LETTRE PRSTORRLE
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Monseigneur Henri LAMIROY
Le Docteur Joseph Justice
LE DOCTEUR JOSEPH JUSTICE
de Son Excellence
Docteur en Philosophic,
Docteur et Maitre en Théologie,
par la miséricorde de Dieu et la grace du
Saint Siège Apostolique,
ÉVÊQUE DB BRUOES,
au Clergé et aux Fidèles de Notre Diocèse
salut et bénédiction.
Nos trè$ chers Frères
II y a un an a peine neus avions le grand
bonheur de pouvoir célébrer le soixantième
anniversaire de l'ordination sacerdotale de
notre révérendissime et bien-aimé Pasteur,
Son Excellence Monseigneur GUST AVE
JOSEPH WAFFELAERT, qui déjè a cette
époque gouvernait le diocèse de Bruges de-
puis plus de trente cinq ans
Nous avions espé.é et nous avior.s prié que
Dieu daigratnous conserver encore de longues
années notre vénéré Pontife, mais les disposi
tions du Seigneur étaient autres, et aujourd'
hui nous devons remplir un bien triste devoir
en vous annonqant qu'il a plu a Dieu de rap-
peler a Lui l'ame de notre regretté et véné
rable Père.
II n'est done plus, eet éminent Prélat qui
nous montrait a tous le chemin a suivre pour
mener une vie plus chrétienne, plus surnatu-
relle et plus parfaite.
II n'est plus, celui qui était pour nous, ses
prêtres, le modèle de toutes les vertus sacer
dotales qui tenait tant a coeur d'exciter,
autant par ses actes que par ses paroles, le
zèle de son clergé a travailler avec plus d'ar
deur au salut des ames qui se préoccupait
si vivement de la formation et de la perfection
de ses collaborateurs dans le saint ministère.
II n'est plus, celui qui avait le souci con
stant du bien des communautés religieuses,
confiées a son zèle vigilant. Sa paternelle
sollicitude s'intéressait a tous les événements
heureux ou malheureux de leur existence. Que
de fois II leur prêcha avec onction ces subli
mes vérités dc notre sainte religion, qui doi-
vent éclairer et diriger la vie entière de
toute ame religieuse.
L'instruction et l'éducation de la jeunesse
furent toujours au premier plan de ses préoc-
cupaiions, et dé^ dans sa toute première
lettre pastorale il exprima sa tendre sollicitude
a ce sujet, comme il s'intéressait également
aux besoins de la classeouvrière. Son premier
geste inême comme Evêque nommé du diocèse
de Bruges, fut d'écrire u re lettre a tous ses
Doyens pour attirer leur attention sur la crise
sociale et sur les moyens a prendre pour
soulager la détresse des pauvres et des mal
heureux.
Rappelant ces temps heureux du christia-
nisme naissant, quand selon le témoignage
de nos livres saints, tous les fiièles sem-
blaient n'avoir qu'une ame et qu'un coeur, il
ajouta Nous n'avons pu Nous empêcher
de faire des voeux, avec le Père commun des
fidèles, Sa Sainteté le Pape, pour que l'union
de tous les catholiques, menacée de nos
jours,... ne soit jamais brisée. C'est pour vous
exhorter a cette sainte union que Nous repre-
nons les paroles de Saint Paul lui-même Je
vous conjure, mes frères, par le nom de N.
