['Inauguration du Memorial Frangais
au Mant Kemme!
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Dimanche dernier a eu lieu l'inauguration
du monument aux Morts Frangais, qu'un
comité dévoué, sous la présidence du général
Lacapelle, a fait ériger au sommet du Mont
Kemmel, resté célèbre par les grandes
batailles qui s'y sont livrées durant la grande
guerre.
Ce monument consiste en une colonne,
haute de 18 mètres et surmontée d'un casque
de poilu qu'auréele une gerbe de lauriers.
Sous le casque se trouve un bel écusson por-
tant les initiates entrelacées de la République
Frangaise. Une statue allégorique, repiésen
tant la Victoire ailée est adossée a la
colonne. Ce symbole consiste en une femme
vètuc d'une ample tunique, et qui tient a
chaque main une couronne qu'elle semble
offrir k l'ossuaire francais, situé en face du
monument a une distance d'environ i5o
mètres, et oü ont été rassemblés, au lende-
main de la guerre, les ossements de 5.291
officiers, sous-officiers et soldats frangais
inconnus. De chaque cöté du socle sont
gravés les noms des grandes unités frangaises
engagées dans les combats sanglants du Mont
Kemmel, ainsi que les noms des généraux
ayant commandé les divisions d'armée qui
y prirent part. Comme épitaphe la pierre ne
porte que ces simples mots Aux soldats
francais - 1914-1918 Trois larges marches
donnent accès a ce monument de grandiose
allure, oeuvre de MM. L. Cordonnier, l'émi-
nent architecte lillois, et Masselot, statuaire.
Un chemin a été tracé, k travers les taillis,
qui relie en ligne droite l'ossuaire au monu
ment et qui est désormais comme une voie
sacrée que les visiteurs devront emprunter
pour aller s'inclicer devant le mémorial édifié
au point culminant du mont.
Dès 10 heures du matin arrivèrent dans le
village de Kemmel, dont les maisons sont
abondamment pavoisées aux couleurs fran
qaises et beiges, un détachement sous les
ordres du capitaine Van Roosbroeck et la
musique du 4' de ligne.
Malgré le temps pluvieux et couvert la
foule devenait de plus en plus dense et trams
et autocars amenèrmt constamment de nou
velles délégatior.s frangaises, parmi lesquelles
on en remarquait mème de Lyon et des
Pyrénées. A 11 h 10 arrira sur la Place l'auto
amenant le général Lacapelle, ancien com
mandant du premier corps d'armée et prési
dent du Comité organisateur, et le général
Pétin, commandant actuel de ce corps et
gouverneur militaire de Lille. Les membres
du Comité du monument se trouvaient déja la
également, ainsi que de nombreux officiers
ae rérerve de la 1* région et plusieurs grou
pements d'anciens c-ombattants, de mutilés
francais et beiges avec leurs drapeaux.
Les premières cérémonies du souvenir
commencèrent par la visite que firent M. M.
les généraux Lacapelle et Pétin, entourés de
nombreux officiers et conduits par M. J. Bru-
neel de la Warande, bourgmestre de Kemmel,
au Monument aux Morts de la Commune et
au cimetière Anglais, oil des gerbes de fleurs
furent déposées.
La pluie empêcha malheureusement de
célébrer la Messe en plein air sur le plateau,
ainsi qu'il avait été prévu, et la cérémonie
religieuse se déroula dans la coquette église
du village. Celle ci était déja remplie de
monde, lorsque le cortège officiel, conduit par
M. le Bourgmestre de Kemmel, y pénétra k
II h. 3o pendant que la musique du 4' de
Ligne fit entendre la marche cortège d'Ham
let, d'Ambroise Thomas. Le service, célébré
par M. le curé Serruys, de Kemmel, était
solennisé par une audition de musique k
caractère religieux.
A 12 h. 3o, la musique du 4* de Ligne sous
la direction de son chef, lieutenant Hen-
drickx, donna, sur la Place, un concert trés
réussi. Un lunch était servi chez M. le bourg
mestre Bruneel de la Warande, auquel étaient
invités les officiers généraux et les diffórentes
personnalités civiles et ecclésiastiques venues
k la cérémonie d'inauguration.
