La Journée de la Paix k Ypres
Un article dans Motorboat
A
Comrtie nous l'avons annoncé, la ville a
re<;u dans la journée du Vendredi 21 Avril
dernier la visite de quelques 600 écoliers et
instituteurs anglais et la visite de M. Ie
Ministre Lippens.
Celui-ci et les chefs de l'organisation sco
laire anglaise furent re<;us par le bourgmestre
et le collége échevinal en la grande salie de
notre Hotel de Ville (provisoire, toujours).
M. le bourgmestre et M. le ministre y échan-
gèrent leurs congratulitions. Contrairement a
ce qui avait été annoncé. M. Lippens était
arrivé en auto(venant directement de Dublin),
en sorte que les journalistes venus de
Bruxelles par le train mai quèrent en partie
eette réception officielle. t
A 10 1/2 h les nombreux autocars amenant
les 600 leunes anglais arrivèrent sur la Grand'
Place, un peu en retard sur l'horaire annon
cé, venant du Tyne Cot Cemetery. Immé
diatement, le cortège se forma devant l'hötel
de ville, l'Harmonie Yprianaetles Dagenham
Giils en tê;e, pour se rendre au monument
anglais oü devait se passer la partie offic:elle
et la pius importante de la céiémooie du jour.
Le cortege comprenait l'administration
communale, M. le Ministre et sa suite, les
organisateuis de l'excusion scolaire, les
cnem r<.s du Last Post Committee, et une
,ioule de notabilbés Yproises.
Sous le monument anglais, lorsque l'Har
aionie p iana üt exéculé La Mort d'Ase
de Grieg, M Lippens p it la parole et adressa
aux jeunes hótes angliis un discours que
nous résumor s ici cn frar<;ais d'après le
Soir de Bruxelles
Discours de M. Lippens
Au nom du gouvernement du Roi. je suis
heureux de siluar les enfants des écoles an-
glaises danscette pariie laplus sacrée de notre
territoire, oü tant de dizaines de millieis de
Britanniques ont donné leur vie pour la patris.
V'ous avez visité nos vieilles cifés flaman
des de Gand et de «ruges oü il y a plusieurs
siècle.s alors qu'Edouard III légnait en Angle-
terre, ues relations t.èsamicales s'étaient dé
ji nouées avec votre pays.
Depuis cette époque, nos deux nations
sont toujouis restées coude a couie...
Et aujourd'hui, vous venez visiter nos
champs de bataille cü vos soldats, avec l s
iiötres, ont latté pour le Roi et la Patrie, au
cours de cette formidable lutte sur l'Yser et
dans le saillant d'Ypres-
Combien de vos parents, combien de vos
amis reposent ici dans les vastes cimetières
cjui entourent la ville
Je ne doute pas de l'émotion qui vous
«treint, en voyant les millieis de croix qui
vous montrent que ceux qui reposent ici en
terre beige ont fait le sacrifice de leur vie et
j-empli leur devoir jusqu'au bout.
n C'est a vous qu'il apartient de veiller a ce
que leur sacrifice n'ait pas vain.
Qu'il exalte en vous l'amour de votre
pays que sa grandeur vous incite a agir de
même si l'appel devait vous en être fait. Mais
puisse t il vous donner aussi une horreur sincè
■re de la guerre, quiexige de si teriiblcs holo
causies.
Pensez a toute la misère dans laquelle la
guerre a jeté d'innombrables families.
Et lorsque vousvoyez ces maisonsneuves
et jolies, aux toits de tuiles rouges, au milieu
de richss campagnes récemment labourées, il
«st presque incroyable de penser qu'il y a
quinze ans a peine, on ne voyait plus une
seule brique a des milles a la ronde, et qu'il
n'y avait plus de différence entre les champs
et la ville.
On ne voyait plus que tranchées boueuses,
abris et trous d'obus.