S. Jésus Christ, d'avoir tous un même langage
et de ne pointsouffrir parmi vous de divisions,
mais d'être tous unis dans une même idéé et
dans un même sentiment Oui demeu-
rez fermes dans un même esprit combattant
tous d'un même coeur pour la foi de l'Evan-
gile
N. T. C F., écoutons encore et surtout
aujourd'hui ces exhortations de notre regretté
Pasteur qui, comme Saint Paul dont il cite
les paroles, pouvait en toute simplicité se
rendre a Lui même ce témoignage Omnibus
omnia factus sum, ut omnes facerem salvos,
je me suis fait tout a tous, afin de les
sauver tous
C'est pourquoi, jetant un regard sur sa Ion
gue et féconde carrière, si bien remplie de
toutes ces bonnes oeuvres qu'ióspirent une foi
profunde et une charité ardente, il pourrait
comme le grand apötre, ajouter sans aucune
présomption Bonum certamen certavi
j'ai combattu le bon combat Avec le même
apótre il peut dire aujourd'hui J'ai achevé
ma carrière j'ai gardé la foi il ne me reste
plus qu'a recevoir la couronne de justice que
me donnera en ce jour le Seigneur, le juste
Juge
Et en eftét, N. T. C. F., le même jour oü il
y a soixante et un ans il monta la première
fois a l'autel, ainsi, calmeet tout abandonné a
la sainte volonté divine, comme il le déclara
si souvent durant les derniers jours de sa vie
mortelle, il passa a une vie meilleure, a la vie
éternelle. II fut ravi a notre affection le 18
décembre, et alla recevoir la récompense de
tous les bienfaits qu'il avait prodigués avec
tant de libéralité ases prêtres et a ses ouailles.
Telle est, N. T. C. F., notre ferme espoir
et notre meilleure consolation dans la pénible
épreuve que nous subissons. Cependant, com
me les pensées de Dieü sont parfois bien diffe
rentes de celles des hommes, cette séparation
nous impose un saint, un doux devoir, celui
de payer par nos prières et nas sacrifices, une
dette de reconnaissance, envers notre regretté
et digne Evêque.
Nous vous demandons par conséquent, a
vous tous, prêtres du Seigneur, qui dans ce
diocèse de Bruges, avez presque tous requ les
saints ordres des mains de Monseigneur
Waffelaert, de vous souvenir de son ame au
Memento de la sainte Messe les communau
tés religieuses, objet constant de sa sollicitu
de paternelle, ne l'oublieront pas dans leurs
ferventes prières et leurssaintes communions
tous les fidèles du diocèse auront a coeur
d'unir leurs prières aux Nötres, afin que ricn
ne ret arde l'entrée de notre bien aimé Père
dans la patrie céleste.
N. T. C. F., Nous avons eu le bonheur de
pouvoir assister notre Evêque vénéré, durant
deux ans et demi, dans sa lourde tache
pastorale, et de Nous préparersous sa sage
direction a la sublime chargequi Nous atten-
dait.
Placé, dès ce jour, par Sa Sainteté le Pape
Pie XI surlesiége épiscopalde Bruges, Noms
ne Nous dissimulons nullement le poids qui
pèse sur nos épaules, surtout dans les circon-
stances actuelles.
Mais Nous comptons sur l'aide toute-puis-
sante de Dieu, par l'intercession de Marie,
Notre Mère du ciel. Nous confions tout et
toute notre carrière épiscopale, avec tout ce
qu'elle Nous amènera dejoies oude tristesses
a la divine Providence.
Nous savons en effet que vous, Nos chers
collaborateurs dans le ministère des ames, et
vous tous, Nos bien - aimés diocésains, sa-
chant qu'un jour, ainsi que Nous avertit
1'Apötre, Nous aurons a rendre un compte
rigoureux de vos ames, vous aurez a coeur de
rendre Notre tache plus légère, par le secours
que Nous apporteront vos bonnes prières et
votre corfiante soumission. De la sorte, Nous
en avons la douce confiance, Nous pourrons,
a l'exemple de Notre regretté préiécesseur,
vous ptêcher toujours, en toute sincérité, la
vraie charité du Christ, et Nous pourrons
vous montrer toujours le chemin qui mène
droit au véritable, a l'anique bonheur.
Aces fins, Nous vous donnons, la première
fois, Notre bénédiction épiscopale, priant le
Seigneur de vous recorder ses divinesfaveurs,
toutspécialement au débutde l'annéenouvelle.
Qu'il daigne protéger tous vos intéréts tant
temporels, que spirituels que ses plus abon-
dantes bénédictions descendent sur vous tous
et sur chacun de Vous en particulier, surNos
prêtres si pleins de zèle, sur Nos communautés
religieuses si ferventes, sur tout Notre peuple,
grace a Dieu, si fidèlement encore attaché a
la foi catholique.
