DENTISTE
Grand Cortege Carnavalesque
La résurrection d'Ypres
vue par un Boche
6000 Frs. de Primes
jfme VANDENDHIESSCHE
VILLE CYPRES
DIMANCHE 10 FEVR1ER 1929, a 2 heures
avec le bienveillant concours de
I'Administration Communale et de la population
Les inscriptions doivent se faire au local
Hotel du Nord rue de la Station, de 7 a
8 heures du soir, les jours ci après: Satnedi
19, M*-rcredi 23, Lundi 28 Janvier et
Samedi 2 Février 1929. Elles peuvent
ètre adressées par écrit au comité organisa-
teur. Ap ès la dernière date précitée aucune
adhesion ne sera acceptée.
Repartition des Primes
I* Série. Groupes travestis de plus de 25
5oo, 400, 35o, 3oo, 2co, 200, i5o, 100 fr.
2e Série. Groupes travestis de 5 a 25
personnes 200, i5o, 100, 75, 5o, 25 fr.
3e Série. Isolés et petits groupes 6o,
5o, 40, 25, 15, 10 fr.
4C Série. Chars parés 5oo, 35o, 200,
l5o, 100, 5o fr.
5' Série. Sodétés de Musique Une
somme de 1600 fr. est réservée a cette série.
Nous avons trouvédans la Flandre Libérale
de Gand la traduction fran fat se d'un long
drticle sur Ypres qui a paru récemment dans le
grand journal allemand, le Berliner Tage-
blatt II est si intéressant, pour nous Yprois,
de connaitre ce que pensent les boches de notre
retour a la vie que nous n'hésitons pasmalgré
sa longueur, d' publier tout le morceauSon
auteur, d'ailleurs, est d'une impariialité extra
ordinaire rarement le «boche» perce mille
part cependant ne perce le regret d'etre respon
sable des horreurs de la guerre mais seulement
celui de n'avoir pas réussi, La Belgique a eu
tórt de s'opposer aux boches, que cette legon lui
profile voild tout le sentiment de Stefan
Zweig sur la guerre.
Cette réserve faite, Mr Zweig est grand
Partisan de la reconstruction des Halles. Cela
nous fait plaisir et permet d'espérer que le
Berliner Tageblatt», un des plus grands jour-
naux allemands, appuiera les revendications des
experts beiges d la prochaine conférence en vue
de lx restawation intégrale, de la région anéantie
du front.
Si M' Zweig n''qimerait pas a voir le centre
de Berlin en 1 uines, il nous tarde a nous de
revoir nos Halles historiques et de réentendre
les cloches du Carillon du Beffroi.
M' Zweig et son journal peuvent nous y
aider puissavnnent en engageant l'Allemagne
d payer.
Voici la traduction qu'u faite la Flandre
Libérale du bel article en qu stion.
I.
Ypres, la vitle sans coeur
Encore quelques rues étroites, et nous
Vvic sur la place du marché Tout est la
comme jadis, bien renouvelé, plus frais même
peut être, mais - chose terrible la gigan-
tesque Halle aux Draps est partie, cette
construction cyclopéenne, l'orgueil de la Bel
gique autour de laquelle se groupait jadis la
ville entière avec ses petites maisons, tels des
poussins autour de la mere poule. La oü tró-
nait héroïquement cette merveille qui défiait
les siècles, se trouve maintenant un néant,
une couple de tronq-ons de pierre enfumés. Le
cceur de la ville est arraché, et pour s'en faire
une idéé, il suffit de se figurer qu'a Berlin, a
remplacement du chateau et des Linden
il n'y ait plus qu'un monceau de ruines.