A 14 h. un cortège, formé d'environ sep-
tante groupements francais et beiges avec
drapeaux et suivi par la musique et une com
pagnie du 110' régiment d'infanterie de Dun-
kerque, se dirigea vers le mont oü une foule
immense se pressait déja au pied du belvédère.
Les drapeaux des soc.étés se rangèrent autour
de la stéle, dont la victoire ailée était
encore recouverte d'un voile tricolore, et
auprès de laquelle les piquets des soldats
francais et beiges montèrent la garde.
La Brabangonne jouée par la musique
frangaise et la Marseillaise exécutée par la
musique beige, puis l'hymne national anglais
God save the King se firent successivement
entendre au moment oü les autorités firent
leur apparition et prirent place sur iestr^de
érigée en face du monument. Parmi ceux ci
on remarquait notamment MM. les généraux
Lacapelle et Pétin, déja cités Chardigny,
attaché militaire frar.gais a Bruxelles; Breton,
qui exerga un commandement pendant la
bataille des monts de Flandre Dubois r.otre
attaché militaire a Paris, représ Mitant S M.
le Roi des Beiges Grade, commandant de la
.e division u'intanierie a Land, ïepié^etHant
le Ministre de la Défense Nationale major
Fraser, attaché militaire a l'ambassade bri-
tannique Mgr Descamps, représentant S.
Em. le Cardinal Liénart M. Janssens de
Bisthoven, gouverneur de la Flandre Occi
dentale M, Clinckemaille, commissaire
d'Arrondissement d'Vpres M. le doyen Ver
mautd'Ypres, représentant Mgr l'évêque de
Bruges M. Bruneel de la Warande, bou g-
mestre de Kemmel et donateur du terrain
occupé par le Monument M. Lefebvre du
Prey, sénateur du Pas-de Calais, représen
tant les parlementaires francais; MM. Conem
et Vanuxem, conseillers généraux du Nord
M. Bonneville, conseiller de Préfecture,
représentant le piéfet du Nord M. le doc-
teur Brutsaert, membre de la Chambre des
Représentants de Lauvvereyns, vice pi évi
dent du Comité d'érection les colonels
Mangeroli et Lauro les lieutenants colonels
Mirou, Monbailly et Baron de nombreux
autres officiers supérieurs fiangais de réserve
et d'active le colonel Glorie du 4e de Ligne;
M. Schoutteten, président de la Fédéralion
des anciens comoattants beiges du Nord de
la France; le commandant Hézarl, de la
Fédéralion nationale d'éducation physique
M. FL Dufour, de l'U. N. C. du Nord M.
Paul Cassel, secrétaire général du Comité
des mucilés M. Terquern, ancien maire de
Dunkerque MM. Cordonnier, architecte
Masselot, sculpteur, et Thomas, entrepreneur,
les réalisateurs du magnifique monument.
La pluie avait cessé et c'était sous un pale
soleil que la cérémonie eut lieu.
M. le général Lacapelle, ancien gouverneur
de Metz, Grand-Croix de la Légion d'Hon-
neur, et président du Comité exécutif, commen-
ga la série des discours. Apiès avoir rappelé
les origines du Comité et déclaré que parmi
les devoirs qui s'imposaient aux anciens com-
battanis, était l'hommage a rendre aux cama-
rades tombés pour la Patrie, il remercia tous
les donateurs dont la générosité a permis
l'érection du Monument, et particulièrement
M. Cordonnier, architecte, et M. Masselot,
statuaire II précisa ensuite la signification de
cette cérémonie du souvenir en ces termes
Alors que nous voyons se renouveler a
nos portes des manifestations menagantes
pour la paix, cette paix a laquelle, suivant
l'expression du président Herriot, nous som
mes si attachés qu'elle constitue au cceur de
tout Frangais la passion la plus profonde,
comment pourrions-nous, dans nos inquiétu
des actuelles, oublier la grande legon qui
nous vient des morts 1...
