connaît pas, que l'on ne connaîtra jamais; dans un homme sou vent a naître après le décès du testateur et auquel ce dernier abandonnerait une administration, qui ne serait sujette aucuue surveillance, 'a aucune volonté autre que la sienne; dans une personne, dont toute l'obligation se bornerait a une simple reddition de compte, qu'elle arrangerait 'a sa guise, si elle voulait bien se déterminer 'a en rendre, et qui n'aurait a craindre aucune critique, aucune repression, parce que le testateur l'aurait investie de pouvoirs sans limites. Non, ce n'est pas avec de semblables moyens'que l'on tranquilise un donateur, ce n'est pas ainsi que l'on peut espérer parvenir l'engager 'a étendre ses bienfaits. Il en existe un bien plus simple pour atteindre ce but, pour donner au testateur la conviction intime qu'il peut donner en toute sécurité, avec l'assurance que sa volonté dernière sera réellement un bienfait, que la part héréditaire qu'il enlève sa famille, k ses parents, ses amis, sera entièrement consacrée l'œuvre de charité laquelle il la sacrifie au détrimeut de ses proches. Ce moyen, le seul qui puisse offrir une certitude au donateur, lorsque, d'après ses convictions, des administrations publiques, soumises une surveillance incessante et de tous les instants de la part du Gouver nement, ne lui présentent pas des garanties suffisantes, c'est de laisser cet homme méfiant, cette faible têie, n'ayant confiance que dans sa volonté, volonté dominée bien souvent par une influence quelconque, la faculté de nommer des surveillaiis, lesquels auraient le droit de veiller ce qu'il soit satisfait pleinement aux prescriptions du donateur et le pouvoir de forcer judiciairement a celte exécution. Un projet de loicontenant une semblable disposition, eut évité nos législateurs bien des débats, bien du déboire; an pays, bien des désordres, bien des victimes. Ah! si l'on pouvait réunir aujourd'hui, toutes les dépenses frustratoires qu'a occasionnées au Gouver nement cette malheureuse loi sur la charité, si l'on pouvait faire verser dans une caisse l'indemnité effrayante payée aux représentants pour le temps qu'a duré la discutiou, les sommes énormes sorties des caisses publiques et sa<-rifiées ces mouvements «le troupes, que semblait exiger le maintien de l'ordre, qui paraissait sérieusement menacé, l'on arriverait k un chiffre, qui permettrait de faire une bien grosse aumône, et qui pourrait peut-être faire supposer un instant que le projet de loi, a eu un but chaiitable. Tons les journaux s'occupent de la délibéra tion du Conseil communal de Gand du 25 juillet 1857, du rapport au Roi fait par les ministres de l'Intérieur et de la Guerre et de l'arrêté Royal du 3i avril dernier, qui aunulle cette délibération. Nous regrettons d'arriver un peu tard dans un débat, si palpitant d'intérêt, mais sur lequel le dernier mot ne paraît pas cependant avoir été dit. Nous nous permettrons donc d'agiter, encore 1111 peu cette ques tion, déjà longuement débattue, et d'exprimer notre manière de voir. La conduite du bourgmestre de Gand,daus toute cette déplorable affaire, est loin d'être louable sans doute et c'est un malheur pour 1111 pays de voir deux ministres obligéspar suite de cette conduite, de se fourvoyer eu quelque sorte, pour sauvegarder l'hon neur d'un brave généralqui n'a eu d'autre tort, que d'avoir eu égard une réquisition émanant d'une autorité, qui par elle même n'était pas en droit de requérir, mais qui s'était parée des plumes du paon, pour cacher sa faiblesse et espérait ainsi parvenir k mitiger la peur que lui inspiraient quelques réunions inoffensives. C'est le Commissaire en chef de police, qtti par sa lettre du 3o mai a requis le Général Capiaumorit de lui prêter main-forte. Ce commissaire savait très-bien que lui n'avait pas le droit de requérir en son nom; aussi est-ce au nom du Bourgmestre, qui l'en aurait prétendument chargé, qu'il se permet cette escapade. Mais il y a deux prescriptions, qu'à notre grand étonnement M. le Commissaire en Chef igno rait; c'est qu'un bourgmestre absent perd momen tanément toute autorité et que comme la loi veut une réquisition écrite émanant du bourgmestre ou de l'échevin qui le remplace, lui Commissaire de police, ne pouvait requérir, que porteur d'un ordre écrit portant l'injonction de le faire. Nous pensons donc nous que le premier blâme doit retomber sur le Commissaire en Chef de police, qui au lieu d'être le premier se soumettre a la loi et a observer ses prescriptions, s'est permis abusivement d'agir, sans ordre par écrit, au nom d'une autorité, qui le désavoue publiquement aujourd'hui et qui dans sa lettre du 5 courant, publiée par le Journal de Gand, déclare bien positivement qu'elle ne lui avait pas donné l'ordre de s'adresser en son nom au Général, puisqu'elle y dit qu'elle avait au contraire prescrit au Commissaire de suivre les ordres de M. l'échevin la remplaçant en son absence. Mais la conduite inexplicable de M. le Commis saire en Chef de police, est loin de disculper celle bien plus étrange encore de M. le Bourgmestre. D'après luide son propre aveu des groupes se forment, des troubles sérieux menacent la ville, dont le sort lui est confié et c'est dans ce même moment, lorsque la position est si grave, lorsque lui seul a eu main le pouvoir de requérir les forces nécessaires pour maintenir le bon ordre, que ce Magistrat quitte la ville. Quel peut avoir été le motif si grave, qui ait permis a ce fonctionnaire public de quitter son poste au moment du danger? Serait-ce la peur d'être victime du mécontentement qu'il avait pu susciter; la crainte de se trouver en lace des hommes d'un parti, qu'on l'accuse d'avoir trahi Mais s'il eu était ainsicet homme ne serait pas digne de se trouver k la tête d'une des villes les plus importantes de la Belgique. Quoiqu'il en soit, le Bourgmestre d'une ville me nacée de désordres s absente an moment du dauger, et au lieu de prier celui qui, d'après la loi, doit le

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La Vérité (1857-1859) | 1857 | | pagina 2