UN BEAU VOYAGE
DE L'HARMONIE YPRIANA
Journées inoubliables a Namur et Dinant
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Après avoir dignement commémoré en notre
ville le dixième anniversaire de 1'Harmonie
Ypriana par des réjouissances publiques et
par un concert artistique donné par la mu
sique réputée des Grenadiers, dont tous les
Yproisgarderont encore longtempsle meilleur
souvenir, le comité de notre belle phalange
musicale Yproise avait décidé d'offrir a ses
membres, du 18 au 20 Juillet, une magnifique
excursion a Namur, Dinant et Grottes de
Han, pour clöturer la série des festivités.
Samedi dernier done 1'Harmonie Ypriana,
accompagnée d'un grand nombre de membres
honoraires, qui avaient tenu a profiter de
cette occasion unique pour faire un beau
voyage, quittait Ypres par le train de 12 h. 17
pour Namur, oü l'arrivée avait lieu a 18 h. 35.
L'Harmonie eut l'agréable surprise d'y être
attendue, a la sortie de la gare, par M. l'éche-
vin Daout, président de la Commission des
Fêtes, qui en termes heureux souhaita une
cordiale bienvenue au comité, aux musiciens
et aux membres honoraires de 1' Ypriana.
La musique se mit aussitöt en marche,
suivie de ses membres et de la foule, et se
rendit, aux sons entrainants de ses plus beaux
pas redoublés, a 1'Hotel Royal Ronvaux,
Place du Théatre.
Apr ès s'y être bien restaurés, tous les
Yprois s'en furent ensuite au magnifique pare
Louise-Marie oü, dai.s un beau cadre de ver
dure, leur Harmonie devait se faire entendre
a 20 h. 3o. Au programme figurèrent des mor-
ceaux choisis dont l'exécution parfaite, sous
l'habile direction de M. Lionel Blomme, fit
honneur a nos musiciens. Ce concert fut fort
goüté et trés applaudi.
A la fin de la première partie du concert,
M. l'échevin Daout monta au kiosque et,
après avoir complimenté chef et musiciens
pour leur savante exécution, il remit a M.
Blomme, en souvenir de cette visite, une
belle médaille représentant les armoiries de la
ville de Namur et portant au revers l'inscrip-
tion suivante La Ville de Namur a l'Har-
monie Ypriana Juillet ig3i
Après le concert Flamands et Wallons
fraternisèrent jusqu'aux petites heures.
Le dimanche matin, a 7 heures précises,
toute la caravane était sur le pont et le bateau
partait a destination de Dinant. Cette belle
excursion sur la Meuse, dura plus de trois
heures, car il y avait sept écluses passer et,
pendant l'arrêt, les bons vivants s'en donnè-
jrent a cceur joie et jouèrent au versassen a
la cantine Vues et panoramas inoubliables
pour tous les txcursionnistes, dommage que
la pluie empêchait par moments de jouir
pleinement de toute la beauté des paysages
traversés. Quand le bateau arriva en vue de
Dinant, l'Harmonie fit entendre la belle mar
che Entre Sambre et Meuse
A la descente du bateau plusieurs sociétés de
la ville avec leurs drapeaux ainsi que la Com
mission des Fêtes de Dinant attendaient pour
souhaiter la bienvenue aux Yprianistes.
Un cortège se forma et tout le monde se mit
en marche vers le mur Tschoffeu, au pied du-
quel plus de 800 Dinantais furent lachement
fusillés par les Allemands en 1914. M. A.
Donck-Vermeulen, président d'Honneur de
l'Harmonie Ypriana, déposa devant la plaque
commémorative une superbe gerbe de fleurs,
cravatée aux couleurs Yproises, pendant que
la musique jouait «Judex »de MaitreGounod.
Tout le cortège se rendit ensuite, au son
d'un pas-redoublé, a 1'Hotel de Ville oü se
trouve érigé, dans la Cour d'honneur, le beau
monumènt aux Morts de la grande guerre M.
Aimé Gruwez, président de l'Harmonie Ypri
ana, y déposa a son tour une belle gerbe de
fleurs et la musique exécuta en sourdine la
Brabangonne.
Se trouvaient lè. M. Sasserath, bourgmestre
de la ville de Dinant, entouré des échevins et
de plusieurs conseillers communaux. Après
les présentations et quelques paroles aimables
de bienvenue,tous pénétrèrent dans le superbe
Hötel de Ville, oü la réception officielle
eut lieu.