Rejetant loin de nous l'erreur funeste de
certains qui prétendent que l'oubli est néces
saire k la paix et que se souvenir c'est perpé-
tuer la haine et les rancunes, la mésentente et
les conftits, nous ne compromettrons jamais,
par de laches abandons, la place que la France
a conquise dans l'estime des peuples de bonne
foi, par sa modération et son respect de ce qui,
dans la vie des nations, traduit les lois de la
morale universelle.
A l'esprit de guerre et d'aventures, nous
devons certes opposer le calme et la dignité
qui conviennent a une nation victorieuse. Mais
notre amour de la paix ne doit pas non plus
nous faire illusion. Un impérieux devoir s'im-
pose nous, celui de rester forts et piêts a
touieéventuahté et de conserverpi écieusement
les vertus qui, si elles sont dans la paix un
gage de lorce et de progrès, ont été dans la
guerre le gage de la victoire.
Ainsi, la voix des vivants répondra a la
voix silencieuse des moits, ainsi nous sauve-
garderons leur oeuvre de salut...
Fidèles aux amitiés dont la guerre a mon-,
tré la nécessité et fortifié les liens, nous nous
souvieildrons done et notamment que c'est ici,
dans les Flandres, que de 1914 a 1918 nos sol
dats ont combattu, cóte a cöte avec leurs
camarades de l'armée anglaise et de l'armée
beige, et que, si l'Uniié de comsnandement
s'esc laite un jour a Doallens, la fraternüé
d'armcs était faite depuis longtemps, sur les
champs de bataille d'Hpres et de l'^ser.
Le général Lacapelle évoqua ensuite les
sanglants combats d'Avnl 1918, salua les
autorités piésentes et pour terminer, remit lë
monument aux soins de la commune de
Kemmel.
A ce moment on fit glisser le drapeau trico
lore, dont la statue symbolique était recou
verte, les drapeaux s'inclinèient et tous les
assistants obsertèrent raspectueusemer* une
minute de recueillenaent, pendant que la cliqffe
du Ito' fit entendre de sourds rculemenis de
tambours. Ce fut une minute vraiment impTes-
sionnante
M. le Bourgmestre de Kemmel remercia, au
nom de ses administrés, le Comité organisa
teur et lui donna l'assuiance que ce beau
monument du souvenir sera gardé avec la
même sollicitude que l'ossuaire frangais. Le
sommet du Mont Kemmel nous est sacré et
les lamilles des glorieux Morts, venant prier
sur les tombes, seront toujours accueillies avec
une affeciueuse sympathie. II rendit hommage
a la soutfrance muctte ec a 1'héroïsme anonyme
des innombabies soldats frangais tombés sur
ce coin de terre beige. La cause défeniue par
les héros du Kemtucl, disau il, était celle de
la Belgique et tl termina sa belle allocution
par le cri de Vive la France 1
M. le général Grade paria, k son tour, au
nom du ministre de la Défense nationale, et
apporta aux nomoreux Frar.gais piésents le
salut amical et fraternel de l'Armée beige. II
rappella bnèvement l'échec allemand et rendit
un émouvant hommage aux héros frangais
morts en cette terre beige et qui avaient fait
leur, la si belle devise Honneur et Patrie
póur servir la France, la grande puissance
garante de la paix et de la liberié du monde.
Le général Pétin, commandant du ir Corps
d'armée, lui succéda et, apiès avoir salué les
autorités, pria le général Dubois de remercier
le Roi Albert pour la participation beige a cet
te cérémonie frangaise. II fit ensuite un bril-
lant et émouvant exposé de la bataille du mont
Kemmel et des faits d'armes accomplis par
les armées britannique et frangaise, au cours
du mois d'avril 1918. En vain, sur un front
de 14 kilomètres, 120.000 allemands ont don-
né un dernier assaut, sans jamais pouvoir
aborder les lignes frangaises oü les troupes
étaient pourtant trés inférieures en nombre.
Les monuments des nécropoles du front,
poursuivit le général Pétin, apparaitront com
me des phares dont les appels se répondent
de l'Hartmann a Douaumont, de Douaumont
k Dormans, de Dormans a Lorette, de Loret-
te au Kemmel... La ligne de leurs feux brüle