Cet aspect fait frissonner, plus encore que
les photographies aux devantures des maga-
sins, qui n>Q.otrent Ypres en 1918 pared a un
paysage volcanique, un seul monceau de
débris. Mais l'effet lugubre de la non restau-
ration de cette formidable construction est
voulu, car il a été décidé qu'elle restera un
amas de décombres, tout comme la ruine de
Heidelberg, afin que les générations a venir
continuent a se souvenir de la guerre. II est
probable qu'un sentiment de haine a inspiré
le désir de leur montrer le martyre de la ville
pour perpétuer l'exécration et le ressentiment
contre l'agresseur. M ais si telle a été l'intention
originale, l'effet atteint est tout opposé. Ce
qui devait être un mémorial de guerre, opère
déja maintenant comme un monument contre
la guerre, car ces ruines constituent un terri
ble avertissement a tous ceux qui aiment leur
patrie, de ne plus jamais exposer a d'aussi
meuitrières destructions les ceuvres les plus
sacrées de leur histoire.
II.
La Porte de Menin
La guerre a done pris a Ypres sa plus
robuste oeuvre d'art. Personne ne s'y rend
plus en pèlerinage, comme nous le fimes un
jour, pour aller admirer ses halles magnifi
ques. Mais a la place de ce monument perdu,
Ypres en a gagné un autre, un monument
hautement artistique et qui parle a l'ame la
porte de Menin, dédiée a ses morts par la
nation anglaise, un mémorial émouvant qui
n'a pas son pareil dans l'Europe entière.
Sur la route qui jadis menait a l'ennemi,
cette porte gigantesque s'élève, tiès haute et
claire comme le marbre. Elle jette son ombre
sur la chaussée la seule de la ville investie
par oü sous le soleil et sous la pluie, les
régiments anglais a laient au front par oü
étaient conduits les canons, les voilures
d'ambulance et les munitions, et par oü retour-
naient d'innombrables cercueils. Dans ses
formes massives a la romaine, plus mausolée
qu'arc de triomphe, s'ouvre la large porte
voütée. Au faite de sa faqade principale, dans
la direction de l'ennemi, se trouve un lion de
marbre, la patte pesamment appuyée, comme
si elle était posée sur une proie qu'il ne veut
pas lacherau dos, tourné vers la ville, s'érige,
grave et lourd, un sarcophage de marbre. Car
ce mémorial est dédié aux morts, aux cin-
quante six mille Anglais tombés devant Ypres,
dont les tombes n'ont pu être identifiées, qui
pourrissent quelque part dans une fosse com
mune, qui sont tombés a l'eau, que des gre
nades ont rendus méconnaissables, tous ceux
qui n'ont pas, comme les autres, dans les
cimetières autour de la ville, leurs pierres
blanches polies, leur propre marque distinc
tive sur leur propre tombe. C'est pour eux
tous, les cinquante-six mille, qu'on a con
struit cette arche de marbre en guise de
monument collectif, et ces cinquante six mille
noms sont taillés en lettres d'or dans la pierre,
et ils sont tant et tant, que, tout comme sur
les colonnes de l'Alhambra, les inscriptions
paraissent des ornements. C'est done un mo
nument commémoratif élevé non pas a la
victoire, mais aux victimes, san r distinction
aucune, Australiens, Anglais, Hindous, Ma-
hométans, tous éternisés dans la même pierre
pour le même sacrifice. Aucune effigie du Roi,
aucun rapptl de victoires, aucun fléchisstment
de genou devant des capitaines géniaux,
aucune mention de princes héritiers, d'archi-
ducs, rien qu'une inscription frontale laconi
quement grandiose Pro rege, pro patiia
Dans sa simplicité vraiment romaine, ce
sarcophage des cinquante six mille est plus
émouvant que tous les arcs de triomphe et
tous les mémorials de victoire que j'ai jamais
vus, et cette émotion s'accroit encore a l'as-
pect des couronnes toujours renouvelées des
veuves, des enfants, des amis. Car un pays
tout entier va tous les ans en pèlerinage vers
cette tombe commune des soldats non inhumés
et disparus.
III.