M. le Bourgmestre avait fait coïncider la
réception de l'Harmonie Ypriana avec celle
d'une société d'Epernay, de sorte que Fla
mands, Wallons et Frangais y étaient assem
blés au même moment.
Sitöt que les 25o personnes se trouvaient
réunies dans la grande salie des fêtes, M. le
bourgmestre Sasserath prononga le discours
suivant
Mesdames, Messieurs,
La ville de Dinant est toujours fiére de
recevoir ceux qui veulent bien lui faire l'hon-
neur d'une visite. Hier, c'étaientnos excellents
amis du Borinage, de Metz, de Louvain, de
Paris. Aujourd'hui, ce sont ceux de la Marne
et de la West-Flandre.
Messieurs les F r an f ais,
Je suis heureux de l'honneur qui m'échoit
de venir vous souhaiter la plus cordiale, la
plus sincère et la plus chaleureuse bienvenue.
Je salue en vous les enfants d'une grande
nation, grande par sa pensée rayonnante dans
le monde, grande par son travail, grande par
son génie, grande surtout par sa vaillance
grande enfin par son héroïsme.
Mus par une pensée généreuse, vous avez
voulu dans un dessein fraternel et amical
choisir notre cité comme but d'excursion, et
vous avez pensé que vous trouveriez chez
nous, outre une population qui vous com-
prend, vous estime et vous aime, le souvenir
honoré de ceux de vos concitoyens qui dans
la tourmente sont tombés, ici, aux avant-
postes, sur la ligne de cette Meuse rougie de
leur sang, afin que nous restions ce que nous
sommes, c'est-a-dire des êtres libres, indé-
pendants, maitres chez eux de leur sol, de
leur langue et de leur destinée. Devant votre
geste, MM. les Frangais, je ne puis taireplus
longtemps les sentiments de reconnaissance
et de gratitude que par ma délégation la Ville
de Dinant veut et se doit de vous exprimer
avec ferveur.
Qu'a ces premières paroles d'accueil soient
mêlées aussi la joie profonde et la sincère
émotion que ressent notre cité Wallonne ace
moment oü elle voit arriver dans ses murs les
représentants si sympathiques de la maitresse
cité de West-Flandre.
Vos enfants et les nótres se sont trouvés
cóte a cóte sous les ordres de notre Vaillant
Roi, durant la guerre.
Vos enfants comme les nótres ont vécu
quatre longues années exposés aux mêmes
périls, artisans inséparables de la glorieuse
victoire de 1918, champions irréductibles de
l'Indépendance de la Belgique.
Et, lorsque l'heure de notre libération vint
enfin s'inscrire au cadran de notre destinée,
le sort de vos fils ne fut en rien différent du
sort des nótres lorsqu'ils nous revinrent,
Ypres, le joyau de la Flandre Occidentale,
Dinant, la Reine de notre haute Meuse, ne
comptaient plus leurs ruines.
II semblait qu'un ennemi acharné eut voulu
effacer a jamais de notre sol patrial la trace
même de nos deux villes.
Mais notre ténacité a voulu qu'il en fut
autrement. Ypres n'était pas morte plus que
Dinant. Ypres revivait aussi bien que Dinant
se réédifiait.
Villes sceurs par la douleur, par l'abnéga-
tion, par l'indomptable volonté d'exister et
de s'affirmer au monde, Ypres et Dinant
prennent ainsi figure de symboles.
Et dans les heures lourdes d'inquiétude et
ténaillées d'angoisses que l'après-guerre ne
nous a pas ménagées, il est réconfortant de
voir qu'une entière communion règne entre
nous.
Plus que jamais, cette communion est
nécessaire. Les Fondateurs de la Belgique
nous ont laissé un véritable testament dans la
devise qu'ils ont donnée a notre pays
L'Union fait la Force Eendracht maakt
Macht
La Belgique s'est retrouvée après la guerre
endolorie et affaiblie. Tout affaiblissement
nouveau, peut, pour elle, devenir mortel.
Or, toute division serait un affaiblissement
.radical, un affaiblissement mortel.
Flamands, Wallons, nous souvenant de
l'union qui nous a créés en l83o, de cette
union admirable qui a été notre salut en 1914-
1918, Beiges libres dans une libre Belgique,
réjouissons nous de nous trouver ensemble
et de sentir que d'un cceur unanime nous
souhaitons notre chère Patrie forte et indé-
pendante a jamais.