Et toutes ces morts et toutes ces misères
et toutes ces ruines ont elles conduit k un
moade meilleur
Ont elles enrichi le vaicqueur ou le
vaincu
Ont-elles simplifié la vie
Ou ont elles fait progresser l'humaaité
d'un pas dans la voie de la civilisation
Vous êtes trop jeunes pour comprendre
le sursaut que la guerre a provoqué dans nos
vies comme, après une formidable tempête,
les grandes vaguss reviennent encore attaqie-
la rive et secouer les falaises, de même, après
que l'ordre eut été donné de cesser le feu
la terrible catastrophe mondiale créée par la
guerre a continué a saper les fondements de
notre organisation sociale, secouant la vie
familiale et actuellement, lacommunau;é n'a
pas encore recouvré l'équilibre qu'elle a perdu
pendant l'époque terrible.
Nous n'entendons parler que de crise, de
chömage, de guerre douanière, de manque de
confiance, de peur...
Uieu veuille que plus jamais une cata
strophe aussi terrible que la demiè e ne
retombe sur nous...
Mais n'oublions pas que nous devons
ètre prêts y faire face si elle arrivait vous
qui êtes l'espoir de votre pays, vous devez
être prépaiés a protéger avec autant de calme,
et d'intelligence, et de force, les libertés que
vos pères ont conquises il y a plusieurs siècles
et que la brutalité de races moins civihsées
pourrait désirer encore vous ravir un jour...
Cette force de votre pays, cette puissance
sereine et calme, est magnifiquement caracté
risée par le lion qui surplombe le monument
au pied duquel nous nous trouvons.
J'espère que Ie souvenir de votre visite
dans ces régions émouvantes et qüe ces in
stants particuliers passés a la Porte de Menin
graveront dans vos esprits l'horreur de la
guerre et la grandeur du sacrifice accompli
par ceux qui, par un sen iment parfait du
devoir et non dans un esprit de conq' ête et
de domination, ont perdu la vie aux có és de
nos soldats pour la défense de l'honneur et
de la liberté
Et maintenant, avant de vous quitter,
laissez moi vous souhaiter un heureux séjour
en Belgique j'espère que vous comprendrez
dans cette ci d'Ypres restaurée, comme
aussi au milieu des clochers de Bruges,
comme aussi parmi les fleurs a Gand, et quand
vous nous quitterez, au pied du mémorial de
Zeebrugge, que nulle part a l'étrangT vous
ne trouverez plus de sympathie, plus d'amour
pour votre pays que parmi mes compatriotes;
la Belgique vous souhaite la bienvenue
Les Dagenham Pipers se firent entendre,
et le chapelain anglais ë'Ypres, M. Milner,
fit ensuite la cérémonie religieuse. L'Har
monie exécuta le Judex de Gounod, et les
clairons du Last Post sonnèrent le Last
Post et le Reveille Toute cette céré
monie fut radiodiffusée par l'I N. R et nul
doute qu'en Angleterre des milliers d'audi-
teurs suivirent root par mot les discours les
prièrts, et la musique.
Du monument anglais oü des couronnes
avaicnt été déposées par les Ecoliers et la
Ville, le coriège se rendit au monument
Yprois pour y déposer également des cou
ronnes.
La partie officii lie de la visite a Ypres se
trouvait ainsi accomplie, et toute la jeunisse
anglaise se répandit ensuite en ville pour se
restaurer et passer 1'apTès midi a admirer
nos monuments et nos rues.
A I heure, a 1'Hotel Excelsior, un lunch
cfficiel réunissait toutes les sommités officiel
les du jour, M. le Ministre, M. le bourgmestre
et les échevins, M. Wagstaffe, président de la
School journey Association M. le Colo
nel Pulincx, M. le Comte Vanderburgh,
M. de Pierpont ct M. Taets, de l'Office
Belgo - Luxembo'irgeois de Tourisme qui
organisaient l'excuisioo scolaire, les membres
du Last Post Committee, les dirigeants de
l'Harmonie Ypiiana, etc. Aux toasts, M. le
bourgmestre d'Ypres, recommanda sa ville
la bienveillance du Ministre, celui ci expri
ma toute la satisfaction que lui avait procurée
sa visite, et M. Wagstaffe fit ressortir l'eflet
instructif de ces excursions scolaires
Dans le courant de l'après midi, sur le
kiosque de la Grand'Place, les Dagenham
Girls donnèrent une audition d'airs de corne-
muses et exécutèrent des danses écossaises
qui eurent le plus vif succès, comme en
témoignèrent les applaudissements nourris
de toute la population Yproise accourue pour
les entendre et les applaudir.