La Kermesse au dessus des Morts
Ypres est devenue aujourd'hui un lieu de
pèlerinage pour la nation anglaise. On peut
le comprendre quand on a vu ces milliers et
ces milliers de tombes, ce memorial traglque
aux cinquante six mille morts. Ma,s precisé-
ment cette circulaiion intense nuit enormé-
ment a l'impression de respect, et au milieu
de l'émotion, le sentiment regimbe contre
cette bonne organisation qui fonctionne trop
exactement. Sur la Grand'place, il y a un pare
d'autos comme devant un théfitre, ces auto-
mobiles de transport vertes et rouges et
jaunes, déversent journellement des milliers
de touristes dans la ville, lesquels contem-
plent sous la conduite de guides au \erbe
haut les curiosités (deux cent mille tom
bes Pour dix marks on a tout la grande
guerre de quatre ans, les tombes, les gros
canons, la halle communale détruue par les
obus, avec lunch, ou diner et tout le confort
and nice strong tea comme il est dit sur
chaque enseigne. Dans toutes les echoppes
on lait des affaires avec les morts on pré
sente des articles delantaisie labiiqués al aide
d'obus (qui ont peut-être déchiré les intestins
d'un combattant), de jolis souvenirs du champ
de bataille, dont j'ai vu l'échantillon le plus
affreux dans uue vitrine un Chiist de bronze,
dont la croix était faite de cartouches de fusil.
Dans les hotels on joue de la musique, les
cafés sont remplis, les autos roulent de tous
cótés, les kodaks fonctionnent. C'est une
chose terrible de penser que tout comme la
terre s'engraisse des cadavres, les vivants,
eux aussi, retirent du profit des morts qu'ils
peuvent voir les effioyables souffrances d'un
demi million de frères organisées comme une
représentation de cinéma; que des autos bien
suspendues circulent sur les mêmes routes
qu'ont suivies, pendant de longs mois, char
gés comme des esclaves romains, les soldats
trempés de boue et de sueur qu'ils peuvent
obtenir, en des locaux pai fakement ventilés,
tous les refreshments qui auraient paru
aux autres, dans leurs tranchées humides et
sales, comme du nectar et de l'ambroisie
qu'ils peuvent contempler, pour la somme de
dix marks, uie demi heure durant, la ciga
rette en bouche, a leur aise et contents, les
quatre années de martyre d'un demi-million
d'hommes, et envoyer ensuite une couple de
douzaines de cartes illustrées pour proclamer
que la chose est digne d'être vue.
Et cependant...
Et cependant, il est bon qu'en certains en-
droits du monde il existe encore quelques
signes visibles du grand crime. II est même
bon, tout bien considéré, que cent mille visi
teurs passent par ici tous les ans, a l'aise et
insouciants, car qu'ils le veuillent ou non, ces
innombrables tombes, ces bois empoisonnés,
cette place broyée, sont des souvenirs. Et
tout souvenir, sous quelque forme et dans
quelle intention que ce soit, rappelle la mé-
moire de ces années terribles qui ne peuvent
jamais être ou >.ié s Ainsi j'ai troutéqui-
table, et excellent au point de vue pédagogi-
que, qu'en Belgique, tous les ans, le 4 aoüt,
a neut heures du matin, heure a laquelle es
Allemands péi.étiè.'ent dans le pays, toutes
les clcches se mettent a sonner, toutes les
sirè ".es des usines s.fflent et le travail s'airête
pendant quelques minutes. Les autorités qui
donnèrent cet ordre, l'ont fait dai.s une inten
tion nationale, patriotiqüe, non dans un sens
antibellicistemais quand même, cette mesure
elle aussi contnbue au souvenir, et donne a
la conscience qui somnolait une poussée et
une secousse. Et on ne pourrait qu'y applau-
dir,si tous les pays exbelligérants de l'Eun pe
reprenaient ce geste solennel, si tous les ans
en Allemagne aussi, et en France, a l'heuré
exacte de la déclaration de guerre, les cloches
sonnaient, les sirènes hurlaient., toute besogne
cessait pour quelques minutes de recueille
ment, de souvenir, et d'indignation...
47, Rue de Dixmude47, a YPRES