Franfais, Flamands, WallonsGardiens
fidèles et vigilants de la ter re natale dont le
prix a été payé de trop de sang, nous voulons
tous dans le culte du souvenir et forts de
l'expérience du passé, fortifier et poursuivre
la réalisation d'un programme qui rapproche
les hommes au lieu de les diviser.
Mais encore, faut il que ces hommes appor-
tent des preuves évidentes et effectives d'une
sincère bonne volonté. Nous nous élèverons
alors avec eux par le coeur et l'esprit vers les
sommets du vrai, du juste et du beau, vers
les hautes satisfactions du devoir, vers eet
idéal fraternel et humain qu'il n'est possible
de parvenir que par la concorde et le travail
dans la paix... la paix chérie fructueuse...
et... immortelle.
Monsieur le Bourgmestre remercia ensuite
Frangais et Flamands de l'hommage qu'en-
semble ils ont rendu a nos glorieux martyrs.
II remercia aussi toutes les sociétés de la ville
qui ont voulu montrer leur sympathie a nos
visiteurs en les accompagnant a 1'Hotel de
Ville et au mur tragique,et il remit la médaille
commémorative de la ville aux Présidents
respectifs de la Société Ypriana et de la
Fanfare des Tonneliers d'Epernay.
Ce beau discours de M. le Bourgmestre
fut longuement applaudi et M. Armand
Donck-Vermeulen le remercia chaleureuse-
ment, au nom du Comité et des membres de
l'Harmonie Ypriana, en ces termes
Monsieur le Bourgmestre,
J'ai l'honneur de vous présenter les mem
bres de la Société Ypriana et de vous
exprimer leur gratitude et la mienne pour le
grand honneur que vous nous faites en nous
recevant dans vutre Hötel de Ville.
Ce n'est pas sans une profonde émotion
que nous sommes entiés dans cette maison
commune oü bat maintenant le cceur de la
Cité Martyre.
En passant dans vos rues toutes neuves,
en admirant votre belle Collegiale, si heureu-
sement restaurée, en saluant le monument
que vous avez élevé pieusement a tous vos
morts, notre pensée profondément émue s'est
reportée aux premiers jours de la guerre.
Ypres était encore inviolée et bien peu de
ses habitants se doutaient alors du tragique
destin réservé a leur chère Cité, quand un
jour du mois d'Aoüt se répandit chez noqs la
sinistre rumeur des incendies et des assassi-
nats de Dinant. Sans doute bien des crimes
avaient déja marqué les étapes de l'invasion
Allemande a travers les provinces wallonnes,
mais rien de tout cela n'approchait encore
la sombre et terrifiante horreur des massacres
qui venaient d'ensanglanter soudain Dinant.
Un ne voulait pas y croire, mais de jour en
jour les nou velles se piécisaient et peu a peu
l'atroce tragédie se reconstituait soulevant la
conscience des honnêies gens, marquant d'une
infamie ineffagable, les noms des tortionnaires
de votre pacifique population.
Hélas, quelques mois plus tard, Ypres
devait connaitre a son tour le martyre des
cités assiégées et bombardées. Daas leur
commune iniortune la vieille cité flamande
qui vit tomber dans la tourmente les glorieux
symboles de son passé de gloire et de pros-
périté, et la viefile ville wallonne qui mirait
dans les eaux calmes de la Meuse, ses char-
mantes maisons, sa vétuste Citadelle et son
beau clocher bulbeux, la cité flamande et la
cité wallonne sentent vibrer en elles aujour
d'hui, les mêmes émotions patriotiques.
Si les races nous séparent, si les langues
nous divisent parfois, il y a une chose sacrée
qui nous rapproche et nous unitce sont les
souffrances et les épreuves communes que
nous avons subies ensemble pour la même
cause, et ce lien la rien ne pourra jamais le
briser c'est lui qui fait battre nos coeurs en
ce moment au même rythme, c'est lui qui nous
donne cette réconfortante impression d'être
en visite non pas chez des amis, mais chez
des frères que nous aimons bien.
Nous ne pourrions assez vous dire, M. le
Bourgmestre, comment nous apprécions
l'honneur d'être regus par un de ces magistrats
communaux qui firent si noblement leur
devoir aux heures tragiques de la guerre.
Nous savons quelle affection profonde vous
portez a votre chère ville de Dinant, nous