Nous ordonnons qu'un service funèbre soit
célébré pour le repos de l'ame de feu Son
Excellence Révérendissime Monseigneur
Waffelaert, XXII* Evêque de Bruges, dans
toutes les églises paroissiales et tous les ora-
toires publics de Notre diocèse, endéans la
quinzaine, qui suivra le service solennel a la
cathédrale.
A dater de cette présente lettre jusqu'au
premier dimanche du Carême, les prêtres
ajouterout, salvis rubricis, l'oraison pro Epis-
copo, aux collectes de la sainte Messe, afin
d'implorer les bénédictions célestes sur Nous
et sur tous Nos fidèles.
Et sera la présente lettre pastorale lue en
chaire, a toutes les messes, dans toutes les
églises et tous les oratoires publics de Notre
diocèse, le Dimanche 27 décembre ig3i.
Donné a Bruges, le 24 décembre ig3i.
t HENRI,
évêque de bruges
Par ordonnance de Mgr l'Evéque,
Léon Asseloos, Chan.-Secrét.
Dans notre numéro du 10 Octobre dernier,
nous avons annoncé le décès du Docteur Justice.
Nous croyons intéresser nos lecteurs eu repro-
duisant I'article que lui consacre Le Courrier
Médico-Pharmaceutique de décembre ig3r.
Ceux qui s'en vont
Major médecin retraite. Grand Invalide de Guerre
Né a Ypres, le 3 Juin i86g après une jeu
nesse calme passée dans sa ville natale, il
fréquenta l'Universilé de Gand, oü, avec la
plus grande distinction, il obtint les différents
diplömes qui devaient lui permettre d'exercer
son sacerdoce.
Ame de soliat, il prit rang dans l'armée et
fut attaché a l'Ecole d'équitati )ti de sa bonne
ville d'Ypres. Non seulement, il y conquit ses
divers galons, mais y acquit bientöt une gran
de réputation parmi la population civile, dont
il s'était attiré toutes les sympathies.
A peine installé, son dévouement fut mis a
l'épreuve. Une épidémie de typhus avait éclaté
dans la ville. Son dévouement et sa science
médicale lui valurent la confiance de la nom-
breuse population. Aussi, sur sa demande,
obtint-il l'autorisation de ne point changer de
garnison.
II avait refusé de gravir les échelons de la
hiërarchie militaire, Ypres ne voulant pas se
priver de celui qu'elle aimait.
II partit pour la guerre avec le grade de
commandant, parlicipa a tous les combats
livrés a l'ennemi pour la défense du pays
jusqu'a la retraite sur l'Yser. II passa ensuite
en Angleterre, oü il fut nommé directeur de
l'Hópital de Folkestone. La encore il fit mon-
tre de ses qualités de sol lat et de médecin.
Après la tourmente, déclaré grand invalide, il
fut pensionr.é avec le grade de major. II vint
s'installer a Bruxelles avec sa femme et ses
trois enfants, oü il se fit une clientèle privée.
Le Dr Crousse se l'adjoignit a l'Institut
chirurgical du Square Marie-Louise comme
médecin anesthésiste, fonction qu'il remplit
pendant dix ans. II fut également durant cette
période l'accoucheur attitré de la clinique.
La vie lui était douce et heureuse. Ce bon
heur fut brisé le jour oü il eut le malheur de
perdre son fils ainé, en ig3o. Et la fatalité
s'acharnant sur lui, la compagne de sa vie lui.
fut ravie, au début de cette année, après une
longue et pénible maladie.
Depuis, sa gaité avait disparu son visage
n'exprimait plus que tristesseet angoisse. Le
souvenir de sa femme bien-aimée le précipita
dans la tombe Une crise cardiaquel'emporta.
Le docteur Justice laissera le souvenir d'un
ami franc et dévoué, d'un médecin conscien-
cieux et intègre.
A ses enfants éplorés nous adressons nos
condoléances bien sincères. Dr G. Anciaux.