Cette journée peut être considérée comme
l'ouverture officielle de l'année touristique
d'Ypres. Dès maintenant, on nous annonce
l'arrivée au courant de l'été d'un plus grand
nombre de visiteurs anglais que nous n'en
avons eu l'an dernier.
L'Harmonie Ypriana, par l'exécution de la
Mort d'Ase et du Judex a littéralement
enthousiasmé nos hótes étrangers qui assu-
rèrent que notre phalange musicale était des
meilleures qu'ils eussent jama's entendue.
Les Dagenham Girls, par leur costume,
leur jeunisse, leur entrain, ont laissé dans la
ville d'Ypres, habituée cependant a admirer
beaucoup de. manifestations anglaises, un
souvenir qui restera longtemps dans la mé-
moire de tous.
Ces excursions scolaires feront en Angle
terre en faveur de notre région, une propa-
gande dont il n'est pas possible d'exagérer
l'impottance. Dans plus de 600 families
anglaises, l'éloge d'Ypres ne cessera d'encou-
rager la visite de notre ville.
Cette association de voyages scolaires
internationaux qui n'en est qu'a ses débuts,
est d'une grande portée instructive et laisse
dans l'esprit des en'ants qui y prennent part
une empreinte qui durera toute la vie.
En ce moment, du res'e, un bon nombre
d'écoliers d'r pres se trouvent a It ur tour en
Angleterre. lis y trouvent, nous n'en doutons
pas, le même accueil enthousiaste.
Ils seront de retour la semaine prochaine,
et nous ne manquerons pas de metcre nos con
citoyens au courant de ce qu'ils ont vu en
Angleterre.
Une revue spécialiste illustrée anglaise «The
Motorboat», qui parait hebdomadairement a
Londres, enntientdans son numéro du 3i mars
dernier un article particuliè-ement intéressant
pour l'avenir de notre ville. On y parle en ef-
fet de-laréouvertürea la navigation de l'ancien
canal d'Ypres, dont les défenseurs de notre
saillant ont gardé un si lugubre souvenir.
Après avoir décrit les cérémonies qui se
sont dé-oulé?s au quai d'Ypres lors de l'inau
guration du 19 mars dernier, l'auteur de ctt
article termine par la remarque suivante
Thousands of Rritish tourists visit the
battlefiel Is during the summer months, and
the re opening of the canal from the sea to
Ypres has provi led yet another way of
ri aching the Immortal salient of which
owners of motor craft will not be slow to
avail themselves
Désormais, en effet, Ypres est accessible a
la flotte nombreuse des touristes qui parcou-
rent les divers pays sur leurs embareations a
moteur, et le motor-yachting est bien la plus
facile, la plus reposante, et la plus hygiéaique
fa^on de voyager pour ceux qui ont le temps
a leur disposition. Arriver a Ypres par eau
sera certainement pour eux un moyen de
communication pratique, économique et at-
trayant. Et quelles sensations n'éprouveront-ils
pas, ceux d'entre eux qui ont jadis vécu dans
les tranchées au bord de ce même canal si
paisible aujourd'hui
Ils est cependant dans l'histoire un chapitre,
long de quatre siècles, qui doit aussi laisser
aux Anglais ample matière a souvenirs. Ce
canal, un des plus vieux de l'Europe, fut
animé, du Xle au XVe siècle, k l'époque de la
prospérité drapière d'Ypres, par le va-et-vient
incessant des bateliers anglais. Ils amenaient
a Ypres la laine des moutons de Kent, que
nos métiers transformaient en draps qui
faisaient prime sur tous les marchés d'Europe.
Les relations entre Ypres et l'Angleterre paf
le moyen de ce canal furent pendant ces 4
longs siècles aussi journalières que celles qui
existent aujourd'hui par le chemin de fer.
Puisse cette voie d'eau plaire aux proprié-
taires britanniques de yachts k moteur, et réa-
liser ainsi la prédiction de l'auteur de eet arti
cle du Motorboat», article ülustré par un
trés beau cliché montrant les 3 péniches He-
lène Jeune Angèle et Jeune Charles
en déchargement au quai d'Ypres.